L’Allemagne adopte une loi en faveur de la planification de la chaleur et du froid au niveau local

Un cas d’école pour les pays de l’UE dans la transposition de la nouvelle législation européenne


À propos

Date de publication

09 septembre 2024

L’obligation d’une planification de la chaleur et du froid au niveau local reste le meilleur outil pour décarboner 50 % de la consommation d’énergie en UE dédiée au chauffage et au refroidissement des bâtiments. Cependant, les défis sont multiples, en particulier pour les plus petites municipalités. Le manque de personnes qualifiées, notamment en matière de planification, représente un obstacle important, d’autant que les plus petites communautés ont des moyens financiers souvent très limités. Cette situation faisait déjà l’objet de la campagne LocalStaff4Climate

Une nouvelle loi allemande pour la décarbonation de la chaleur d’ici 2045

Le Bundestag  vient d’adopter une loi sur la planification de la chaleur et du froid et sur la décarbonation des réseaux de chaleur afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2045. La version révisée de la loi sur l’énergie dans les bâtiments (GEG) et la nouvelle loi sur la planification de la chaleur au niveau local (WPG) visent à décarboner intégralement le secteur de la chaleur d’ici 2045 et à transposer la nouvelle directive relative à l’efficacité énergétique, en particulier son article 25.6 sur la planification de la chaleur au niveau local. 

« La décarbonation du chauffage et du refroidissement n’est pas une mince affaire. Une planification détaillée n’est pas seulement importante, c’est une étape cruciale. Sans planification, le processus est trop lent, trop inefficace et trop couteux, explique Christine Kugler, à la tête du service de protection de l’environnement et du climat de Munich. Les plans pour le chauffage et le refroidissement de Munich sont déjà bien avancés, mais cette loi constitue un soutien important et soutent des obligations claires pour les villes qui sont incontournables si nous souhaitons atteindre nos objectifs pour le climat. » 

En effet, la loi oblige : 

  • les propriétaires immobiliers à adopter des technologies de chauffage renouvelables ;
  • les administrateurs de réseaux de chauffage par quartier à garantir le recours à des sources vertes pour le chauffage ; 
  • et les municipalités à identifier et décrire les technologies de chauffage déjà disponibles ou à venir, en particulier concernant le gaz, l’hydrogène, et les réseaux de chauffage par quartier.  

Ces obligations dépendent toutefois de la population totale des villes : 

  • Les municipalités dont la population est supérieure à 100 000 habitants doivent présenter des plans pour le chauffage d’ici le 30 juin 2026.  
  • Les villes plus petites auront deux années supplémentaires pour le faire, jusqu’au 30 juin 2028. Les municipalités de moins de 10 000 habitants bénéficieront également d’une procédure simplifiée.  

Les villes qui entament ce parcours recevront un soutien financier pour le processus de planification. Un fonds de 500 millions d’euros est prévu, a assuré le gouvernement fédéral au Bundesrat en octobre 2023. 

« Le soutien du gouvernement fédéral est évidemment bienvenu, mais il est loin d’être suffisant par rapport aux besoins des villes allemandes pour le développement de plans pertinents comme pour leur mise en œuvre, souligne Christine Kugler. Les autres pays de l’UE ont beaucoup à apprendre de l’Allemagne à travers cette loi, mais nous devons rester réalistes et ne pas sous-estimer l’ampleur du défi qui nous attend, ce qui implique de connaître les ressources qui seront nécessaires. »

Des plans locaux pour des réseaux de chauffage et de refroidissement durables

Les plans locaux pour le chauffage et le refroidissement ont pour vocation de déterminer si à l’avenir le chauffage doit être décentralisé, à travers des réseaux de chaleur ou par le recours à des gaz respectueux du climat (tels que le biométhane ou « l’hydrogène vert »). D’ici 2030, les réseaux de chaleur existants devront être alimentés à hauteur de 30 % par des énergies renouvelables ou de la chaleur résiduelle inévitable, à 80 % d’ici 2040 et à 100 % d’ici 2045. À partir de 2024, les nouveaux réseaux de chaleur devront être alimentés à au moins 35 % par des énergies renouvelables ou par la chaleur résiduelle inévitable.

Les villes doivent suivre une approche en trois étapes :

  • Première étape, procéder à un inventaire raisonné. Au cours de cette phase, il s’agit de répertorier et d’analyser les types de bâtiments, d’identifier les réseaux et sources de chaleur existants, et enfin de compiler les données dans une carte numérique de la zone.
  • Deuxième étape, analyser le potentiel de production de chaleur par les énergies renouvelables. Cette analyse comprend :  la production de biogaz, d’énergie thermique solaire et d’énergie géothermique potentielle. Par ailleurs, il convient d’étudier les autres sources de chaleur telle la chaleur résiduelle provenant des installations industrielles ou des usines d’incinération des déchets.
  • Troisième étape, développer des scénarios pour l’avenir du chauffage. Pour cela, il faut prendre en compte les objectifs pour le climat tout comme la faisabilité sur le plan financier.

Des défis pour les villes

S’il n’est toujours pas obligatoire, un élément reste pertinent pour le développement d’une stratégie globale pour l’avenir de l’énergie : l’analyse des effets de la planification du chauffage sur le développement du réseau électrique et des infrastructures connexes. Des investissements en la matière seront nécessaires (un défi rencontré récemment par les Pays-Bas). Des études complémentaires devront dès lors enrichir la planification du chauffage par les villes. Energy Cities vient de publier un article qui met en lumière les changements réglementaires nécessaires pour une élimination rapide et équitable du gaz naturel. 

« L’accès à des données de qualité n’est pas un luxe lorsque l’on parle de planification du chauffage et du refroidissement. C’est absolument vital. Munich travaille d’arrache-pied pour que nos plans reposent sur les meilleures données possibles, mais les villes plus petites auront particulièrement du mal à atteindre leur potentiel si rien n’est fait pour leur garantir un accès aux données dont elles ont besoin », conclut Christine Kugler.

La récolte et la centralisation des données jouent un rôle essentiel dans la transition énergétique. Bien que la nouvelle loi couvre l’obligation, au niveau national, d’accessibilité des données à des tiers (Section 3 Traitement des données, articles 10 à 12), les moyens pour la mise en œuvre de la récolte de données restent insuffisants. 

Sources : DENA, ZEBAU (projet Energy Equilibrium ), « District heating, heat pumps and hydrogen – how Germany plans to decarbonise its heating sector » (Ruth Losch, Linklaters LLP)