Les e-deals comme outil pour atteindre un objectif de neutralité énergétique en 2050

La vision « Delft energy neutral 2050 »


Delft est membre d’Energy Cities depuis 2004.

La ville de Delft (100 000 habitants) a eu une politique énergétique active depuis les années 1990, ce qui lui a permis de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 15% entre 1990 et 2012. En 2011, elle saute un pas considérable en adoptant l’ambition de devenir une municipalité énergétiquement neutre en 2050 et dans cette optique, elle vise à réduire les émissions de GES de la ville de 35% entre 2012 et 2020.

Cela entraîne la nécessité d’un changement d’approche. En effet, la municipalité n’a une influence directe que sur 2% des émissions du territoire, qui représentent les émissions liées à la consommation des bâtiments et des équipements municipaux. La municipalité de Delft a ainsi opté pour une approche novatrice, dans la mesure où elle passe d’un rôle de lancement d’initiatives à un rôle de facilitation. Elle remarque en effet un nombre grandissant d’initiatives pour le développement durable lancées par des entreprises ou des citoyens sur son territoire. Alors que de plus en plus de citoyens ressentent le besoin d’être moins dépendants des grandes entreprises énergétiques en se fournissant en énergie eux-mêmes, les entreprises tentent de réduire leurs coûts liés aux énergies fossiles et sont également de plus en plus nombreuses à attacher de l’importance à l’impact écologique de leur activité. Il existe ainsi un véritable courant en faveur d’une « économie verte » basée sur des solutions innovantes et une utilisation responsable des ressources disponibles .

Pour la ville, il s’agit alors de favoriser la responsabilisation de ces acteurs engagés, en leur donnant une plus grande prise sur l’interprétation des objectifs fixés ainsi que sur les moyens de les atteindre.

Les e-deals : plusieurs possibilités d’accords

Dans ce cadre, la ville a mis en place des e-deals (avec l’e- pour énergie), déclinaisons des green deals nationaux. Ce sont des accords que les parties prenantes signent avec la municipalité, soit pour la réalisation de projets spécifiques, soit pour signifier leur engagementen faveur de l’ambition d’un Delft énergétiquement neutre en 2050. Deux employées municipales, Maaike Kaiser et Pauline van Gijn, de l’équipe en charge de l’application du Plan énergie local et des relations avec les acteurs locaux, travaillent sur les e-deals à Delft.

Depuis 2013, 17 parties prenantes locales ont signé l’e-deal général, manifestant leur soutien à l’ambition d’un Delft énergétiquement neutre en 2050 : la municipalité de Delft, plusieurs universités, Orange Gas, Ikea Delft, The Datacenter Group, Eneco et d’autres encore.

De plus, la municipalité a également soutenu une dizaine de projets dans le cadre d’e-deals spécifiques : deux projets de rénovation énergétique, un projet avec l’université technique sur les voitures à hydrogène, « Delft Solar City » pour le développement de panneaux solaires dans la ville, et d’autres projets avec des hôtels, des écoles.

Dans le cadre de ces e-deals spécifiques, la municipalité offre des petites subventions et donne une visibilité aux projets notamment grâce à des articles de journaux, une page Facebook et un site internet. La municipalité a fait le choix d’adopter une approche de marché (market approach), ce qui signifie qu’elle ne refusera pas de soutenir deux projets qui pourraient se faire concurrence. Quelques conditions tout de même à remplir : le projet doit être cohérent avec le plan énergie de la ville et avoir un modèle économique, afin que la municipalité ne finance pas la totalité du projet. De plus, les projets doivent être suffisamment importants afin de justifier la conclusion d’un e-deal, processus relativement long et demandant la mobilisation de plusieurs employés de la municipalité. Les projets les plus petits et les moins onéreux peuvent être financés autrement, dans le cadre du plan énergie notamment.

Un exemple : « Widar in the sun »

Cet e-deal a commencé avec les parents d’élèves de l’école Widar, qui voulaient installer des panneaux solaires sur le toit de l’école. Confrontés à des difficultés financières et à un manque d’expertise, ils sont rentrés en contact avec la municipalité. Les subventions reçues dans le cadre de l’e-deal conclu leur a permis d’embaucher un consultant en finances et de lancer une communication efficace autour du projet.

En collaboration avec le supermarché biologique Ekoplaza, le financement a été atteint en quelques mois. Les parents pouvaient soutenir le projet en achetant des bons chez Ekoplaza (pour 250 euros de bons achetés, les parents ou autres intéressés ont eu droit à un bon d’achat de 300 euros chez le supermarché). C’est ensuite le supermarché qui a investi dans les panneaux, et qui en recevra les bénéfices pendant 10 ans tout en payant un bail annuel à l’école. Après ces 10 ans, l’école deviendra propriétaire des panneaux solaires et pourra également profiter de l’électricité renouvelable produite. Aujourd’hui, l’école est non seulement approvisionnée en électricité renouvelable, mais la démarche lui permet également d’inscrire les enjeux liés à l’énergie dans ses programmes scolaires.

Résultats et enseignements
De manière générale, la position « en retrait » de la municipalité a plutôt bien fonctionné. Il lui a suffi d’engager un dialogue avec les différents acteurs à propos de leurs attentes, de leurs besoins et du dispositif des e-deals pour que ceux-ci viennent d’eux-mêmes, avec leurs idées. Une déception cependant : les entreprises internationales implantées sur le territoire ne se sont pas senties concernées par les ambitions de la ville. La municipalité, fidèle à son approche de marché, n’insiste donc pas et attend le moment où ces entreprises pourraient être intéressées par la communication et la visibilité qu’elle a à leur offrir.

Les difficultés à surmonter :

  • L’évaluation repose sur les parties prenantes et il serait très coûteux de tout vérifier.
  • La communication est un élément essentiel de la réussite d’un dispositif d’e-deals. Site web, réseaux sociaux, articles dans les journaux : aucun moyen de communication ne doit être négligé ! Des rencontres doivent également être organisées entre les parties prenantes du territoire pour coupler le dispositif avec un réseau solide et faire émerger de nouveaux projets.
  • A Delft, seules deux initiatives citoyennes ont pour l’instant vu le jour dans le cadre des e-deals, alors que dans la ville voisine, 80 ont été recensées. Pourtant, la démarche adoptée est la même. En décembre 2015, une session finale devrait clore trois mois de réflexion avec les citoyens sur la manière d’impliquer les citoyens dans les e-deals.

Les facteurs de réussite :

  • Tirer parti des structures existantes : ainsi, la municipalité de Delft s’est par exemple appuyée sur les réseaux de « Technological Innovation Campus » et « Delft Amazing Technology », initiatives lancées par la municipalité afin de stimuler la collaboration entre acteurs locaux. La municipalité a utilisé ces réseaux afin de commencer une discussion sur la transition énergétique avec des partenaires individuels. Cela n’a pas été difficile car la plupart des parties prenantes étaient déjà impliquées dans la question énergétique.
  • L’approche de marché adoptée met la municipalité dans une position de facilitateur : par le biais de subventions, de communication, de mises en réseau, elle espère créer des coopérations entre citoyens, entreprises et universités, responsabiliser ces acteurs en les faisant s’identifier avec les objectifs de la ville. Cette position de facilitateur est un véritable facteur de réussite, dans la mesure où elle permet de s’appuyer sur les dynamiques déjà existantes sur le territoire. Néanmoins, puisque la ville n’exige rien de personne, elle se doit d’insister énormément sur les opportunités des edeals et adopter une vraie stratégie de vente pour attirer les acteurs motivés.

Les e-deals ne sont pas une fin en soi, mais un formidable outil pour soutenir les projets émergents et communiquer dessus. Ils favorisent ainsi l’engagement de toutes les parties prenantes et créent une émulation d’actions sur le territoire grâce au rôle de facilitation de la municipalité. Il est encore trop tôt pour recommander la démarche à d’autres municipalités. Par contre, il est possible d’engager le dialogue avec les parties prenantes sur le territoire, afin de comprendre les attentes et les besoins de chacune.