Technocratie européenne à l’horizon ?

Edito politique


À propos

Date de publication

18 décembre 2025

Sur la scène bruxelloise, tout le monde est encore en effervescence. Le Parlement européen, après avoir marqué des points dans le débat sur le budget pluriannuel 2028/2034 (de son petit nom MFF pour « multi-annual financial framework ») ; tergiverse maintenant pour désigner les rapporteurs sur le fond.

Il faut dire que la Commission européenne, en proposant en juillet dernier, une architecture budgétaire radicalement nouvelle et une réduction des programmes sur un nombre limité de priorités, bouscule les dynamiques institutionnelles en place. Au Conseil Européen, habitué aux négociations sectorielles, la fusion de certaines politiques emblématiques comme celle de l’agriculture et de la cohésion, oblige des Ministres qui ne sont pas forcément habitués à le faire à travailler ensemble. C’est toute la machine des discussions techniques entre États, toutes les méthodes de tractations, toute la chorégraphie qui se joue tous les 7 ans pour ce méga-dossier qui conditionne tous les autres ; qui doit s’adapter. La Présidence Danoise du Conseil reconnait que pour l’instant le Conseil en est toujours à l’étape de poser des questions de clarification à la Commission…

En miroir, le même bouleversement s’opère au Parlement européen, avec la difficulté supplémentaire d’un morcèlement des groupes politiques et par conséquent de majorités beaucoup plus fragiles. Les tractations ne sont pas finies, si 4 partis se sont accordés pour travailler ensemble (PPE, Renew, S&D, Greens) et ont approuvé une répartition des dossiers entre les différentes Commissions, les calendriers et personnes clefs ne sont pas encore tous connus.

Enfin, pour toutes les parties prenantes, le Comité des Régions, le Comité économique et social européen, cette méga-négociation est aussi un immense défi. Comment choisir ses batailles, ses alliances, quand tout est tellement entrelacé ?

Il y a donc trois institutions dans cette négociation, dont deux sont en train de perdre un temps précieux puisque les négociations sur le budget doivent se finaliser, normalement pour fin 2026 (2027 étant l’année de préparation de tous les programmes qui doivent débuter en janvier 2028).  

Et la Commission en sort toujours plus renforcée ; devenant une sorte de « Ministère technocratique européen ». Illustrant cette tendance, elle a aussi publié le 10 décembre le « Grid package » : un ensemble de propositions pour accélérer la modernisation et le déploiement du réseau énergétique européen. Dans ce cadre, elle prend un rôle de planificateur du réseau. Si le besoin d’une meilleure coordination est incontestable, qui est le mieux placé pour proposer des scénarios de développement ? Qui questionnera les hypothèses choisies pour ces trajectoires ? Quelle sera la gouvernance de la planification ?

Renforcée, vraiment ? Peut-être pas, à trop vouloir coordonner au plus haut niveau et s’octroyer la place unique de l’institution qui assure l’intégration des marchés, des politiques, qui évalue la pertinence des plans nationaux, de la stabilité économique des pays membres…tout ça sans proposer une gouvernance multi-niveau effective, et robuste… La Commission européenne n’est-elle pas en train de saper son propre pouvoir à ne pas vouloir le partager ?