Décarbonation des bâtiments : et si les villes s’inspiraient de la nature ?

Les municipalités étudient les possibilités pour offrir plus d'espace à la nature dans les villes grâce à une approche low-tech.


À propos

Auteur

Amélie Ancelle

Date de publication

11 janvier 2023

Le changement climatique cause des dommages irréversibles à notre environnement. L’adaptation, même si elle est un aspect essentiel de la nature, a ses limites – et nous nous en rapprochons sans cesse. Les conditions de vie sur Terre ont déjà été modifiées, nous avons dépassé plusieurs limites planétaires, de nombreuses espèces sont menacées, voire en extinction… L’impact humain sur la nature est dévastateur depuis des années. Ne serait-il pas temps de cesser de vouloir devenir « maîtres et possesseurs de la nature » et de regarder ce que la nature peut nous apprendre ? Si nous voulons sauver la planète (et nous-mêmes), il est urgent de changer de perspective, et cela commence par (dans) les municipalités.

De la déification de la technologie à sa maîtrise réelle

Nous nous cachons souvent derrière la croyance rassurante qu’une technologie providentielle nous sauvera : en attendant, rien ne change. La technologie est omniprésente dans notre vie quotidienne, répondant à des besoins que nous ignorions parfois. Cependant, ces besoins satisfaits sont-ils tous de même rang ? Quelle est la solidité d’un système lorsqu’il repose entièrement sur des technologies qui sont loin d’être infaillibles ? Comme le dit Florian Laboulais, du Labo de l’ESS, un think tank français : « Les technologies doivent être agiles, frugales dans l’utilisation des ressources et de l’énergie, accessibles au plus grand nombre afin de ne pas entraver l’autonomie des personnes ». L’analyste identifie quatre besoins essentiels à couvrir en permanence pour tou‧te‧s : se loger, se déplacer, accéder aux biens et services de la vie courante, produire et travailler. C’est là que le low-tech entre en jeu.

Être low-tech ne signifie pas être anti-technologie. Cela signifie changer de perspective et évaluer où la technologie apporte réellement une valeur ajoutée et où elle est moins utile, tout en considérant son impact environnemental. Si nous nous concentrons sur le logement par exemple, il y a trois impacts principaux : la production de déchets, l’occupation spatiale et l’artificialisation des sols. Les municipalités ont commencé à réfléchir à cette question, en envisageant des utilisations différentes des bâtiments par l’occupation temporaire des espaces, ou en explorant le concept d’urbanisme circulaire de Sylvain Grisot. En France, six grandes agglomérations (les métropoles de Bordeaux, Lille, Lyon, Paris, Poitiers et Strasbourg) ont décidé de mener des expériences sur la manière de déployer une approche low-tech qui réponde à cette question. À Bordeaux, la municipalité mène une expérience, La Fumainerie, avec 50 familles qui ont accepté d’installer des toilettes à compostage chez elles. Au-delà de la réduction de la consommation d’eau, l’idée est aussi de chercher des partenariats pour réutiliser les excréments pour l’agriculture locale. À Paris, l’initiative Bellastock stocke des matériaux provenant de bâtiments démolis et tente de trouver des chantiers dans un périmètre défini qui pourraient réutiliser certains de ces éléments.

De l’innovation à la régénération

La technologie low-tech n’en est qu’à ses balbutiements, mais les municipalités explorent déjà différentes possibilités pour mettre en œuvre cette approche visant à donner plus d’espace à la nature. Et si les villes commençaient à ressembler de plus en plus à la nature ?

Le biomimétisme est une approche interdisciplinaire qui utilise la nature comme modèle pour relever les défis du développement durable. En un mot, les modèles biologiques sont transposés pour une innovation au service d’une transition durable. Le CEEBIOS, centre de recherche et réseau français en biomimétisme, va encore plus loin : chaque projet de biomimétisme doit être régénérateur, créant un impact positif sur la nature et la société. Et il existe déjà de bons exemples, en Europe et ailleurs ! Les architectes s’inspirent des termitières pour l’inertie et la régulation thermique, des fleurs qui s’ouvrent et se referment en fonction du soleil et de la chaleur, des algues qui régulent la lumière et produisent de l’énergie… La nature est pleine de ressources !

Cependant, il existe encore un obstacle principal à l’accélération des concepts de biomimétisme dans les municipalités : étant une approche interdisciplinaire, le biomimétisme requiert l’implication de nombreux acteurs. Architectes, professionnel‧le‧s de l’environnement, biologistes – une grande variété d’acteurs qui ne parlent pas nécessairement le même langage. Pour surmonter ce problème, les projets font de plus en plus appel aux services de facilitateur‧rice‧s pour améliorer la collaboration entre les équipes, et certaines écoles d’architecture commencent même à proposer des programmes de biomimétisme.

Les collectivités locales peuvent intervenir pour favoriser cette approche multipartite et transformer tous les projets en projets régénérateurs. Dans le cadre des appels à propositions, les gouvernements locaux devraient déjà fixer cet objectif afin qu’il soit pris en compte dès le début des travaux. Reste la question des coûts. Etant donné qu’il s’agit d’une approche très récente, les données disponibles sont rares. Eduardo Blanco, de CEEBIOS, reconnaît qu’il y a généralement un coût supplémentaire puisqu’il faut ajouter au moins un‧e facilitateur‧rice à l’équipe pour favoriser les échanges entre les parties prenantes. Cependant, si l’on considère l’ensemble du cycle de vie, le biomimétisme implique une moindre consommation de matériaux et d’énergie, ce qui pourrait être un moyen d’équilibrer l’investissement.

À condition de mettre en place les bons dispositifs de soutien, les municipalités peuvent permettre d’accélérer la régénération des espaces urbains, en envisageant le logement dans une approche plus respectueuse et inspirée de la nature. Dans cette lutte contre le changement climatique, revenir à une approche plus locale fait écho au besoin de plus de nature. Il est temps de laisser la nature revenir dans nos villes et de voir comment elle peut aider les municipalités à réaliser une transition durable.

Pour en savoir plus, visionnez l’enregistrement de notre webinaire sur le low-tech et le biomimétisme !