Hier, 15 septembre, la Présidente de la Commission européenne a fait sa rentrée, en présentant le désormais traditionnel « State of the European Union » (état de l’Union européenne). Celui-ci portait principalement sur la grandeur de l’Europe qui porte l’ambition d’être neutre du point de vue climatique en 2050 et donc d’être un leader mondial à la COP26, qui se déroulera début novembre à Glasgow.
La Commission demandera aux député·es européen·nes de soutenir ses propositions ambitieuses, décrites dans le paquet « Fit for 55 » (ndlt : une économie qui aura réduit ses émissions de 55% en 2030), mais aussi aux ministres d’aligner les plans de relance massifs au niveau national, financés par le budget européen exceptionnel mis en place pour faire face à la crise sanitaire. On pourrait penser, après deux ans de mandat, que la Commission a de quoi être fière de son bilan. Pourtant, si l’économie semble bien se sortir de cette période trouble, si plus personne ne met en débat l’urgence climatique, je ne suis pas sûre que l’Europe soit en bonne forme. L’été 2021, entre pluies torrentielles, feux de forêts et pression des flux migratoires, n’a pas renforcé le projet européen.
Cet été, j’ai été frappée par les différences de perceptions et de réactions face à la crise sanitaire en traversant trois pays. Restée en Belgique pendant de longs mois, voir les manifestations « anti pass sanitaire » dans de petites villes françaises et, a contrario, la liberté totale de manger au restaurant et de circuler sans masque dans les rues de Madrid m’a stupéfaite.
Un même virus, une pandémie, mais un contexte politique différent : on obtient une réponse populaire radicale (angoissée, en colère) ou relativement consensuelle, tranquille. Comment va-t-on faire « Europe », faire sens commun, avec de telles fractures internes nationales, et des politiques aux approches si divergentes ?!
Le traitement médiatique de la réponse à la crise est pauvre. Pourquoi personne ne se penche sérieusement sur les politiques mises en place dans l’urgence et combien ces différentes politiques impactent la cohésion sociale, les inégalités, la précarité ?
Que ce soit pour cette crise, pour les suivantes, pour le futur de l’Europe, pour celui de la planète (ou plutôt de l’humanité), je ne vois pas comment nous allons pouvoir avancer sans investir massivement dans le débat collectif, avec de vraies bases scientifiques, de vraies méthodes de médiation, et une vraie écoute de l’autre.
Et si j’ai été frappée par la rapidité avec laquelle de profondes fractures se sont créées, j’espère sincèrement que nous aurons la présence d’esprit d’en discuter et de décider, dans le respect et en responsabilité, de notre avenir commun.
Ce que j’ai aussi découvert, c’est que les changements profonds d’opinion peuvent advenir rapidement, que le temps long des transformations sociétales est loin d’être intangible. On nous demande toujours de travailler « l’acceptation » de la transition, comme s’il fallait prendre des pincettes, et que c’était l’obstacle principal aux transformations nécessaires. Pourtant, les opinions se font et se défont, et les politiques d’éducation, la vitalité de la démocratie, la place de la recherche dans le débat et l’action culturelle y sont pour beaucoup.
C’est plutôt une découverte porteuse d’espérance puisque nous avons clairement besoin de puissants mouvements pour réorienter nos économies [i], si on accepte d’apaiser le débat, en ayant de sérieuses conversations, étayées et ouvertes. Ce qu’a montré en partie la Convention Citoyenne pour le Climat en France, mais aussi ailleurs. Il faut établir des diagnostics partagés de ce que nos territoires portent comme alternatives et sur cette base, imaginer collectivement et concrètement les politiques à mettre en place. Et sans prendre cette décision à la place des citoyen·nes !
[i] Comme l’indique le futur rapport du GIEC à paraitre en février prochain mais qui a déjà partiellement fuité pendant la période estivale.