2004, année d’élection du gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale, marque le point de départ de la transition énergétique. Avant cette date, la politique de l’énergie n’était pas jugée prioritaire. Dans les années 1990, les autorités publiques bruxelloises envisagent d’intégrer la durabilité au développement de la région. En 1998, Bruxelles-Capitale rejoint Energy Cities, l’association européenne des autorités locales en transition énergétique. Parallèlement, l’Union européenne s’engage en faveur de l’énergie durable et l’efficacité énergétique, plus particulièrement avec la directive européenne sur la performance énergétique de bâtiments (DPEB) de 2002, que les États membres ont à traduire dans le droit national.
Au début des années 2000, le gouvernement belge adopte le 2e plan fédéral pour le développement durable (2004-2008). À l’époque, les préoccupations de la Région Bruxelles-Capitale portent davantage sur la qualité de l’air, avec l’adoption du Plan Air-Climat en 2024.
C’est en 2004 que l’énergie arrive réellement sur l’agenda politique du nouveau gouvernement bruxellois, qui crée le Ministère de l’Énergie, de l’Environnement et de la Rénovation urbaine, dont la gestion est attribuée à Evelyne Huytebroeck, représentante du parti écologiste. La volonté d’agir en faveur de l’efficacité énergétique est alimentée par une véritable prise de conscience sur le changement climatique et l’augmentation des prix de l’énergie. Le Ministère identifie rapidement un axe de travail prioritaire : le
secteur du bâtiment, qui présente le potentiel de réduction de consommation d’énergie le plus important dans la région. En effet, le constat est alarmant : Bruxelles-Capitale figure parmi les plus grands consommateurs d’énergie et émetteurs de CO2 en Europe. Une enquête, réalisée en 2001 auprès des ménages, révèle que 78% des 475 000 logements bruxellois ont été construits avant 1970, soit avant la crise pétrolière des années 1970, lorsque l’énergie était encore loin d’être une préoccupation majeure.
Le résidentiel et le tertiaire représentent 74% de la consommation finale d’énergie. Le résidentiel, à lui seul, représente 41% de la consommation finale d’énergie à Bruxelles-Capitale. Le secteur du bâtiment est responsable de 70% des émissions de CO2 de la région. S’ajoute à ce constat que la région bruxelloise connait un déficit de plusieurs milliers de logements, alors qu’elle doit faire face à un boom démographique.
Enfin, force est de constater – et l’ensemble des autorités publiques locales en conviennent – que les consommateurs d’énergie ne sont pas encore convaincus de l’importance de l’efficacité énergétique ; les informations techniques ne sont pas à la portée de ceux qui souhaitent entreprendre ; les professionnels ne sont pas en mesure de répondre à la demande ; les investissements dans l’efficacité énergétique ne sont pas une priorité en terme d’allocation de ressources et les techniques utilisant les énergies renouvelables sont méconnues en raison d’une viabilité économique médiocre6.
En 2004, le ministère, en étroite collaboration avec l’IBGE (l’Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement), passe à l’action avec une politique énergétique incluant la sensibilisation et l’incitation des acteurs, une dimension sociale et une règlementation progressive. Sous cette législature, un ensemble de services destinés aux consommateurs d’énergie sont mis en place. Ils sont dans un premier temps dédiés aux autorités publiques et aux entreprises privées, puis élargis aux ménages.
Les « facilitateurs » guident maintenant gratuitement les Bruxellois dans leur souhait de réduire leur consommation d’énergie. Ils sont au service du secteur tertiaire, puis des particuliers. Des experts en énergie sont formés pour accompagner les professionnels, les institutions et les entreprises dans des matières techniques portant sur les domaines de l’énergie et l’écoconception. S’ajoute à cela une politique d’incitation financière incluant un ensemble de primes aux particuliers, appelées « primes énergie », accordées par la Région Bruxelles-Capitale pour augmenter l’efficacité énergétique des logements (isolation, équipements de chauffage, appareils électroménagers, systèmes d’énergies renouvelables). Ces primes visent à couvrir tout ou une partie du surinvestissement nécessaire pour réaliser des travaux qui aboutissent à un haut niveau de performance énergétique. Les primes remportent un franc succès et permettent d’obtenir des résultats significatifs pour un investissement raisonnable. Le fonds qui alimente ces primes est progressivement augmenté passant de 1,2 million d’euros en 2004 à 14 millions d’euros en 2009.
En 2005 débute l’action « Défi Énergie » à destination des ménages pour travailler sur le comportement des consommateurs. Une mesure qui est importante puisque plus de 59% des occupants des logements sont locataires et ne peuvent donc pas agir directement sur le bâtiment. L’objectif est d’encourager les ménages à réduire leur facture énergétique en leur indiquant une série de gestes simples et économiques tant chez eux que lors de leurs déplacements. L’expérience de cette opération démontre que le comportement des consommateurs peut influencer jusqu’à 20% de la consommation d’énergie.
En 2006, Bruxelles Environnement lance le programme PLAGE (Plan Local d’Action pour la Gestion Énergétique) qui accompagne les gestionnaires de patrimoine immobilier (écoles, hôpitaux, piscines, etc.) pendant 4 ans pour leur permettre de mettre en place un système de gestion de l’énergie avec des investissements moindres. Le résultat moyen obtenu en quatre ans est une réduction de 18% de l’énergie de chauffage, ainsi qu’une stabilisation de la consommation électrique.
Il y a peine 10 ans encore, Bruxelles-Capitale pâtissait d’une réputation de passoire énergétique mais le gouvernement s’est efforcé de changer la donne. Différentes expériences à grande échelle ont été menées afin de tester et de démontrer la capacité des acteurs locaux à améliorer leurs performances énergétiques. Depuis 2009, s’appuyant sur l’expérience acquise, la Région a opéré une profonde modification de sa culture énergétique.
Les résultats témoignent d’une belle réussite. La consommation d’énergie finale par habitant a baissé de 13% entre 1990 et 2012, ce qui représente (depuis 2004) une économie annuelle de 400 millions d’euros pour l’ensemble de la région bruxelloise. Les émissions de CO2 par habitant ont quant à elles diminué de 23% par rapport à 199034. Dans le secteur du bâtiment, la consommation d’énergie finale par habitant a diminué de 10% et les émissions de CO2 de 26% par rapport à 1990. Entre 2007 et 2014, les appels à projets « Bâtiments Exemplaires » représentent 33 millions d’euros de subventions octroyés pour 243 projets (1866 unités de logement : 952 passifs et 914 basse consommation ce qui équivaut à 354 142m2 de passifs et 267 361m2 de basse consommation.
Le programme « Défi Énergie » a attiré 6 772 participants depuis 2006. Les primes énergies représentent un montant de 113 millions d’euros pour 160 000 primes versées entre 2004 et 2013. En trois années de mise en œuvre de l’axe Construction Durable de l’Alliance Emploi-Environnement, 184 000 heures de formation ont été dispensées de 2011 à 2013 ; 26 établissement scolaires sont parties prenantes, soit la quasi-totalité des établissements bruxellois ; presque 1 800 entreprises sont impliquées dans la transition vers la Construction Durable. Les prévisions en termes de création d’emplois lors du déploiement de l’ensemble des actions et politiques en cours (à l’horizon 2020) sont de 4 300 postes35 uniquement pour l’axe « Construction Durable » (10 100 pour l’ensemble des activités de l’Alliance). Le budget régional dédié à la politique énergétique est passé de 3,6 millions d’euros en 2004 à 60 millions d’euros en 2014 : le gouvernement bruxellois affecte 30 millions d’euros à son département Développement Durable et à cela s’ajoute un système de prélèvement sur les consommations de gaz et d’électricité qui génère également 30 millions d’euros. La division énergie de l’IBGE, qui employait 4 personnes en 2004, compte 117 employés en 2014.
La politique énergétique a permis de développer une véritable culture de l’énergie. La Région Bruxelles Capitale sait que la construction et la rénovation du bâti et l’architecture occupent une place importante mais ne sont pas les seuls vecteurs d’une ville durable. On note une participation grandissante de la population, des dizaines d’actions menées par des groupes d’habitants ou des associations contribuent à transformer progressivement Bruxelles. Le développement de cette « culture de l’énergie » se traduit aussi par une hausse importante de fréquentation du site internet de l’IBGE, qui enregistre près de 50 000 visiteurs par mois, ou encore la fréquentation de la Fête de l’Environnement qui accueille 20 000 personnes chaque année.
Les progrès de la Région sont récompensés par diverses distinctions, telles que le Sustainable Energy Award en 2012 ou le classement au 3e rang de l’index vert des villes européennes37, derrière Copenhague et Stockholm, en 2013. Bruxelles-Capitale fait partie du peloton de tête des métropoles européennes et mondiales en matière de gestion urbaine durable.