Égalité, émancipation des populations : les potentiels encore inexploités du potager

Edito politique par Claire Roumet


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Date de publication

22 juillet 2021

Quoi de mieux que de regarder un jardin s’épanouir pour commencer la période estivale ? Juillet marque le début des récoltes au potager ; bientôt viendront les jours fastes de la fin de l’été qui récompenseront les efforts des jardiniers.

La première « Coupe de France des Potagers » vient d’être lancée par la Fondation Landestini, mobilisant des équipes dans plus de 500 écoles dans l’objectif de placer l’alimentation et l’agriculture au centre des apprentissages, mais aussi comme moyen de se reconnecter au vivant. C’est une belle initiative qui s’inscrit dans une vague, une déferlante, de « retour » à la terre. Cette nécessité de se ressourcer et de reprendre en main notre destin, en contribuant à produire, directement là où nous vivons, une partie des biens qui comblent nos besoins vitaux, est un des grands changements accentués par la pandémie.

La tendance est déjà là depuis quelques années : les villes développent des programmes alimentaires avec les écoles, elles se posent la question de leur rôle dans la politique agricole, elles tentent de préserver les espaces cultivables en zone urbaine. Ces lieux de production locale sont aussi souvent des lieux de débats, voire de résistance à des projets d’urbanisation. La crise sanitaire a eu effet d’accélérateur. Pour tous, les restrictions de mobilité ont eu pour conséquence de changer notre regard sur le « local », sur notre environnement immédiat. Je suppose que les potagers urbains qui ont fleuris ces dernières années ne sont qu’une infime portion de ceux qui seront cultivés dans le futur. Un grand nombre de parcelles délaissées seront peut-être dépolluées par une activité végétale, pour ensuite devenir des lieux fertiles. J’ai appris dernièrement que les jardins ouvriers dans les corons du Nord de la France avait justement eu pour fonction première de régénérer les sols pollués par l’extraction minière (« Ensemble pour mieux se nourrir » Frédéric Denhez et Alexis Jenni, domaine du possible, Acte Sud, 2021).

Les villes ont un nouveau rôle « d’organisation du jardin », elles créent même des entreprises agricoles municipales. L’agriculture devient un axe majeur de la remunicipalisation. Pourtant se pose encore le problème de l’égalité entre les habitants devant ces carrés de jardins. Un jardin partagé peut être un puissant vecteur de cohésion sociale et un vrai lieu de mixité, mais la tendance à l’agriculture urbaine peut aussi favoriser l’émergence de nouvelles « communautés » restreintes qui risqueraient de faire de l’accès au jardin un privilège de plus. Il faudra donc outiller les politiques municipales avec des méthodes et des pratiques qui permettront d’assurer un vrai accès égalitaire à ce droit de produire et consommer des aliments de qualité.

Les produits alimentaires, comme l’énergie, sont des biens de première nécessité. Nécessaires à la vie. L’approche des jardins partagés est très similaire à celle des communautés d’énergie, qui elles aussi sont en train de fleurir partout en Europe. J’aimerais beaucoup qu’on organise partout sur le continent la « Coupe de la meilleure communauté d’énergie » ! Alimentation et énergie portent un fort potentiel d’émancipation, la promesse de reprendre en main son alimentation, de produire son énergie… d’avoir une prise sur son destin. C’est pourquoi les pratiques qui se développent dans ces deux secteurs peuvent se renforcer mutuellement, même si elles entrent parfois en conflit tout simplement parce que l’une comme l’autre requiert l’accès au foncier. Et l’occupation de la terre dans les zones urbaines est souvent source de tensions.

Peut-être que le modèle du « Community Land Trust » à Bruxelles (et en particulier leur dernière initiative d’une coopérative foncière, modèle déjà utilisé en France), pensé pour produire du logement abordable en partant du principe que le sol est un bien commun, est une piste à explorer plus amplement pour permettre aux villes de maitriser le foncier et en faire un vecteur d’émancipation pour la population locale qui déciderait alors quelles terres utiliser pour l’énergie, l’alimentation, voire l’habitat dont elle a besoin ?