Drones, voitures sans conducteur, robots aspirateurs dans nos maisons et conversations sur le net avec des chatbots, l’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus présente dans nos vies quotidiennes.
Mais l’avènement de l’IA ne s’arrêtera pas là. Avec les systèmes énergétiques qui deviennent décentralisés, décarbonés et digitalisés, l’intelligence artificielle s’apprête à devenir la prochaine limite à dépasser pour la transition énergétique au niveau local. Qu’est-ce que cela signifie pour les villes ?
L’intelligence artificielle, définie comme la capacité des machines à opérer au même niveau que l’intelligence humaine, est dans l’air du temps depuis des décennies. En 1997, IBM développait le super-ordinateur « Deep blue » qui réussit à battre le champion du monde d’échecs Garry Kasparov, après 3 années d’entraînement par des experts. Alors qu’à cette époque la performance des machines reposait encore essentiellement sur l’intervention humaine, les programmes développés aujourd’hui connaissent une évolution exponentielle. En utilisant des méthodes essai-erreur, ils peuvent maintenant apprendre de façon autonome et sans plus recourir aux humains. La course mondiale pour l’AI s’est ainsi accélérée, avec en tête les géants de la tech américains et chinois, et une Europe qui reste encore à la traîne.
Certaines dimensions clés de l’IA comme : l’apprentissage profond (ou « deep learning », à savoir la capacité des machines à apprendre par elles-mêmes en identifiant des modèles dans les ensembles informes de données), les algorithmes dont la performance augmente avec le volume de données analysées, l’apprentissage par renforcement (ou « reinforcement learning », à savoir la capacité des machines à prendre des décisions à partir de l’expérience) ou l’internet des objets (bâtiments, véhicules ou équipements connectés en réseau), auront très certainement, selon les chercheurs et les analystes de l’industrie énergétique, un impact spectaculaire sur les systèmes énergétiques locaux dans nos villes.
Même si le recours à l’IA dans les systèmes énergétiques en est encore à ses balbutiements et loin d’être largement répandu, son potentiel d’application est déjà bien identifié. L’intelligence artificielle pourrait ainsi investir les domaines suivants :
A travers ces 5 domaines d’application, l’intelligence artificielle pourra changer l’avenir des écosystèmes énergétiques locaux et aider les villes à atteindre leurs objectifs de transition énergétique. Les systèmes intelligents étant capables de collecter et de synthétiser en permanence d’énormes quantités de données provenant de millions de capteurs, compteurs et installations de production d’énergie, ils pourraient permettre de mieux répartir les ressources énergétiques, de mieux gérer la demande et la fourniture d’énergie, et d’assurer une gestion optimisée et moins coûteuse du réseau.
Les logiciels d’intelligence artificielle peuvent aussi augmenter le recours aux renouvelables par une meilleure prise en charge de la question de l’intermittence (le fait que le soleil et le vent ne sont pas toujours au rendez-vous), en rendant des prévisions beaucoup plus précises. Par le croisement des données satellitaires avec celles des fermes solaires et éoliennes, des stations météo et des capteurs de pollution, l’IA peut faire apparaître des modèles dans les ensembles de données et rendre des prévisions beaucoup plus fines, qui limiteront le recours aux énergies fossiles dans les mécanismes de capacités du réseau électrique.
Accroître l’efficacité énergétique est une autre clé du succès pour la transition énergétique des villes. L’IA peut par exemple mieux analyser les comportements de consommation des particuliers et de l’industrie, pour améliorer leur efficacité énergétique. Des thermostats intelligents peuvent ajuster les températures automatiquement selon les habitudes des occupants d’un logement et permettent de réaliser des économies substantielles.
L’IA permettrait également de révolutionner la gestion et la maintenance des infrastructures énergétiques, de réduire leurs coûts et d’éviter les black-outs, par une surveillance constante des équipements et la prédiction des failles avant même qu’elles n’apparaissent. De plus, ces développements peuvent s’étendre à d’autres domaines de compétences des villes, tels que la gestion de l’eau par exemple, comme l’a déjà mis en œuvre la ville de Melbourne en Australie.
Dernier domaine dans lequel l’intelligence artificielle créera une révolution : le transport urbain. Des systèmes intelligents de contrôle du trafic pourraient réduire considérablement les embouteillages en réglant les feux de circulation de façon dynamique et adaptée aux observations et à l’analyse des flux réels. L’étape suivante serait le couplage des ces systèmes intelligents de gestion du trafic avec les véhicules sans conducteurs pour diminuer le nombre d’accidents.
Les avantages seraient donc nombreux à recourir à l’IA, mais ne semblent pas sans risques. Les voitures sans conducteurs testées aux USA ont déjà causé plusieurs accidents mortels, mettant sérieusement en doute leur fiabilité. Et nous ne serions pas à l’abri d’utilisations mal intentionnées ou criminelles visant à attaquer des installations ou a créer des black-out. Des questions d’éthique surgissent aussi : comment en effet s’assurer que les créateurs de ces solutions auront vraiment nos intérêts à cœur ? Qui aura l’accès aux données et le contrôle sur cette matière grise artificielle et super-puissante ? Qui sera responsable quand une machine prendra seule des décisions contraires aux intérêts et à la sécurité de nos systèmes ?
Avant tout déploiement à grande échelle, il sera donc essentiel d’adapter la réglementation et de concevoir des règles d’éthique pour encadrer le recours à l’intelligence artificielle. L’Europe s’est déjà engagée dans cette voie et la Commission européenne proposera un guide de recommandations sur le sujet d’ici la fin de l’année. Energy Cities continuera de suivre de près les évolutions de l’IA dans le secteur énergétique et d’analyser plus avant son potentiel d’opportunités pour la transition énergétique locale.
Pour aller plus loin
©wikimédiacommons