« Nous devons créer un environnement dans lequel les décisions quotidiennes seront compatibles avec le climat parce qu’elles sont moins chères, plus sûres et plus rapides »
Ada Amon, conseillère principale du maire de Budapest aux questions climatiques
C’est ainsi qu’Ada Amon a résumé résume la sobriété lors de la Semaine européenne de l’énergie durable, en juin dernier à Bruxelles.
Les villes ont un rôle majeur à jouer pour repenser leur organisation, leurs services publics et leurs politiques climatiques afin de réduire leur consommation de ressources (eau, matériaux, sols, énergie…). Les villes sont aussi celles qui peuvent fournir les conditions qui permettront à tous les citoyens de faire ces choix quotidiens qui réduisent la pression sur les ressources … parfois sans même penser que c’est bon pour le climat ! Par exemple, au Danemark, il y a beaucoup d’autres raisons derrière l’utilisation quotidienne du vélo : la santé, la vitesse, la commodité, et le coût.
La sobriété est un super pouvoir des villes pour façonner leur transition écologique de manière équitable. C’est ce qu’Energy Cities a expliqué dans son glossaire, disponible ici.
Mais les villes ont besoin d’une direction claire, d’un bon cadre législatif et de programmes de financement et de recherche appropriés pour faire de la sobriété la base de leur approche climatique. Voyons donc comment la sobriété a été abordée au niveau européen ces derniers mois.
Depuis quelques mois, la sobriété gagne du terrain à Bruxelles :
CLEVER, un réseau européen piloté par l’association française négaWatt, a fait atterrir l’approche SER (sobriété, efficacité, renouvelable) à Bruxelles, en proposant un scénario européen pour atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050. Espérons que la Commission européenne, qui construit actuellement les modèles de ses objectifs climatiques pour 2040, y jettera un coup d’œil !
D’autres initiatives, comme l’Observatoire européen de la neutralité climatique (ECNO), soulignent la nécessité de réduire notre pression sur les ressources, en particulier les matériaux et l’énergie.
Une session sur la sobriété énergétique a également été animée par l’eurodéputé Bas Eickhout lors de la conférence « Beyond Growth » au Parlement européen en mai dernier.
Enfin, Energy Cities et le Bureau Européen de l’Environnement (EEB) ont coorganisé une session sur le potentiel inexploité de la sobriété pour atteindre la neutralité climatique lors de la Semaine européenne de l’énergie durable (EUSEW) en juin 2023 avec des participants de la Commission européenne, des experts et des représentants des collectivités locales. Après 17 ans d’EUSEW, cette session a été la première à appeler la Commission européenne et les futurs membres du Parlement européen à faire de la sobriété une priorité dès le début de leur nouveau mandat en 2024, et à soutenir les collectivités dans leur volonté d’embrasser l’approche de la sobriété.
Malheureusement, la sobriété n’est pas une approche dominante dans le paquet législatif » Fit for 55 » qui vise à amener l’UE à son objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030. Néanmoins, l’approche peut être reconnue dans certains textes :
Le règlement sur l’écoconception, qui vise à faciliter la durabilité et la réparabilité des produits, est l’un des premiers textes allant dans ce sens.
Le Parlement européen a proposé une définition de la sobriété dans la refonte de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, encourageant les États membres à réduire le nombre de bâtiments inoccupés et à utiliser les friches industrielles. Les Membres du Parlement européen ont également proposé que les collectivités locales et régionales puissent rédiger des programmes de rénovation intégrés en utilisant à la fois les principes de circularité et de sobriété. La directive est encore en cours de négociation dans la phase de trilogue. Energy Cities encourage clairement les législateurs à conserver une approche de sobriété dans le texte final attendu pour fin 2023.
La crise des prix de l’énergie en 2022 a également déclenché des objectifs et des mesures visant à réduire drastiquement la consommation d’énergie, détaillés dans la communication de l’UE « Save Energy » et dans la campagne conjointe de la Commission et de l’AIE « Playing my part » (par exemple, réduire la température, choisir les transports publics ou la mobilité active, travailler à domicile, réduire l’utilisation de l’éclairage…). Même si ces mesures n’étaient ni équitables ni structurelles, elles montrent le potentiel d’une réduction rapide de la consommation de ressources.
Nous pouvons regretter que la sobriété ne soit pas prise en compte dans la loi européenne sur le climat, ni l’un des 5 piliers inscrits dans le règlement sur la gouvernance de l’Union de l’énergie et de l’action pour le climat, qui régit ce que les États membres mettent dans leurs plans et stratégies nationaux. La sobriété n’est pas non plus dans les SECAP élaborés par les villes signataires de la Convention des maires.
Il reste un long chemin à parcourir avant que les législateurs européens n’adoptent la sobriété comme indispensable et fondamentale à la réussite de leur transition écologique. Energy Cities travaillera dans ce sens pour permettre de s’assurer que lors du prochain mandat des institutions européennes, les villes européennes puissent bénéficier d’une vision claire et d’un mécanisme de soutien fort pour développer des politiques basées sur la sobriété.
Cet article de What’sEUp est soutenu par l’ADEME. Abonnez-vous à la lettre d’information du pôle « économies locales économes en ressources et socialement justes » pour lire les prochains articles sur ce sujet.