L’économie circulaire gagne en popularité en Europe, avec des villes et des pays (comme la Finlande) qui adoptent des plans d’action. L’économie circulaire a le mérite de mettre en place des systèmes de production durables qui limitent la consommation et le gaspillage des ressources. Cependant, l’existence d’un effet rebond circulaire est un véritable piège. On définit souvent l’effet rebond dans un contexte de progrès de l’efficacité (voir notre définition dans le glossaire, p14). Pourtant, l’effet rebond est aussi observé dans une économie circulaire lorsque la mise en œuvre de solutions circulaires entraîne une augmentation de l’impact environnemental au lieu d’une diminution de celui-ci. Par exemple, le remplacement des sacs en plastique jetables par des sacs en coton a un impact positif, à la condition que le sac soit réutilisé plusieurs fois ; dans le cas contraire, le sac en plastique a un impact environnemental plus faible. L’existence de l’effet de rebond circulaire met en évidence la priorité que nous devons accorder à la réduction de la consommation des ressources par rapport à leur réutilisation et à leur recyclage dans le cadre d’une économie circulaire.
L’économie circulaire est souvent associée à un tryptique bien connu : réduire, réutiliser et recycler. Mais l’ordre dans lequel les parties prenantes considèrent ces mots-clés est important, comme le souligne le député européen Bas Eickhout (Verts/ALE) lors de la conférence » Beyond Growth » :
« L’économie circulaire est encore un projet de loisir pour les politiques : tout le monde l’aime, personne n’est contre. Mais elle n’est absolument pas abordée de manière fondamentale […]. Si vous vous penchez sur les aspects fondamentaux de la circularité, vous atteindrez des objectifs de réduction des matériaux et là ça commencera à faire mal ».
La réduction de la demande de ressource devrait être au premier plan de toute stratégie d’économie circulaire. Toutefois, comme elle nécessite une volonté et un courage politique forte, et cette réduction est souvent reléguée au second plan. Mais certains outils et modèles sont utilisés par les villes pour développer une économie circulaire qui s’inscrit dans les limites planétaires, l’économie du donut étant l’un d’entre eux.
La théorie du donut a été développée par l’économiste britannique Kate Raworth et est maintenant mise en œuvre dans plus de 70 villes à travers le monde. L’idée du donut est simple : le donut matérialise un espace écologiquement sûr et socialement juste où la société peut prospérer en respectant un plafond écologique et un plancher social.
La Région de Bruxelles-Capitale a adopté le donut comme boussole pour sa transition économique. Une des ces applications concrètes est le décret exemplarité, actuellement en cours de discussion. Ce décret fixe les conditions d’exemplarité environnementale et sociale à remplir pour bénéficier de subventions publiques à l’horizon 2030. Parmi les conditions d’exemplarité environnementale, il y a celle de contribuer à une économie circulaire, notamment en adoptant une utilisation plus rationnelle des ressources. Ainsi, la vision circulaire à Bruxelles s’incarne dans des appels d’offre de be.circular et de circular innovation qui respectent la philosophie du donut. Un bon exemple est l’initiative PermaFungi, soutenue par be.circular et circular innovation, où le marc de café est réutilisé pour faire un substrat pour faire pousser des pleurotes et une partie de ce substrat est également transformé en un matériau d’isolation durable.
Même si à Bruxelles, comme à Amsterdam et dans d’autres villes, le donut fait de grands pas pour la transition économique et écologique, les villes sont souvent limitées au seul pouvoir de leurs instruments locaux, qui ne sont pas toujours suffisants.
Stéphanie Lepczynski, conseillère politique au cabinet de Barbara Trachte, explique que dans le cadre de la stratégie Shifting Economy, des limites de leurs outils économiques régionaux sont visibles, notamment pour aider les entrepreneurs de la slow fashion : « En tant qu’autorité régionale, nous les soutenons avec tous les instruments économiques à notre disposition, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin de législations supranationales fortes et ambitieuses pour assurer une concurrence équitable entre, d’une part, les entrepreneurs qui respectent le plafond écologique et les fondements sociaux et, d’autre part, les (grandes) entreprises qui ne le font pas ».
Dans le secteur du bâtiment, la nécessité d’un changement législatif se fait également sentir afin d’appliquer la circularité. La ville de Tampere a récemment adopté son plan pour une économie circulaire qui met fortement l’accent sur le secteur de la construction, très gourmand en matériaux. Irina Simola, spécialiste de l’économie circulaire à la ville, explique qu' »il existe aussi des contraintes législatives à l’application du plan, notamment en raison d’un manque de clarté et de cohérence sur ce qui est considéré comme déchet et sur la préparation pour la réutilisation de matériaux ».
Pour toute ressource, les villes qui mettent en œuvre l’économie circulaire ou le donut ont besoin d’un changement structurel de législation, afin de leur permette de devenir véritablement une société économe en ressources.
Le concept d’économie circulaire gagnant en popularité, il est important de le définir avec précision. L’économie circulaire peut conduire à une économie sobre en ressources, mais seulement si la priorité est donnée à la réduction de la pression sur les ressources. Ainsi, l’économie circulaire nécessite une approche basée sur la sobriété, qui doit inscrire cette diminution de la consommation de ressources dans les législations structurelles d’abord et dans les pratiques quotidiennes ensuite. L’Union Européenne est confrontée à un défi majeur qu’elle se doit de relever, car ce n’est qu’à grande échelle que les règles du jeu économique peuvent être modifiées et qu’un modèle respectueux des ressources peut être défini.
Cet article fait partie de la série d’articles « Décoder la sobriété » soutenue par l’ADEME. Abonnez-vous à la newsletter du hub « économies locales économes en ressources et socialement justes » pour lire les prochains articles.