Le métal, le verre et le bois d’un bâtiment démoli peuvent-ils avoir une seconde vie ?
Que faire de grands espaces inoccupés alors que les loyers flambent ?
Regardons autour de nous : que peut-on réutiliser ? Comment faire correspondre l’offre et la demande ?
Soyons créatifs, imaginons de nouveaux modèles économiques capables de répondre aux besoins des citoyens tout en préservant l’environnement. Car les anciens modèles se révèlent trop coûteux, inéquitables et polluants.
Les mesures de sobriété sont une réponse adaptée, comme nous avons pu le constater en personne durant le parcours Doing better with less dans le cadre du Forum annuel d’Energy Cities du 9 avril.
Le site de l’Arsenal à Besançon (France) illustre parfaitement cette approche innovante. Ce modèle économique hors des sentiers battus crée de nouveaux emplois, redonne aux citoyens des espaces publics vacants, et renforce le sentiment d’appartenance au territoire.
Les membres d’Energy Cities ont eu l’opportunité de visiter ce lieu et d’écouter les témoignages inspirants de celles et ceux qui transforment l’ancien site militaire et hôpital en un espace d’apprentissage et de création dynamique. Ce projet s’inscrit dans une stratégie immobilière à long terme visant à faire naître une « ville apprenante » au cœur de Besançon, avec des logements, de nouvelles facultés et des bureaux.
L’économie circulaire est le fil rouge de cette transformation ambitieuse. « 63 % des déchets proviennent du secteur de la construction. C’est pourquoi ce secteur est un pilier essentiel de l’économie circulaire », a expliqué Dominique Marie, chargé du projet de stratégie et de plan d’action sur l’économie circulaire à la Région Bourgogne Franche-Comté. « La région finance actuellement 20 projets dans ce domaine et a mis en place des groupes de travail composés de professionnels pour identifier de nouvelles méthodes, des modèles économiques innovants et des bonnes pratiques. Nous avons également créé une matériauthèque pour aider les gens à trouver ce dont ils ont besoin. Les matériaux de seconde main permettent en effet de réduire de 60 % les émissions. »
Annaïck Chauvet – adjointe au maire de Besançon en charge de la transition énergétique, des bâtiments et des ressources techniques – a souligné que 200 milliards d’euros de financements publics ont été mobilisés pour faire avancer les choses. Mais bien sûr, les projets financés doivent garantir l’accessibilité, de bonnes conditions de travail, la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, ainsi qu’un haut niveau d’exigence.
Hôp Hop Hop est une association d’architectes et d’urbanistes locaux, aujourd’hui forte de 3 500 membres. Elle a été fondée en 2017 pour répondre à un besoin criant : trop d’espaces vacants, et trop de personnes à la recherche d’un lieu pour lancer un projet innovant ou créer.
L’association a repensé l’Arsenal, un espace public de 2 000 m² vide et disponible, en le transformant en un lieu où des professionnels peuvent travailler, se rencontrer et échanger. Un bar, des ateliers et des formations y ont désormais leur place. Il s’agit d’une occupation temporaire, dans l’attente de la transformation du bâtiment en logements et bureaux.
Les activités proposées – d’une boutique de seconde main à des ateliers artistiques et de bricolage – permettent à l’association d’être presque financièrement autonome et de rémunérer ses salariés. Les espaces sont loués à prix modique, en échange de quelques heures de travail pour l’association de la part des 62 locataires.
Alice Gauthier, coordinatrice de Hôp Hop Hop, explique que le succès du projet a largement dépassé leurs attentes. L’association doit désormais réfléchir à la manière de pérenniser l’initiative. Quoi qu’il en soit, l’objectif a été atteint : réhabiliter un bâtiment pour le rendre aux citoyennes et citoyens. Son succès inspire aujourd’hui d’autres projets similaires dans le monde.
En partenariat avec Grand Besançon Métropole et le Rectorat de Besançon, Sylvain Dousse, ingénieur bâtiment à l’Université de la Région Franche-Comté, mène une expérience grandeur nature en matière d’économie circulaire dans le cadre de la rénovation de l’Arsenal.
Le projet vise à transformer un bâtiment vacant de 8 000 m² en site universitaire, destiné à accueillir d’ici huit mois les facultés de sociologie, de langues et d’arts du spectacle. Il servira aussi d’outil de communication et de formation pour sensibiliser à l’économie circulaire.
« Nous préférons investir dans les personnes plutôt que dans les matériaux », affirme M. Dousse
Plusieurs entreprises ont répondu à l’appel d’offres public et accepté de relever le défi : repenser leur activité dans une logique d’économie circulaire. Cela a permis l’émergence de nouveaux métiers comme le démontage soigné, la remise en état de matériaux et d’équipements, le stockage et la redistribution.
M. Dousse réutilise autant de matériaux que possible, en s’approvsionnnant localement. Les bâtiments déconstruits deviennent une mine d’acier, de bois, de verre et de mobilier à réemployer. Par exemple, la façade du futur bâtiment est composée d’acier et de verre issus d’autres constructions de la même zone. Le bois de la toiture d’origine a été transformé pour les sols des salles insonorisées. Et quand des matériaux ne peuvent être récupérés, ils sont choisis pour leur faible impact écologique – comme l’utilisation de bois malade plutôt que de bois vierge.
La performance énergétique est aussi au cœur du projet : le bois est privilégié pour ses propriétés isolantes naturelles, et les nombreuses fenêtres permettent de maximiser la lumière naturelle.
« Pour rendre la rénovation plus économique, il faut la simplifier. L’écoconception permet d’être plus efficace et de réduire les coûts », conclut M. Dousse.
Après la visite, il était temps pour les membres de partager leurs expériences et de s’inspirer les uns des autres.
Nous avons exploré ce que signifie concrètement la sobriété pour les collectivités locales, où en est l’Union européenne sur le sujet, et le rôle central joué par le recyclage. Comme l’a expliqué ACR+, une gestion efficace des déchets ne suffit pas – il faut produire moins et réutiliser ce qui est déjà disponible. Ce n’est qu’en intégrant la gestion des déchets dans une approche d’économie circulaire que nous pourrons réellement contribuer à l’atténuation du changement climatique.
La Région de Bruxelles-Capitale et la ville d’Utrecht ont partagé leurs témoignages lors de l’atelier Construire des villes circulaires : leadership municipal en matière de réemploi et de sobriété.
François Dewez, chef du département Transition professionnelle, et Pietro Fragapane, chef de projet – tous deux travaillant à Bruxelles Environnement – ont présenté plusieurs politiques soutenant les pratiques circulaires. Parmi les initiatives évoquées :
Mirjam Scholtens, conseillère en financements européens et collaborations pour la ville d’Utrecht, a partagé la manière dont la municipalité stimule un climat favorable à l’entrepreneuriat circulaire en fournissant de l’espace, des financements et des programmes d’accompagnement. Participer à des projets européens permet non seulement d’accéder à des fonds, mais aussi d’apprendre des autres villes.
Utrecht développe actuellement un centre de réemploi et participe à plusieurs projets européens favorisant l’économie circulaire, notamment dans le secteur de la construction. Elle a cité l’exemple du Werkspoorkwartier – une ancienne friche industrielle devenue un pôle culturel dynamique, accueillant de nombreux entrepreneurs et artistes.
Pour clore ce parcours autour de la sobriété, les collectivités locales et les experts en énergie ont participé à un atelier d’intelligence collective visant à identifier les défis rencontrés par certaines villes dans le développement et la mise en œuvre de leurs projets.
Curieux d’en savoir plus sur la dernière édition du Forum d’Energy Cities et les autres parcours proposés ? Lisez notre article de synthèse et restez connecté·es pour ne pas manquer les infos sur l’édition 2026 !