Comment les villes polonaises résistent à la politique pro-charbon du gouvernement

5 façons de pousser à plus d'énergies renouvelables


À propos

Date de publication

06 septembre 2018

La Pologne n’est pas réputée pour être un fervent défenseur du solaire, de l’éolien, ou encore de la biomasse. Au contraire, le parti Loi et Justice (PiS), actuellement au pouvoir, défend la construction d’une dernière centrale thermique au charbon, appelée projet Ostrołęka C, au nom de la sécurité énergétique du pays. Mais pour les villes, le gouvernement devrait encourager les politiques en faveur des énergies renouvelables au niveau local. Nous nous sommes intéressés aux stratégies des villes polonaises en matière d’énergie et nous y avons vu beaucoup d’initiative, de l’ingéniosité et un grand désir de changement.

Patrycja Płonka de notre réseau frère, PNEC Polish Network “Energie Cités”, connaît bien la problématique du déploiement des énergies renouvelables au niveau local et sait ce qui marche et ce qui ne marche pas dans ce domaine. Il y a quelques temps, elle a débattu de ce qui se faisait de mieux en la matière avec des élus locaux, des entrepreneurs et des ONG dans le cadre de la Plateforme de Networking Renouvelables. De ce débat sur la production décentralisée d’énergie verte en Pologne Energy Cities a retenu 5 points, en espérant qu’ils puissent inspirer d’autres villes d’Europe de l’Est et inciter le gouvernement de Varsovie à revoir sa législation.

1) La transition énergétique ne peut se faire du jour au lendemain. Des efforts coordonnés à tous les niveaux de gouvernance sont nécessaires afin d’aller vers une énergie produite de manière plus décentralisée à partir de sources renouvelables locales.

L’économie polonaise est encore très dépendante des énergies fossiles. Cela n’a pas seulement un impact négatif sur le climat et l’environnement, mais également sur la sécurité énergétique du pays. Les énergies renouvelables sont encore perçues comme une production auxiliaire à la production d’énergie conventionnelle à grande échelle. Bien qu’il soutienne la production d’énergie renouvelable (EnR) à petite échelle, le gouvernement polonais est réticent à abandonner les énergies fossiles en tant que source principale d’énergie.

2) Les « pôles énergétiques » récemment créés pourraient changer la donne pour la transition énergétique polonaise mais leurs but, rôle et champ d’action restent à définir plus clairement.

Le gouvernement a récemment créé des pôles énergétiques au niveau national. Décrits comme des sortes de communautés énergétiques locales, ils ont pour vocation à satisfaire la demande énergétique à partir de sources locales, y compris renouvelables. Ces pôles rassemblent les principaux acteurs locaux, individus et personnes morales confondus, les collectivités locales, les instituts scientifiques et les centres de recherche. Un pôle ne peut couvrir au maximum que 5 municipalités ou un district. Ces pôles visent à améliorer la distribution d’énergie et la sécurité énergétique au niveau local et sont supposés créer un environnement favorable à l’introduction de nouvelles technologies.

Les pôles énergétiques n’en sont qu’à leur début et il a été observé que beaucoup n’avaient pas de vision claire ni d’analyse détaillée de la situation locale et régionale. Jusqu’à présent, 115 pôles énergétiques ont été créés. Ils ont déposé une demande de certification auprès du ministère et 33 ont été certifiés pôles énergétiques pilotes. Ces pôles énergétiques reconnus pour leur qualité doivent servir de modèles aux autres et proposeront des recommandations et études de cas basées sur leur propre expérience afin d’aider à la création de nouveaux pôles et améliorer le fonctionnement des pôles existants.

3) Les collectivités locales pourraient grandement bénéficier d’une définition juridique plus souple du prosommateur et d’une position renforcée vis-à-vis des entreprises énergétiques.

En Pologne, les collectivités locales commencent à voir les avantages de la transition énergétique. Elles s’intéressent particulièrement au développement des énergies renouvelables, que ce soit en produisant elles-mêmes ou en soutenant des projets d‘énergie citoyenne, mais elles ont besoin d’un cadre juridique favorable afin de développer leurs ambitions et mener à bien leurs projets. Inclure les collectivités locales dans la définition des prosommateurs est un bon début, mais cette définition est très stricte – les installations doivent faire moins de 40 kW pour être raccordées au réseau – et il existe un grand déséquilibre entre prosommateurs et entreprises énergétiques. Par exemple, un prosommateur qui injecterait sur le réseau plus d’électricité qu’il n’en consomme fait cadeau de la différence à l’opérateur du réseau.

4) Les collectivités locales polonaises devraient être encouragées à recourir plus fréquemment et de manière plus experte aux fonds privés, le gouvernement veillant à développer un environnement juridique adéquat afin d‘attirer les investisseurs.

Les collectivités locales polonaises ont, dans leur ensemble, facilement accès à des subventions non remboursables, qui constituent leur principale source de financement pour leurs projets d’énergie renouvelable. Mais au vu des installations déjà planifiées, tant dans le secteur public que privé, ces fonds ne suffiront pas à couvrir l’ensemble des investissements prévus. En mars dernier, le gouvernement a proposé d’amender la loi sur les énergies renouvelables afin d‘en retirer les mesures fiscales les plus dissuasives et lancer des enchères et un nouveau système de subvention. Cela garantirait aux producteurs d’énergie renouvelable un prix stable sur une période donnée. L’amendement a été approuvé par la chambre haute du parlement polonais en juin dernier et devrait éliminer les freins aux investissements dans l’énergie verte et aider Varsovie à respecter les objectifs européens en matière d’énergie renouvelable, signés par le Président polonais. Les banques peuvent également aider, par exemple en soutenant l’émission d’obligations vertes, mais d’autres options sont disponibles.

5) Les villes polonaises sont prêtes à redoubler d’efforts pour mener à bien leur transition énergétique et sont friandes de conseils d’experts, d’échanges internationaux et de formation.

Des ressources financières limitées ne sont pas la seule raison qui explique le faible déploiement des énergies renouvelables au niveau local. Les ressources humaines font également défaut, notamment lorsqu’il s’agit d’investir dans les EnR. Les villes polonaises manquent parfois des compétences et connaissances nécessaires pour préparer et mettre en place des projets d’énergie renouvelable. Quant aux établissements financiers, ils ne financeront pas ces projets s’ils ne sont pas bancables et les entreprises privées se plaignent souvent du manque de personnel compétent dans ce domaine.

Embaucher des personnes qualifiées et les former fait partie de la solution, mais le réseautage et les échanges d’expériences avec d’autres municipalités sont également très importants. C’est là que les ONG et les partenaires européens ont un rôle essentiel à jouer !

Découvrez les bonnes pratiques polonaises en matière de déploiement des énergies renouvelables :
Centrale géothermique de Uniejow
L’énergie solaire à Niepolomice

Cet article a été rédigé avec la contribution de notre partenaire Polish Network Energy Cities
©photos: PNEC