Les jeux sont faits pour nous divertir. Mais est-il possible d’améliorer notre aptitude à apprendre, à prendre des décisions et à coopérer pour faire avancer la transition énergétique tout en s’amusant ? Il semblerait que ce soit le cas avec les « serious games » sur l’énergie et le climat, des jeux dont l’ objectif est de sensibiliser les citoyens à l’urgence des enjeux et à aider les responsables à agir au niveau local
Les « serious games », qu’ils s’agissent de jeux de société ou de jeux vidéo, existent depuis des décennies. Ils sont utilisés dans les écoles pour enseigner les mathématiques ou les langues d’une manière ludique et accessible. Ils constituent également une part essentielle de la formation de nombreuses professions, comme les médecins, les pilotes ou encore les pompiers, qui peuvent ainsi s’exercer à pratiquer des opérations, faire des simulations de vol ou se préparer pour des missions de sauvetage.
Appliqués au changement climatique et à la transition énergétique au niveau local, les « serious games » contribuent à sensibiliser les participants, à développer leurs connaissances et à les encourager à trouver des idées et solutions afin de relever les défis et surmonter les obstacles. Par ailleurs, grâce à l’utilisation de jeux de rôle, ils permettent de développer la capacité des participants à évaluer les risques, prendre des décisions et travailler de manière collaborative. Les thèmes abordés par les « serious games » consacrés à l’énergie et au climat sont multiples : comment gérer les compromis entre durabilité à long terme et croissance économique à court terme, comment atténuer le changement climatique en optant pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, ou encore, comment trouver des moyens innovants de s’adapter aux impacts que l’on ne peut éviter, comme l’aggravation des inondations, sécheresses ou feux de forêt.
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De nombreux « serious games » sur l’énergie et le climat placent les joueurs face à des situations hypothétiques mais réalistes qui pourraient survenir dans leurs villes en raison du changement climatique, comme l’élévation du niveau de la mer ou des vagues de chaleur plus longues, et à décider de la manière dont ils adapteraient les infrastructures urbaines en conséquence. Le centre américain Virginia Tech Center a ainsi mené une simulation basée sur un jeu de rôle avec 76 responsables et acteurs des villes de Boston, Singapour et Rotterdam et a demandé aux participants de définir, ensemble, comment ils adapteraient les décisions d’investissement dans les infrastructures de transport afin de répondre aux risques climatiques.
Construire des villes à énergie propre est également un des objectifs des « serious games ». Avec “Energy City”, un jeu développé par la branche dédiée à l’éducation numérique de la célèbre National Geographic Society, les joueurs endossent le rôle de décideurs politiques qui doivent développer une ville à énergie propre sur le long terme. Six différents scénarios de référence sont proposés, l’objectif étant d’éliminer les sources d’énergie fossile pour atteindre un mix 100 % renouvelable, tout en préservant un environnement sain, une bonne qualité de l’air, un budget en équilibre et un fort soutien des acteurs locaux. Le jeu développé par le projet européen « EnerCities », co-financé par le programme Energie Intelligente Europe, utilise également une approche similaire.
Encourager un développement urbain durable est un autre objectif-clef des « serious games » sur l’énergie et le climat. Le jeu DUBES, développé par des chercheurs de l’Université de technologie de Delft, par exemple, a été créé afin d’aider à la prise de décision en matière de rénovation et d’aménagement urbains durables. Les joueurs explorent les options de développement durable pour un projet de rénovation urbaine qui existe vraiment ou pour un quartier fictif, en tenant compte de facteurs tels que la qualité de vie, l’environnement ou encore la faisabilité du projet. Une fois que les joueurs sont arrivés à un consensus sur la manière de procéder, les décisions sont entrées dans un programme de modélisation informatique qui leur permet de se faire une idée du résultat final, ainsi que des effets et conséquences de leurs décisions.
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Mais quels sont les bénéfices attendus de ces « serious games » ? Tout d’abord, les citoyens et responsables qui y participent peuvent en espérer concrètement des bénéfices tangibles. Suite au jeu de rôle organisé par le Virginia Tech Center, les participants ont ainsi signalé qu’ils avaient beaucoup appris sur le changement climatique, avaient un sens plus élevé de l’urgence à agir, une plus grande confiance dans leur capacité à s’adapter à ses effets, et étaient prêts à continuer à collaborer sur ce sujet. Les chercheurs du Virginia Tech Center en ont conclu que de tels jeux devaient jouer un rôle plus important dans la formation des responsables des collectivités locales. Un exercice similaire mené dans la région de Nouvelle Angleterre aux Etats-Unis a rassemblé plus de 500 responsables de collectivités locales et de chercheurs au sein d’ateliers sur l’adaptation au changement climatique basés sur des jeux de rôle. Ces ateliers se sont avérés très efficaces pour améliorer l’action climatique dans de nombreuses villes de Nouvelle Angleterre : à Cranston, les résultats du jeu ont amené ses dirigeants à intégrer des considérations liées au changement climatique dans les documents de planification à long et moyen terme de la ville, et à Dover, le jeu a renforcé la confiance des citoyens dans la capacité de la collectivité locale à répondre aux risques liés au changement climatique.
Sensibiliser la population locale, améliorer les compétences des responsables locaux et leur confiance dans leurs propres aptitudes, renforcer la capacité des individus à prendre des décisions et à collaborer : les « serious games » représentent un puissant outil de renforcement des compétences et contribuent à soutenir l’action locale en matière d’énergie et de climat, à instaurer un dialogue et à jeter les bases de mesures ambitieuses ancrées dans la réalité. Le changement climatique n’a rien d’un jeu, mais les « serious games » sont clairement le moyen le plus divertissant de soutenir les villes et leurs habitants sur la voie de la transition énergétique !
Pour en savoir plus :
Une sélection de « serious games » sur l’énergie et le climat a été réalisée par l’ONG Centre for Systems Solutions
Rapport de recherche « Role-play simulations for climate change adaptation education and engagement » publié en juillet 2016 dans le magazine scientifique Nature Climate Change
« Master of the Covenant » – jeu de société visant à aider les collectivités à réaliser leurs plans d’action locale (PAEDC de la Convention des Maires)