Alors que les législateurs européens débattent de la toute première « loi sur le climat », laquelle vise à inscrire l’objectif de neutralité climatique dans la législation européenne, notre collègue Adrian Hiel s’est entretenu avec Ciarán Cuffe, eurodéputé et membre de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie du Parlement européen.
Adrian Hiel, Energy Cities : Y-a-t-il un élément de la loi sur le climat qui vous a agréablement surpris ?
Ciarán Cuffe : Le fait que nous ayons désormais une loi sur le climat qui nous oblige à respecter nos obligations environnementales est bien sûr une bonne nouvelle. Un aspect en particulier me semble des plus positifs : l’examen, tous les 5 ans, des progrès accomplis vers la réalisation de l’objectif de neutralité climatique, tant au niveau national qu’européen.
A.H. : Selon vous, quel est le principal défaut de cette proposition de loi sur le climat ?
C.C. : Le point le plus décevant de cette loi sur le climat est qu’elle nous condamne à limiter nos ambitions en matière de réduction des émissions pendant au moins une décennie, le mécanisme devant permettre à la Commission de revoir à la hausse ces objectifs tous les 5 ans ne prenant effet qu’à compter de 2030. Par ailleurs, les objectifs climatiques proposés ne tiennent pas compte des dernières données scientifiques disponibles, lesquelles indiquent que l’UE doit atteindre la neutralité climatique d’ici 2040 au plus tard et porter son objectif pour 2030 à 65 % d’émissions en moins par rapport à 1990 (les articles 2 et 3 ne prévoient qu’une réduction à hauteur de 50-55 %). Il est également inquiétant de voir que le texte prévoit de donner à la Commission la possibilité de modifier la trajectoire entre 2030 et 2050 par le biais d’actes délégués tous les 5 ans.
A.H. : Au-delà des mots, il faudrait que la loi sur le climat entérine les principes de résilience et de participation locales, et insiste sur l’importance des politiques de sobriété énergétique et sur le rôle clef (et non optionnel) des plateformes de dialogue multi-niveaux. Qu’en pensez-vous ?
C.C. : Je pense que des investissements et un soutien au niveau régional sont nécessaires à court terme pour assurer notre neutralité climatique. Les régions et les villes doivent donc être parties prenantes dans ce dialogue ; concentrer tous les efforts au niveau national ne suffit pas. D’excellentes initiatives, comme la Convention des Maires, entre autres, existent déjà, qui constituent de très bonnes plateformes pour promouvoir les échanges entre les différentes villes et régions, ainsi qu’avec les acteurs nationaux. La transition verte ne peut se faire sans leur soutien.
A.H. : Conformément au principe de « ne pas nuire », les collectivités locales et régionales devraient pouvoir compter sur un mécanisme juridique qui leur permette de signaler tout obstacle (souvent lié à des mesures ou législations nationales) rencontré dans la mise en œuvre de leurs stratégies en matière de neutralité climatique. Soutenez-vous la mise en place d’un tel dispositif de signalement ?
C.C. : Je pense que les ambitions climatiques européennes et les objectifs nationaux pourraient être mieux alignés et que ces derniers devraient être déclinés au niveau régional. Idéalement, il ne devrait pas y avoir de différence dans les approches, mais nous savons que ce n’est pas le cas. Je soutiendrai bien sûr un tel mécanisme s’il contribue à la mise en place de programmes en faveur du climat, mais nous devons également veiller à ne pas ajouter au mille-feuille bureaucratique ou administratif.