Annoncé comme un « puissant texte législatif » par le gouvernement allemand, le très attendu premier projet de loi allemand sur la protection du climat dévoilé le 20 septembre dernier ne suffira pas à relancer l’ancien pionnier de la transition énergétique dans la course pour le leadership sur le climat.
Ce même 20 septembre, plus d’un million de citoyens allemands avaient investi les rues à l’occasion de la Grève mondiale pour le climat pour réclamer des actions plus ambitieuses. Après des négociations marathon au sein du Cabinet Climat entre les sociaux-démocrates (SPD) et les chrétiens-démocrates (CDU/CSU) au pouvoir, les collectivités locales allemandes, la jeunesse mobilisée pour le climat et les citoyens attendaient en effet beaucoup de la proposition du gouvernement.
Mais le paquet climat est loin de répondre aux nombreux appels qui se sont multipliés pour réclamer une action forte. Alors que certaines des mesures proposées peuvent être perçues comme des avancées, le paquet dans son ensemble ne parvient pas à dessiner les contours d’un bouleversement systémique de nature à profondément changer le système énergétique. Energy Cities vous propose d’analyser plus en détail le scénario de ce premier projet de loi sur la protection du climat.
A compter de 2026, l’installation de nouvelles chaudières au mazout sera interdite en Allemagne. Le chauffage au mazout est en effet considéré comme l’un des plus polluants et explique en grande partie que le chauffage soit, de loin, la principale source d’émissions de CO2 des foyers allemands, selon des chiffres de l’agence nationale pour l’environnement. Le gouvernement aidera les habitants à opter pour des systèmes plus respectueux du climat (pompes à chaleur, solaire thermique, etc.) en subventionnant 40 % des coûts d’installation.
Afin de lutter contre la précarité énergétique, les ménages qui bénéficient de l’aide sociale pourront obtenir 10% de subventions supplémentaires pour payer leur facture de chauffage. Par ailleurs, la baisse du taux de TVA sur les billets de train (de 19 % à 7 %) devrait inciter les particuliers à préférer les transports publics, plus vertueux, pour leurs déplacements.
Prises collectivement, les mesures en faveur de l’énergie et du climat contenues dans ce paquet ne permettent pas d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de l’Allemagne pour 2030 (- 55 % par rapport à 1990), selon les premiers calculs du Cabinet Climat. L’Allemagne n’est déjà plus en mesure d’atteindre son objectif de – 40 % d’émission d’ici 2020 et semble donc se résigner à répéter cet échec sur la période 2020-2030.
L’idée des chrétiens-démocrates d’émettre des obligations vertes afin de stimuler les investissements des particuliers et des entreprises dans des mesures visant la neutralité carbone n’a pas été retenue dans le projet final. Gérées par une Fondation Climat, un établissement public, ces obligations auraient été assorties d’un taux d’intérêt garanti de 2 % sur 10 ans (jusqu’en 2030). Les sommes collectées auraient servi à refinancer, sans intérêt cette fois, des mesures pour le climat à l’intention des ménages et des entreprises.
Le mécanisme de fixation des prix du carbone tel que proposé ne peut avoir un réel impact sur la manière dont l’énergie est produite et consommée dans les différents secteurs. Le gouvernement propose en effet de fixer un prix initial du carbone à 10 euros en 2021, puis de le porter à 35 euros en 2025. Au-delà, ce seront les lois du marché qui en détermineront le prix. Des experts de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique, institut qui avait conseillé le Cabinet Climatique sur ce sujet, ont signalé que les niveaux de prix proposés sont bien trop faibles pour permettre au pays d’atteindre ses objectifs pour 2030, et ne sont pas de taille à engendrer un profond et systémique bouleversement du système énergétique. Eux-mêmes avaient recommandé un prix de départ de 50 euros la tonne de CO2, prix qui aurait été porté à 130 euros en 2030.
Bien que le paquet climat appelle à atteindre 65 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique, il crée également de nouveaux obstacles qui menacent le déploiement des énergies renouvelables dans le pays. Les nouveaux parcs éoliens terrestres ne seront ainsi autorisés que s’ils sont situés à une distance minimale de 1 km des zones résidentielles.
La proposition du gouvernement allemand doit maintenant être approuvée en Conseil des ministres, puis par les deux chambres législatives (le Bundesrat et le Bundestag) avant de devenir une loi. Le gouvernement vise une adoption pour la fin 2019. Les écologistes allemands et le Parti de Gauche ont déjà annoncé qu’ils chercheront à renforcer considérablement la proposition climat du gouvernement lors du processus législatif. Selon un récent sondage, une majorité de citoyens allemands souhaitent également durcir le paquet climat qui, selon eux, na va pas assez loin en l’état. Reste à savoir si le gouvernement Merkel écoutera leur appel à adopter une loi de protection du climat digne de ce nom.