Fin avril, l’ambition collective et les partenariats locaux étaient au cœur du Forum Energy Cities. Débats politiques, ateliers, visites d’étude et moments de réseautage ont fait la part belle à l’énergie communautaire. Revenons sur ces journées riches pour mettre en lumière certains des principaux points à retenir sur les énergies renouvelables locales !
Deux termes à retenir de la visite d’étude organisée par Energy Cities à Louvain avec l’aide de RESCoop.eu et de la municipalité le 20 mai : « persistance » et « expérimentation ». Nos guides Dirk Vansintjan (RESCoop.eu) et Stijn De Jonge (KU Leuven) nous ont fait visiter le complexe pionnier de Dijlemolens. Moulin industriel jusqu’en 1979, il fut réaménagé en 1985 pour accueillir des appartements. Déjà à l’époque, la communauté locale s’intéressait à la durabilité et aux énergies renouvelables, et souhaitait expérimenter des systèmes énergétiques innovants à l’intérieur du bâtiment. Un groupe de passionnés avait installé des chaudières solaires, une turbine à eau et une pompe à chaleur. Des problèmes techniques empêchant le système de fonctionner correctement, une chaudière à gaz avait été finalement choisie comme solution plus rentable. Néanmoins, le groupe de citoyens locaux avait pu apprendre beaucoup de cette première expérience et avait persisté, essayant de trouver des alternatives plus vertes pour alimenter le bâtiment au cours des décennies suivantes.
Écouter nos guides revenir sur leurs erreurs, sur les obstacles et la manière dont ils ont avancé et trouvé de nouvelles idées à chaque fois était très inspirant. Cette expérience leur en a appris suffisamment pour lancer avec succès d’autres projets locaux d’énergies renouvelables dans la ville et dans toute la région. Aujourd’hui, la municipalité utilise toujours le bâtiment comme terrain d’expérimentation pour les solutions renouvelables : un nouveau système de chauffage utilisera la rivière comme source d’énergie, créant un système aquathermique ouvert avec un échangeur de chaleur et une nouvelle pompe à chaleur. Le système sera complété par l’installation de panneaux solaires photovoltaïques, afin de réduire la facture d’électricité des résidents.
L’atelier « Co-concevoir des services énergétiques avec et pour les communautés vulnérables » a été l’occasion d’aborder trois questions clés liées à la précarité énergétique : les données et les outils numériques, les modèles commerciaux et les stratégies d’engagement. Un expert de la ville de Barcelone a présenté son approche innovante des données. Ces dernières étant considérées comme « le nouveau terrain fertile », la ville concentre leur génération et leur utilisation sur les connaissances publiques, les projets open-source et les collaborations entre de nombreuses parties prenantes : secteur public, entreprises, sociétés de technologie et universités, qui mettent les besoins des citoyens au centre de leurs préoccupations. Barcelone souhaite augmenter la production d’énergie dans les espaces publics et l’utiliser pour aider les communautés pauvres en énergie. Cependant, la municipalité est souvent confrontée à un manque de données pour de tels projets. : On a demandé aux participants à l’atelier s’ils consentiraient à donner gratuitement des données pour l’intérêt général, ou s’ils préféraient que le secteur privé s’occupe des données, en échange de quoi ils profiteraient de réduction sur leurs facteurs d’énergie… aucun consensus n’a été trouvé !
Le débat sur les modèles commerciaux était centré sur la manière de soutenir les projets locaux en matière de précarité énergétique. Financer de tels projets n’est jamais facile. Des représentants d’Energie Solidaire (France) et de la coopérative énergétique Ecopower (Belgique) ont fait part de leur expérience, montrant différentes solutions possibles, des cotisations des membres aux systèmes de financement croisé et de dons.
South East London Energy Community et la communauté croate Green Energy Community ont une longue expérience en matière d’engagement des foyers vulnérables concernant l’énergie communautaire : cafés énergie, consultations gratuites sur l’énergie et campagnes ne sont que quelques-uns des outils mentionnés pendant la séance. Néanmoins, elles doivent mobiliser beaucoup de ressources pour atteindre ces communautés et sont régulièrement confrontées à un manque de confiance vis-à-vis de leurs organisations et de leurs projets.
Si votre révolution énergétique laisse les gens sur le carreau, nous ne voulons pas en faire partie
Giovanna Speciale, Southeast London Energy Community
L’atelier était l’occasion idéale pour lancer le guide de communication signé Energy Cities et REScoop.eu, Community Energy Communications Guide, une publication qui aidera les acteurs locaux à développer des stratégies d’engagement et des campagnes réussies pour leurs projets d’énergie renouvelable !
Quelles tendances et stratégies post-2020 les villes et les communautés locales mettent-elles en place pour entamer une nouvelle ère de propriété partagée et de valorisation des systèmes énergétiques ? Comment la sécurité énergétique peut-elle aller de pair avec l’engagement des citoyens et le pouvoir des communautés ? Telles étaient les questions clés abordées lors du débat politique « La géostratégie de l’énergie : quelles nouvelles tendances en Europe ? ».
Dan Lert, adjoint à la maire de Paris, a évoqué les priorités actuelles de sa ville : réduire la consommation d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables dans le réseau. Selon la ville, membre du conseil d’administration d’Energy Cities, les politiques d’autonomie sont fondamentales pour garantir l’indépendance des villes dans leurs choix énergétiques, mais elles restent difficiles à communiquer aux citoyens. Devenir indépendant sur le plan énergétique est devenu d’autant plus important que la guerre en Ukraine a placé l’énergie au centre des débats sur la sécurité. M. Lert s’est fait l’écho de l’adjointe au maire de Budapest, Kata Tüttő, dont la ville connaît actuellement une insécurité d’approvisionnement énergétique.
En tant que villes, nous sommes en première ligne pour traiter les problèmes des citoyens. Mais d’une certaine manière, nos voix se perdent entre les niveaux régional et national.
Mario Rajn, Maire de Krizevci
La ville croate de Križevci entend devenir indépendante sur le plan énergétique d’ici 2030. Le maire Mario Rajn a expliqué la méthode adoptée par la ville et a souligné l’importance des partenariats ville-citoyens en matière d’énergie. Cela vaut surtout pour l’Europe de l’Est, où les gouvernements nationaux offrent peu d’aides et où les instruments financiers ne sont pas adaptés à ce type de projets. En effet, le représentant de la Commission européenne, Hans van Steen, a souligné à son tour l’importance que les villes ont prise ces dix dernières années pour atteindre les objectifs de neutralité carbone de l’UE : les dirigeants locaux sont bien plus ambitieux que leurs homologues nationaux. Des solutions sont déjà disponibles, et aujourd’hui plus que jamais, nous devons agir plus rapidement !