Comment faire pour que les habitants se passionnent pour l’avenir de leur ville – quatre leçons à tirer de #rennes2018


À propos

Date de publication

08 mai 2018

Si vous travaillez dans le domaine de la transition énergétique, vous aurez remarqué qu’un même terme revient sans cesse : participation. Mais que peuvent faire les collectivités locales pour que cette participation ne reste pas un vœu pieu ? Comment éviter les « Ils nous ont demandé notre avis mais au final, ils n’en ont pas tenu compte” ? Et que faire pour que les citoyens aient réellement le sentiment d’être intégrés au processus, écoutés et en phase avec la vision d’ensemble de leur ville ? Le premier jour de la Conférence Annuelle d’Energy Cities #rennes2018, Pepik Henneman, consultant en gestion de la transition, s’est penché sur ces problématiques et s’est employé à explorer, avec les conférenciers, pourquoi elles étaient si importantes.

« En terme de participation des citoyens à la conception et mise en place des politiques, où diriez-vous que se situe votre ville ? Imaginez une ligne virtuelle entre là où vous êtes et cette estrade, où ont pris place nos pionniers de la transition. Admettons que l’estrade représente le stade ultime de l’engagement citoyen. Sur cette ligne, à quelle distance de l’estrade vous placeriez-vous pour représenter les efforts de votre ville ? ». C’est en ces termes que Pepik Henneman, consultant en gestion de la transition, a ouvert la session dédiée aux pionniers de la transition énergétique lors de la Conférence d’Energy Cities 2018. Au terme de l’exercice, l’assistance de fonctionnaires et responsables de collectivités locales a offert l’image d’un bilan européen contrasté avec une majorité de participants à mi-chemin de l’estrade, quelques-uns très éloignés et un petit groupe de privilégiés très proches.

En finir avec la boîte à suggestions : quelles approches participatives pour les politiques locales

Il existe une impatience au niveau local, un sentiment que la transition énergétique ne va pas assez vite. Quelles sont les méthodes et moyens qui permettent d’accélérer le processus ? La gestion de la transition en fait partie. Cette approche de la gouvernance, formalisée par l’Université de Rotterdam, vise à faciliter et accélérer les transitions vers le développement durable grâce à un processus participatif basé sur le partage d’une vision, l’apprentissage et l’expérimentation. Ce que nous avions coutume d’appeler les « boîtes à suggestions » sont remplacées par des interactions dans la vie réelle et par un apprentissage collectif qui passe par le « faire ensemble ». Réunir des pionniers locaux (membres de la société civile qui inventent et expérimentent tous les jours de nouvelles façons de vivre, produire et coopérer) permet de décupler leur capacité de créativité et d’innovation et donc potentiellement de mettre en branle des changements à plus grande échelle. Par ailleurs, le fait que ces solutions soient développées au sein d’un groupe contribue à en faciliter plus largement l’acceptation et la mise en œuvre.

Les nombreux exemples de collaboration réussie présentés au cours de ces trois jours de conférence à Rennes ont trouvé un écho parmi les participants, notamment les expérimentations menées par les Villes de Gand, Grenoble et Maastricht, ainsi que par la Région Bourgogne Franche-Comté auxquelles leurs populations ont participé avec enthousiasme et énergie.

Miser sur la gestion de la transition




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Le projet « Donner de l’élan à la transition énergétique avec les POTEs (Pionniers Ordinaires de la Transition Énergétique) »vient d’être lancé par la Région Bourgogne Franche-Comté. Piloté par le Conseil Régional, Energy Cities, Pepik Henneman et l’ADEME, ce projet vise à créer un réseau d’innovateurs locaux issus de différents secteurs – art, énergie, industrie et agriculture – et a pour principal objectif de promouvoir les échanges d’expériences afin de faire émerger de nouveaux projets et de nouvelles idées et assurer un avenir durable à la région. Le Conseil Régional mise beaucoup sur la gestion de la transition par les POTEs, l’idée étant que seule la société civile peut apporter les profonds changements nécessaires. 
L’histoire des POTEs n’en est qu’à ses balbutiements, mais le projet semble si prometteur que des villes s’enthousiasment à l’idée de tester cette approche.

Leçon n° 1 : faire de la place à ceux qui se projettent déjà dans le futur !

Un espace de rencontre entre responsables politiques et citoyens : le Maastricht-LAB

En 2012, la Ville de Maastricht a décidé d’ouvrir un espace – le Maastricht–LAB – où responsables municipaux et citoyens puissent se côtoyer afin de libérer l’imaginaire et co-générer des idées pour le nouvel aménagement urbain de la ville. Cette expérience pilote s’est si bien déroulée que la Ville a décidé d’en faire une structure permanente deux ans plus tard. Le LAB collabore avec des particuliers et des organisations sur des projets concrets qui s’inscrivent dans son champ d’activité, du réaménagement de locaux vides à la création d’espaces partagés comme les parcs. Le LAB ne propose pas de projets à proprement parler : tout citoyen qui se soucie de sa ville et souhaite l’améliorer peut venir avec ses idées et demander au Maastricht-LAB de l’aider à les mettre en œuvre.

Selon Sven Cimmermans, l’un des responsables du projet LAB, le succès de l’initiative réside dans la diversité des acteurs qui y participent et la soutiennent. Cela aide à avoir une meilleure vue d’ensemble des besoins et à travailler sur des solutions résalisables.

Leçon n°2 : plus on est (différent), plus on r(éuss)it.

Co-développer des services numériques pour mieux vivre la ville : le Grenoble CivicLab

La Ville de Grenoble est également une pionnière de l’engagement citoyen. Face à la nécessité d’améliorer la culture numérique des habitants, la Ville a organisé le Grenoble CivicLab, un concours qui permet aux habitants de présenter des idées de services numériques utiles et innovants. Quel que soit leur degré de compétence, les porteurs de projet apprennent à utiliser les outils nécessaires, sont formés et développent des prototypes. Grâce à ce concours, la Ville a pu financer cinq projets et a également jeté les bases d’une collaboration plus vaste entre professionnels du numérique, résidents, étudiants, entrepreneurs, associations et acteurs publics mobilisés pour le développement écologique de la Ville.




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Vincent Fristot, adjoint au maire, en a donné un exemple concret avec le « troc de kilowatts », une idée issue du Grenoble CivicLab. Il est bien connu qu’il est plus facile de convaincre les individus d’économiser de l’énergie s’ils peuvent y gagner financièrement. Et s’ils peuvent faire du même coup « une bonne action », l’engagement est encore plus fort. C’est ce qu’a compris Grenoble, en proposant une application qui permet de donner l’argent ainsi économisé à des personnes dans le besoin ! Les projets réussis s’appuient en effet sur un objectif commun qui peut être l’engagement à promouvoir un avenir plus vert ou des valeurs communes comme la solidarité.

Leçon n°3 : le numérique c’est bien, les bonnes actions numériques, c’est encore mieux.

Expérimenter la ville du futur : le projet Living Streets

L’histoire de la Fondation Living Streets de Gand diffère des deux précédents exemples mais le résultat est au final très proche. Tout a commencé avec un groupe d’habitants avec une vision commune : des entreprises locales, des employés de divers organismes et quelques fonctionnaires municipaux se sont réunis pour rêver d’une ville où tout le monde pourrait profiter pleinement des espaces publics, pas seulement le parc ou la bibliothèque municipale, mais les rues également. Au départ, le groupe s’est organisé avec ses propres moyens, la Ville s’engageant simplement à mettre à disposition un espace d’expérimentation. C’est ainsi que, pour une durée limitée, quelques rues ont été fermées à la circulation. Les espaces de stationnement ont été relocalisés et recouverts d’un tapis vert, délimitant ainsi une « zone rues vivantes ». Les résidents étaient libres de choisir ce qu’ils voulaient faire de cet espace. Certains ont organisé des séances de lecture publique, d’autres ont relié les espaces verts de la ville et les rues vivantes par des toboggans. Entre 2012 et 2014, cette expérimentation s’est répétée plusieurs fois. Avec dix « rues vivantes », le succès a dépassé les attentes. Depuis 2015, grâce à un financement européen dans le cadre du programme LIFE+, les rues vivantes ont essaimé dans d’autres villes au Pays-Bas, en Angleterre, en Croatie, en France, en Italie ou encore en Autriche !

Pieter Deschamps et Dries Gysels, de la Fondation Living Streets, ont souligné le fait que la municipalité ne peut tout faire seule : elle a besoin de citoyens actifs avec des idées audacieuses. Les rues vivantes ont ouvert une porte marquée « Et si ? » et encouragé les habitants à la pousser en expérimentant de nouvelles manières de résoudre des problématiques communes. Aucun doute, le projet inspirera urbanistes et responsables politiques à concevoir la ville du futur.

Leçon n°4 : oser voir grand et oser se demander « Et si ? ».

Nous espérons que ces exemples de citoyenneté active vous inspireront autant qu’ils nous ont inspirés lorsqu’ils nous ont été présentés à Rennes ! Et si la prochaine fois que l’on nous demandera où se situe notre municipalité en matière d’engagement des citoyens, nous puissions tous nous retrouver près de l’estrade ?