El Gran Apagon

Edito politique


À propos

Date de publication

15 mai 2025

El Gran Apagon : c’est comme ça que les espagnols appellent le black-out. J’étais ce jour là à Séville, plus précisément au volant d’une voiture sur une grande avenue de 8 bandes.
12.30 : plus un feu ne fonctionne, tous les véhiculent ralentissent, la circulation se régule d’elle-même en quelques minutes de façon organique, un peu chaotique, mais assez calme. Mon GPS n’indique plus rien, je n’ai plus de connexion téléphonique, heureusement je suis proche du quartier que je connais, je me gare. L’interrupteur de l’immeuble n’ouvre plus la porte, il faut une clef et l’ascenseur bien sûr est à l’arrêt… Au quatrième étage, l’eau n’arrive plus, elle a besoin d’une pompe pour cela. Les personnes âgées du 8ième se souviennent cependant, que sous l’escalier, tout en bas, il y a un robinet qui reste alimenté ; et commencent à remplir et monter des seaux, pour assurer leur approvisionnement temporaire.

Au pied de l’immeuble, le supermarché a baissé le rideau quelques minutes après la coupure générale. Il n’est pas possible d’encaisser les achats et le magasin est dans le noir.

Après une heure, où chacun pense que la panne concerne le quartier ou peut-être la ville, dans la rue, les rumeurs prennent de l’ampleur : « toute l’Espagne, tout le Portugal serait concerné ; et même une partie de l’Italie et de la France » ! Je pense alors que si c’est le cas, c’est vraiment une très grosse catastrophe, il ne sera pas possible de rebrancher un pays, plusieurs pays entiers en quelques heures…. Combien de temps tiendra la batterie du téléphone ? Mais de toutes façons nous n’avons de connections que très sporadiquement.

Dans la rue toujours, les propriétaires de vieilles voitures allument la radio et on vient écouter les nouvelles qui n’en sont pas trop, personne ne sait vraiment encore ce qui se passe.

Ce qui m’a marqué c’est le calme, la solidarité immédiate dont les espagnols ont fait preuve. Les bars et restaurants du quartier sont restés ouverts et ont fait leur meilleur chiffre d’affaire du mois, cash bien sûr. Si la fin du monde est pour aujourd’hui, autant en profiter, c’est un peu l’ambiance qui régnait. Mais aussi une grande confiance dans le système, il allait bien se remettre en marche, il ne fallait qu’attendre.

Forcément, certaines situations étaient beaucoup plus stressantes et chaotiques, dans les trains à grande vitesse, sur les autoroutes…mais globalement, pour un arrêt complet d’un pays pendant 8 heures, la population, les institutions, ont fait preuve d’une remarquable capacité d’adaptation.

En revanche, dès que l’électricité est revenue, progressivement (ça aussi c’était impressionnant ; les lumières qui s’allument rue par rue) ; la télévision et les réseaux sociaux ont commencé immédiatement à émettre des hypothèses, à chercher qui mettre au pilori. Et bien entendu, les coupables étaient tout trouvé : les renouvelables, et le sauveur potentiel sur lequel on n’a pas assez misé ? le nucléaire, évidemment. Depuis, ces accusations tournent en boucle. Je ne vais pas ici revenir sur les arguments, et explications plus techniques, la presse en regorge….

De cet épisode, je retiens que je suis beaucoup plus stressée par le possible collapse énergétique que la moyenne, mais surtout que cela nous donne à voir l’étendue de nos dépendances et qu’il faudrait quand même mieux s’y préparer. Demander aux anciens leurs savoirs pratiques (l’eau à la cave) et avoir une connaissance minimum de nos besoins et des techniques qui sont derrière pour y répondre devrait faire partie de tout cursus scolaire. Aujourd’hui préparer la population à des évènements extrêmes est une nouvelle priorité de la Commission, cette expérience grandeur nature à l’échelle de deux pays peut nous apprendre beaucoup sur cette question. En particulier, trouver le moyen d’avoir des débats non polarisés et responsabiliser les médias dans la gestion des crises semble urgent.

Mais je retiens aussi, que plus on se connait, plus on interagit avec son quartier, plus on coopère quotidiennement. Plus la communauté est forte d’interdépendances, plus confiants nous serons dans notre capacité collective à surmonter les crises et finalement, pas besoin d’être si stressée !