A la mi-septembre, une délégation d’expert·es en provenance de Stockholm et de Bruxelles et appartenant à l’équipe interdisciplinaire du projet Cities4PEDs s’est rendue dans la ville de Vienne. Leur mission : tester une méthodologie pour le développement de quartiers à énergie positive (QEP) dans trois quartiers viennois.
La tâche était loin d’être aisée. Tout d’abord, les expert·es ont dû mieux comprendre la structure administrative de la Ville de Vienne. Sur les 70 services de la ville, une vingtaine a à voir avec l’urbanisme, la planification urbaine, le zonage, l’énergie et le climat et autres domaines d’intérêt pour les quartiers à énergie positive. Ces services travaillent en étroite collaboration avec des dispositifs de rénovation urbaine comme WieNeu+, ainsi qu’avec des agences publiques externes comme Urban Innovation Vienna (UIV) pour faire de Vienne une ville plus vivable et neutre sur le plan climatique.
Viennent ensuite les quartiers eux-mêmes, qu’il s’agisse de nouvelles zones aménagées sur des friches industrielles ou de quartiers existants ayant subi des transformations. Ces quartiers sont très différents les uns des autres. L’un de ces trois quartiers a une population plutôt jeune, en grande partie issue de l’immigration. Environ 54 % de ses habitant·es n’ont pas le droit de vote ou ne l’ont que partiellement. Des îlots de chaleur, particulièrement dévastateurs pour les personnes âgées, y ont été identifiés. Le quartier se compose principalement de bâtiments résidentiels privés ainsi que de logements sociaux, avec une rue principale commerçante et quelques bâtiments commerciaux et industriels. Bien que fragmentaire, le réseau de chauffage urbain présente un potentiel de densification.
Comment transformer ce quartier en quartier à énergie positive ? Par où la ville de Vienne a-t-elle commencé ?
Et si ce quartier devenait un quartier à énergie positive ? Florian B. Stiller, du service technique à la rénovation urbaine de la Ville de Vienne, réfléchit quelques instants avant de répondre: « En fait, les quartiers ne disposent pas encore d’un plan d’action pour un processus de transformation à long terme. Pour pouvoir lancer des quartiers pilotes, la ville a créé le dispositif WieNeu+, dont la finalité est d’identifier et de mettre en œuvre de petits projets pilotes dans chaque quartier sur une période de 3 ans. Ces « succès vite gagnés » sont facilement reproductibles et contribuent à l’objectif de faire de Vienne une ville intelligente et neutre pour le climat ». Parmi les projets pilotes, citons, par exemple, la rénovation de bâtiments résidentiels dont les occupant·es ont montré un intérêt pour la transition énergétique, la mise en place de communautés énergétiques citoyennes, des « rues à énergie positive » reliées à un réseau de chauffage urbain étendu ou des mesures visant à végétaliser les bâtiments pour lutter contre les îlots de chaleur.
Pour l’équipe d’expert·es, la municipalité et les structures de quartier doivent unir leurs forces pour parvenir à une réelle transformation.
La Ville de Vienne doit en effet rendre son objectif de neutralité climatique d’ici 2040 plus tangible, par exemple au travers de plans techniques au niveau des quartiers. Pour atteindre cet objectif, il convient de répondre à des questions telles que : « Tous les quartiers ont-ils les mêmes objectifs ou certains d’entre eux doivent-ils viser plus haut en raison de leur potentiel d’économie d’énergie plus important ou de leur capacité à produire des énergies renouvelables ? » ; « Quelles sont les priorités de la Ville ? » ; « Quelles sont les mesures techniques les plus appropriées pour chaque quartier ? ».
Les structures de quartier (par exemple les centres sociaux ou les gardien·nes d’immeuble) qui bénéficient de la confiance des habitant·es, devraient diriger le processus d’analyse et d’engagement des citoyen·nes. Ensemble, iels pourraient créer une vision commune pour le quartier. Une vision qui refléterait les aspirations, les besoins et les inquiétudes des habitant·es concernant leur espace de vie (et pas seulement les questions liées à l’énergie ou au climat !). Une telle vision co-créée permettrait également de préserver l’identité culturelle et sociale de chaque quartier, renforçant ainsi l’engagement des citoyen·nes et l’adhésion au projet.
Cette « grille de lecture sociale » serait ensuite confrontée au « plan technique » au sein d’une plateforme permanente associant élu·es de la ville, élu·es du quartier, personnel municipal, associations du quartier et résident·es. Ensemble, iels fixeraient les priorités, les mesures spécifiques à mettre en œuvre et le calendrier, et en vérifieraient les avancées.
La Ville de Vienne est largement dépendante du gaz, qui fournit 41 % de l’approvisionnement en chaleur de la ville. Les projets existants, tels que la rénovation d’un bâtiment avec production intégrée d’énergie renouvelable à Geblergasse ou la construction d’un tout nouveau quartier à faible consommation d’énergie à Aspern Seestadt, prouvent que des solutions techniques existent sur le marché.
Aujourd’hui, le plus grand défi semble être la transformation de l’administration de la ville, dont la structure remonte à plus de 100 ans, et de ses relations avec les politiques, les acteur·rices locaux·ales et les citoyen·nes, qui doivent trouver de nouveaux moyens de relever, ensemble, l’un des plus grands défis du 21ème siècle.
A travers de cet exercice, les expert·es ont partagé leur expérience issue de deux années de recherche avec des outils qu’iels ont eux·elles-mêmes testés dans leur propre ville. Les trois villes travaillent désormais à valoriser ce savoir-faire en partageant leurs réflexions, ainsi que les outils spécifiques qu’elles ont créés afin d’aider d’autres villes à se poser les bonnes questions et à trouver des solutions pour un développement ambitieux des quartiers en termes d’énergie. Une tâche rendue possible grâce au projet Cities4PEDSfinancé par l’IPC Urban Europe.