Je ne peux pas faire l’édito politique de mars 2020 sans évoquer le coronavirus. Oui, les pandémies à l’heure de la globalisation sont difficiles à gérer. Oui, si l’OMS nous met en garde, il ne faut pas douter de leurs conseils et mises en garde. Oui, les Etats déjà sous pressions multiples ne semblent pas préparés, et la coordination européenne est encore mise à mal.
Mais est-ce que la peur va nous aider à réagir ? Celle qui est insidieusement générée par des médias catastrophistes et par des informations contradictoires (on met en quarantaine 15 millions d’Italien·ne·s, mais dans certains autres pays rien n’est fait ; on demande à tou·te·s d’observer des gestes d’hygiène simples mais il y a rupture de stock des produits les plus élémentaires dans ce type de situations, comme les masques et les solutions hydro-alcooliques).
Que cela soit pour la menace immédiate de ce virus ou pour la menace réelle et tout aussi urgente de lutter contre le changement climatique et garantir une terre vivable (et vivante !) aux générations futures, qui peut prendre les bonnes décisions, avoir les bonnes réactions sous l’emprise de la peur ? Ce mois-ci, j’ai expérimenté ce sentiment qui annihile tout potentiel de création, de réflexion, d’analyse. Et qui veut vivre dans la peur ? Ne pas y céder, ce n’est pas être inconscient, au contraire, mais rester lucide est nécessaire pour penser la suite. Admettre la peur et ne pas la laisser gagner, c’est résister.
C’est exactement la raison qui avait poussé des centaines de villes de monde à répondre à l’invitation d’Ada Colau, Maire de Barcelone qui a organisé voilà deux ans, le premier sommet des « Fearless cities ». Contre la peur des vagues d’immigrations, être des villes respectant les droits humains ; contre « l’effondrement programmé » des sociétés thermo-industrielles, la co-gestion des ressources locales et la production basée sur ces ressources endogènes. Une priorité au logement abordable, et à la mobilité apaisée pour une ville accessible à tou·te·s… Une récente traduction des actes de cette conférence est disponible en français « Guide du municipalisme« ; et Energy Cities a contribué au chapitre sur l’énergie citoyenne, reprenant la multitude d’exemples partout en Europe de partenariats entre les villes et les citoyen·ne·s pour produire et gérer autrement l’énergie renouvelable : recentrer l’offre énergétique sur les besoins locaux, des besoins réduits.
J’ai un souvenir ému de ce sommet des « villes sans peur » parce qu’elles préconisent comme remède à cette angoisse qui nous étreint et nous empêche de réagir, le seul vaccin qui existe, en abondance, et gratuit : la solidarité. Entre habitant·e·s, entre quartiers, entre villes….