Edito politique par Claire Roumet
Le 17 mai, les villes de Paris, Bruxelles et Madrid ont introduit une plainte auprès de la Cour de Justice Européenne contre la Commission l’accusant d’avoir accordé à l’industrie automobile un droit de polluer (règlement °2016/646 portant sur les émissions d’azote des véhicules diesel) . Le même jour, la Commission européenne introduisait un recours contre 6 États Membres (FR, UK, DE, IT, RO,HG) pour « dépassement des valeurs limites de qualité de l’air fixées et manquement à l’obligation de prendre des mesures appropriées » . Ironiquement, la Commission a focalisé sa communication sur son engagement à protéger les citoyens européens (et leur santé). Comment les protéger si aucune mesure d’envergure n’a été prise à la suite du « Dieselgate », vaste mensonge industriel, et qui plus est, en étendant les périodes d’adaptation de l’industrie à des normes plus contraignantes en terme de pollution ?????
Un peu plus tard dans le mois, ce sont 10 familles du monde entier, qui, affectées concrètement par le changement climatique (que ce soit pour disparation de la terre aux iles Fiji ou pour préjudice économique pour un producteur de lavande en Provence) ont assigné en justice la Commission européenne et lui demandent d’accélérer son action contre le changement climatique et d’augmenter significativement les objectifs 2030. Cette plainte fait écho à de récentes batailles judiciaires qui en Allemagne par exemple ont abouties à la condamnation de RWE après une plainte d’un citoyen péruvien reconnaissant la responsabilité de l’entreprise énergétique dans le changement climatique.
A l’autre bout du spectre « juridique », c’est l’approche du droit à l’énergie qui reste une bataille politique. Avec la récente initiative de la ville de Barcelone de créer une entreprise municipale pour garantir à tous les citoyens le droit à l’énergie, il s’agit pour la ville de pallier un dysfonctionnement du marché qui ne garantit pas l’accès à un bien de première nécessité. La ville se sent responsable, et en capacité de proposer une solution aux citoyens.
Comment mieux partager les responsabilités ?
La question qui sous-tend tous ces exemples, est celle de la responsabilité. Qui est responsable ? Celui qui dessine le cadre légal, qui l’applique, qui en subit les conséquences ? Et qui est responsable de la cohérence et de l’alignement des politiques (exemple du diesel plus haut, mais aussi de toutes les politiques européennes non-compatibles avec l’accord de Paris) ?
Les membres d’Energy Cities réunis à Rennes en avril dernier, sont formels. En premier lieu, il revient à la Commission européenne d’opérer une mise en cohérence de ses propositions, en particulier budgétaires et fiscales pour qu’elles soient « Paris-compatibles » et il lui revient aussi d’être ambitieuse en la matière si elle veut être prise au sérieux par les citoyens européens. Oui, l’Europe peut protéger, mais seulement en ayant le courage de propulser les transformations nécessaires, de froisser les grands industriels et en anticipant les oppositions nationales.
En deuxième lieu, les membres d’Energy Cities affirment avec force que tous les niveaux sont responsables, tous les secteurs, tous les acteurs, et ce n’est qu’avec la mise en place de vraies « chambres d’ajustement » que nous pourrons atteindre les objectifs long-terme, moyen-terme que nous nous sommes fixés. Il faut les décliner industrie par industrie, territoire par territoire, et croiser les deux.
Avoir des droits et des objectifs politiques c’est bien, avoir des institutions juridiques solides pour les faire appliquer c’est nécessaire ; mais avoir des instances de mobilisation et gestion des contradictions serait mieux. C’est le sens des « plateformes de dialogue » proposées par le Parlement européen dans sa position sur la Gouvernance de l’Union de l’énergie. Plateformes dont les États membres ne veulent pas….
Partager les responsabilités, est-ce perdre leur légitimité ? ou construire des décisions démocratiques adaptées au XXIème siècle ? Les collectivités, elles sont prêtes à les prendre, qu’on leur donne les outils pour le faire, pour être co-responsables, c’est le moment !
C’est aussi le moment de faire de la transformation des territoires pour les rendre « Paris compatible » le cœur de la nouvelle politique de cohésion en appliquant le principe de coresponsabilité ! Ce n’est pas seulement un enjeu pour survivre sur cette planète, c’est surtout une urgence pour nos démocraties et le projet européen.
Malheureusement, comme la publication des propositions de la commission l’a montré on est loin du compte….