Les villes ne manquent pas d’ambition climatique, mais elles manquent de ressources humaines. C’est le message de Philippe Guelpa-Bonaro, Vice-président de la Métropole de Lyon (France), délégué au Climat, à l’Énergie et à la Réduction de la Publicité : « Sans moyens humains et personnes qualifiées pour assurer opérationnellement les travaux liés à la transition énergétiques, nous aurons beau faire les plus beaux « Plan Climat » d’Europe, nous échouerons ».
Ce manifeste LocalStaff4Climate rédigé par Energy Cities et ses partenaires trouve un écho dans toutes les villes européennes car il reconnaît une réalité à laquelle les villes de toutes tailles sont confrontées : le manque d’ingénierie territoriale. Energy Cities a analysé les besoins pays par pays et les chiffres sont impressionnants : pour atteindre les objectifs de 2030 pour la seule décarbonisation des bâtiments, environ 2,5 emplois supplémentaires seront nécessaires par an en moyenne sur la période 2022-2030 dans chaque municipalité en Europe. Energy Cities propose des solutions pour tenter de remédier à cette situation critique, qui ont été discutées avec des élu.e.s, la Commission européenne et le think tank I4CE lors d’un webinaire organisé début juillet.
47 organisations ont signé le manifeste. Les élu.e.s des collectivités locales, villes et métropoles, et des agences locales de l’énergie et du climat partagent ici leurs multiples motivations :
Aujourd’hui, les villes ne disposent pas des ressources humaines nécessaires pour concrétiser leurs ambitions climatiques. Allen Coliban, maire de Brasov (Roumanie) décrit la situation actuelle : « Alors que notre objectif est d’augmenter l’utilisation des ressources énergétiques renouvelables, les ressources humaines sont les plus rares. Afin d’accomplir le plan de neutralité de la transition, il est urgent que les villes obtiennent de l’aide pour recruter, former et conserver le personnel« .
Pour les collectivités locales, il est difficile de recruter, par manque de moyens budgétaires mais aussi par manque de candidat.e.s qui ne sont pas attiré.e.s par les conditions de travail dans l’administration publique. Pierre Prot, conseiller communautaire délégué en charge des réseaux et de l’énergie de Grand Paris Sud et adjoint au maire en charge de la transition écologique et sociale à Évry-Courcouronnes (France) nous le dit : « L’agglomération Grand Paris Sud porte des objectifs volontaristes concernant la politique climat-énergie. Nous faisons également face à des difficultés de recrutement dans les métiers de l’énergie, de la rénovation thermique des bâtiments, du développement durable en général. C’est pourquoi nous nous reconnaissons pleinement dans ce manifeste que nous signons avec conviction« .
C’est le cas pour les grandes villes et métropoles comme Brasov ci-dessus mais aussi pour les petits villages aux grandes ambitions comme le déclare Michel Maya, maire de Tramayes (1 000 habitants, France) : « Depuis que je suis maire (1995 !), j’ai pu constater le désengagement des services de l’État français. Les moyens humains manquent terriblement et pourtant nous en avons un cruel besoin pour mettre en œuvre rapidement la transition, en particulier dans le domaine de l’énergie qui devient crucial ».
C’est notamment le cas en France où le Pacte de Cahors, traduction stricte du Pacte européen de stabilité et de croissance, entrave les villes dans leurs capacités d’investissements, notamment en capital humain.
C’est ce qui a motivé Sylvain Godinot, adjoint au maire de Lyon (France) à la transition écologique et au patrimoine, à signer le manifeste « Je cosigne cette tribune, qui résonne avec l’absence de moyens alloués à ce jour à l’appel à manifestation d’intérêt « 100 villes climatiquement neutres », et avec la menace de retour du pacte de Cahors par le gouvernement Français, qui plafonnerait la capacité des collectivités à engager des agents affectés aux enjeux énergie – climat ».
C’est également le souhait de Jean-Patrick Masson Vice-président de Dijon Métropole (France) « La conception des règles budgétaires nous empêche de recruter le personnel dont la Métropole a besoin. Les collectivités locales doivent être en mesure de réaliser des investissements immatériels (humains) si nous voulons atteindre la neutralité climatique. »
Les recommandations de l’étude et du manifeste d’Energy Cities concernent tous les niveaux géographiques : local, national et européen. Les signataires cherchent ainsi à mobiliser les acteurs pour élaborer des solutions ensemble comme le souligne Philippe Guelpa-Bonaro : « De compétence régionale en France, la formation professionnelle est un enjeu crucial. Les États-membres doivent agir pour financer, et contraindre s’il le faut, les régions sur la formation professionnelle liée à la transition écologique et aider les communes et intercommunalités à financer des postes opérationnels »
Les agences locales de l’énergie sont aussi concernées par le manque d’effectifs dans les agences et dans les villes selon Maryse Combres, Conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine Présidente de FLAME, fédération des Agences Locales de l’Énergie et du Climat (ALEC) « Il y a un manque d’ingénierie territoriale pour mettre en œuvre la nécessaire transition énergétique des territoires. Ce manque se fait sentir aussi bien dans les collectivités elles-même que dans les agences parapubliques qui les accompagnent telles les Agences Locales de l’Énergie et du Climat (ALEC). Les territoires souffrent d’un manque de soutien pérenne de l’État pour financer une telle ingénierie indispensable pour déclencher des projets concrets visant à réduire les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre ».
C’est un problème de « qui de la poule et de l’œuf… » : les collectivités locales n’ont pas les moyens financiers de recruter, elles veulent chercher des fonds mais n’ont pas le personnel pour le faire. Il faut donc donner aux villes un financement moins conditionné dès le départ pour qu’elles puissent recruter. Le personnel recruté pourra ensuite rechercher des fonds, notamment européens, et réaliser des investissements pour la transition. Le personnel d’abord, les projets ensuite. L’ensemble de l’économie locale en bénéficiera, comme le souligne notre étude et Ion Dogeanu, directeur de l’Agence pour l’efficacité énergétique et la protection de l’environnement de Bucarest (Roumanie) : « En mobilisant la société et en proposant des stratégies de décarbonisation, les gouvernements locaux peuvent débloquer des milliards d’investissements et créer des millions d’emplois. Nous sommes là pour les soutenir »
Rejoignez ces organisations et collectivités locales en signant le manifeste au nom de votre organisation et en partageant avec nous, si vous le souhaitez, les raisons de votre engagement.