Si nous avons des réglementations pour les publicités sur le tabac et l’alcool, pourquoi n’en avons-nous pas pour limiter la promotion des produits et services liés aux combustibles fossiles ? Pourquoi couvrir nos bâtiments de gigantesques panneaux publicitaires qui nous incitent à acheter des biens produits loin d’ici et dont nous n’avons pas vraiment besoin ?
Chez Energy Cities, nous aimons réunir nos membres pour qu’ils s’inspirent mutuellement. Aujourd’hui, nous partageons un excellent exemple d’engagement envers un mode de vie basé sur la sobriété. Philippe Guelpa-Bonaro est Vice-Président de la Métropole de Lyon pour le climat, l’énergie, et la réduction de la publicité. Lors de la conférence annuelle d’Energy Cities en juin, nous l’avons interviewé pour en savoir plus sur les mesures que la Métropole a prise pour chasser la publicité de l’espace public.
On avait un engagement de campagne à réduire fortement la publicité et interdire les écrans numériques. La métropole de Lyon a voté en juin 2023 un règlement local de publicité pour l’intégralité du territoire métropolitain, les 58 communes et qui concerne à la fois les publicités et les enseignes. Le règlement permet de réduire d’au moins 75% le nombre de panneaux publicitaires sur la métropole de Lyon et la taille maximale des panneaux restants passe de 12 à 4m2. Aussi, on ne voulait plus de ces écrans numériques sur l’espace public, car ils attirent l’œil et captent notre attention sans notre consentement. On les a donc retirés dans le métro, et comme on ne pouvait pas les interdire (la loi française nous interdit de le faire) dans les vitrines des magasins, nous avons réduit leur taille à 1 ou 2m2 selon les espaces avec que des images fixes, ce qui enlève un peu l’intérêt d’avoir du numérique… On enlève aussi les publicités en toiture, et on interdit les bâches publicitaires de chantier qui font parfois 50 ou 100m2 et sont une agression visuelle, surtout dans une ville au patrimoine historique aussi important que Lyon.
C’est important de réduire la publicité pour le climat, car on consomme trop de biens produits avec trop d’énergie. Il y a un enjeu d’opérer une descente énergétique et matérielle : il faut produire moins, mais mieux. Or, la publicité extérieure incite à la surconsommation de masse et nous fait acheter des choses dont on n’a pas forcément besoin, qui vont avoir des impacts énergétiques et sur les ressources humaines, mais aussi en eau et en minerais. Aussi, un panneau numérique de 2 m² consomme autant d’électricité qu’un foyer français en un an. On ne peut pas demander aux gens d’éteindre les lumières ou de baisser le chauffage chez eux, dès lors qu’on a des écrans numériques qui font la promotion de paris en ligne, de voitures néfastes pour l’environnement ou de voyages en avion qui continuent d’aggraver le changement climatique. Enfin, l’enjeu de cette réduction de la publicité est aussi de donner plus de visibilité aux commerces de proximité, artisans et autres professionnels qui font vivre l’écosystème économique de la Métropole de Lyon, et qui créent de l’emploi et du lien social. La réduction de la publicité, c’est un rééquilibrage au bénéfice de ces professionnels-là.
Je conseillerais d’abord aux villes de demander leur avis aux gens. Quand on pose la question, au moins 80 % de nos concitoyens sont pour une réduction de la publicité. Cela aide beaucoup pour convaincre ensuite les professionnels et les autres élu.e.s de mettre en œuvre des mesures de réduction de la publicité. Les petits commerçants verront aussi ces mesures d’un très bon œil. Un autre enjeu est d’oser y aller franchement, car quand on propose de passer de panneaux de 20 ou 30 m² à 2 m², peut-être qu’on arrivera seulement à abaisser leur taille à 4 ou 8 m², mais ce sera déjà un effort très important pour réduire la place de la publicité dans l’espace public.
En France, les collectivités ont le droit de réglementer la dimension et le nombre de panneaux publicitaires, mais pas le contenu. On ne peut pas interdire les publicités pour les voitures qui consomment de l’essence, pour les avions, pour la consommation d’alcool ou les publicités qui utilisent le corps des femmes comme levier publicitaire, ce qui pose aussi des problèmes sociétaux au-delà de l’énergie et du climat. On a fait la loi Evin dans les années 90 pour réduire la publicité pour l’alcool et le tabac ; pourquoi n’aurait-on pas une loi pour interdire la publicité pour les produits ou services qui aggravent le changement climatique ? Ou pour permettre aux territoires de pouvoir agir sur le contenu des publicités dans leur mobilier urbain et en général sur leur territoire ? Chaque territoire pourrait décider librement ce qui lui convient le mieux et tout le monde y gagnerait. En France, on est assez protégé : on n’a pas d’écrans numériques sur des monuments historiques ou de publicités énormes, comparé à d’autres territoires, comme ici à Valence, sans règles de densité et avec des tailles maximales jusqu’à presque quatre fois plus importantes qu’en France. Un enjeu dont l’Europe pourrait se saisir est d’uniformiser la taille maximale des publicités et les règles de densité. L’Europe a des objectifs de réduction des gaz à effet de serre ; elle pourrait aussi avoir une réglementation qui permette d’avoir une cohérence dans le paysage urbain et dans la limitation de la publicité qui incite à la surconsommation.