Le chauffage des bâtiments joue un rôle de plus en plus important dans la réalisation de l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. La refonte de la Directive sur l’efficacité énergétique, qui fait partie du paquet législatif présenté par la Commission européenne le 14 juillet dernier, prévoit en effet que les villes de plus de 50 000 habitants devront s’acquitter d’une obligation de planification en matière de chauffage. D’où l’importance pour ces villes d’avoir accès à des données qui leur permettront d’établir des plans pertinents.
Les villes ont souvent une longueur d’avance et certaines n’ont pas attendu pour prendre des mesures et rassembler de telles données. Disposer d’informations sur les ressources disponibles et les besoins en chaleur par secteur facilite en effet grandement le choix des solutions les mieux adaptées au contexte local (systèmes de chauffage individuel, réseau de chauffage urbain, etc.). Aux Pays-Bas, les méga données sont privilégiées depuis longtemps. Les entreprises de distribution d’énergie sont ainsi tenues de publier les données réelles de consommation de petits groupes de bâtiments, des informations très utiles pour les villes pour faire de la planification urbaine à l’échelle du quartier. Quant aux compagnies pétrolières et gazières, elles doivent partager les résultats de leurs études de prospection, ce qui permet aux villes d’avoir accès à des données qui leur permettent d’estimer le potentiel géothermique d’une zone. Plus récemment en Pologne, l’obligation pour les ménages de déclarer le système de chauffage qu’ils utilisent est entrée en vigueur le 1er janvier 2021.
Les données permettent de mieux comprendre la réalité et sont une réelle aide pour prendre des décisions durables et économiquement viables. Par exemple, la Ville métropolitaine de Milan souhaitait étudier les possibilités de rénover l’enveloppe du parc immobilier et promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables pour le chauffage et le refroidissement au travers du réseau de chauffage urbain[1]. L’école d’ingénieurs Politecnico di Milano, qui a réalisé l’étude sur le sujet, a rassemblé les données suivantes :
Les données recueillies ont permis de dégager deux grandes conclusions[2] :
Les données collectées ont permis à Milan d’identifier les zones les plus intéressantes, tant du point de vue de la densité thermique que du point de vue économique, puis d’étudier les synergies possibles avec les sources de chaleur disponibles. Bien entendu, des paramètres supplémentaires peuvent aider à affiner la modélisation, comme l’âge des bâtiments, les matériaux utilisés, la surface et la hauteur des bâtiments, ou les systèmes de chauffage utilisés. Car pour obtenir une bonne projection, la solution optimum consiste souvent à associer collecte directe et modélisation des données.
Pour plus d’informations, consultez le site du projet DecarbCityPipes 2050 ! |
Les
données sont donc une composante essentielle de toute planification thermique. Au Royaume-Uni, les collectivités locales
peuvent recevoir des subventions de la part d’une agence gouvernementale,
la Heat Network Delivery Unit, pour
réaliser des études de faisabilité et financer les premières étapes de leurs
projets d’infrastructure. Celles-ci comprennent la réalisation d’une
cartographie thermique, l’élaboration de schémas directeurs en matière
d’énergie, les études de faisabilité technico-économique et le plan détaillé du
développement du projet[3].
Toutes ces informations contribuent également à rassurer les investisseurs, en leur fournissant des informations
précieuses sur la viabilité des projets et les perspectives à long terme. Comme
le souligne un rapport de l’IRENA[4],
l’un des principaux obstacles à l’utilisation des énergies renouvelables pour
le chauffage et le refroidissement est l’insuffisance des données et des
statistiques sur les types et les quantités d’énergie nécessaires pour répondre
aux besoins de chauffage et de climatisation. La collecte de données est
également un moyen de favoriser la pénétration des énergies renouvelables dans le
secteur. Compte tenu de leur longue durée de vie, les infrastructures de
chauffage nécessitent une planification urbaine sur le long terme : et plus les
données sont précises, plus il sera facile d’en planifier la décarbonation.
Qu’est-ce
que cela signifie concrètement ? L’acquisition
de données est cruciale pour les villes, qui peuvent ainsi planifier leurs
réseaux énergétiques urbains et établir des cartes territoriales de chaleur
ainsi qu’un système de zonage. Elle
permet d’élaborer des scénarios de décarbonation possibles et d’en discuter
avec les parties prenantes et les citoyens. Mais il faut des ressources
humaines et une solide formation pour pouvoir utiliser ces données à des fins
de planification en matière du chauffage. Tous les États membres de l’UE
devraient s’inspirer des Pays-Bas, de la Pologne et du Royaume-Uni pour
supprimer les obstacles à l’accès aux données pour les villes et leur apporter
un soutien, tant technique que financier.
[1] Deep Demonstration: Milan. Atelier Energie du 4 février 2021.
[2] Spirito, G.; Dénarié, A.; Fattori, F.; Motta, M.; Macchi, S.; Persson, U. Potential Diffusion of Renewables-Based DH Assessment through Clustering and Mapping: A Case Study in Milano. Energies 2021, 14, 2627.
[3] IRENA, IEA and REN21 (2020), ‘Renewable Energy Policies in a Time of Transition: Heating and Cooling’. IRENA, OCDE/AIE et REN21
[4] IRENA, IEA and REN21 (2020), ‘Renewable Energy Policies in a Time of Transition: Heating and Cooling’. IRENA, OCDE/AIE et REN21