En route vers une Europe de l’énergie autonome pour ses entreprises et ses citoyens

L’UE, ses États membres et les villes européennes sont bel et bien en passe d’arriver à un consensus


Au vu du contexte géopolitique actuel, les importations de gaz apparaissent comme le talon d’Achille de l’Europe à tous les niveaux de gouvernance (européen, nationaux et locaux). La solution ? Une énergie européenne pour les citoyens et les industries de l’UE.

-L’an dernier, 15 États membres appelaient à une nouvelle stratégie européenne pour la chaleur et le froid.

-En janvier, 10 États membres ont prôné l’interdiction, ou du moins d’importantes restrictions, sur le GNL russe.

-En février, le chancelier allemand en devenir, Friederich Merz, affirmait clairement le besoin d’indépendance de l’UE vis-à-vis des États-Unis (en 2024, l’UE a importé 51 mmc de GNL étasunien).

-Enfin, la Commission européenne a proposé un plan d’économie de 45 milliards d’euros en 2025 sur l’importation de pétrole et de gaz (avec pour objectif 130 milliards d’euros d’économies annuelles d’ici 2030).

Les villes européennes mènent la lutte pour la réduction de la consommation de gaz dans les bâtiments. 

Si Lyon a réduit les émissions de CO2 de ses bâtiments de 36,6 % au cours des quatre dernières années, un chiffre impressionnant, rien ne semble pouvoir arrêter le plan de Munich, centré sur une énergie géothermique zéro carbone. Jan Rosenow a signé un article formidable sur la manière dont d’autres villes allemandes entendent éliminer le recours au gaz

En tout, 21 des 27 États membres s’attaquent actuellement de front à la question de l’offre et de la demande de gaz en Europe. Pour les autres, les Pays-Bas ont déjà chargé leurs villes de démanteler leurs réseaux de gaz, la Belgique s’est abstenue de toute action nationale car ce sujet relève de la compétence des régions, la Bulgarie vit actuellement des troubles politiques à l’échelle du pays et la Hongrie a connu une forte croissance de  l’énergie solaire d’après de récents rapports.

« L’autosuffisance dans le secteur de l’énergie, comme dans les autres secteurs, est fondamentale pour l’avenir de l’Europe »

a expliqué clairement Sari Multala, ministre finlandaise du Climat, sur Politico.
Pays exigeant des actes en matière de demande (chaleur)Pays exigeant des actes en matière d’offre (importations de gaz)
Lettonie, Autriche, Chypre, Danemark, Estonie, France, Irlande, Grèce, Lituanie, Luxembourg, Malte, Portugal, Slovaquie, Slovénie, EspagneLettonie, Lituanie, Estonie, Finlande, Suède, Pologne, Tchéquie, Roumanie, Irlande, Danemark, Allemagne

Adieu au gaz

Ainsi, il existe un large consensus au niveau européen et entre les différents niveaux de gouvernance sur la nécessité de réduire de façon drastique la consommation de gaz. 

D’après l’AIE, les bâtiments de l’UE ont consommé environ 120 mmc de gaz chaque année entre 2011 et 2022. En 2023, l’UE a importé au total presque 100 mmc de gaz des États-Unis (dont 56,2 mmc de GNL) et de Russie (25,1 mmc par pipeline, 17,8 mmc de GNL).

En clair, remplacer les importations de gaz par une énergie européenne pour les citoyens européens permettrait d’atteindre l’indépendance énergétique vis-à-vis des États-Unis et de la Russie.

« Munich a fait d’importants efforts pour abandonner les énergies fossiles, motivée par des raisons climatiques, mais cela offre un avantage certain : nous dépendons toujours moins des marchés internationaux de l’énergie. Notre plan consiste à recourir à une énergie européenne pour chauffer les foyers et les entreprises de l’UE. »

Christine Kugler, cheffe du département de la protection du climat et de l’environnement de la ville de Munich, Allemagne.

Les énergies de remplacement du gaz varieront d’une ville à l’autre, d’une région à l’autre et d’un pays à l’autre.

Mise en œuvre de plans pour la chaleur et le froid au niveau local

S’ils sont faits correctement, les plans pour la chaleur et le froid des villes de plus de 45 000 habitants permettront d’identifier les ressources d’énergie bas carbone locale. La récente directive relative à l’efficacité énergétique demande en effet aux villes qu’elles identifient leur demande et leur offre en énergie et élaborent un plan pour abandonner les énergies fossiles.

L’électrification accomplira une bonne partie du travail, mais la chaleur de récupération, la chaleur géothermique, le chauffage par quartier, l’énergie solaire thermique et d’autres technologies ont aussi leur rôle à jour.

Ainsi, il est fondamental que la future stratégie de chaleur et de froid de l’UE réduise les obstacles à la mise en œuvre de la chaleur et de froid par quartier, ainsi qu’aux projets de géothermie. Ces projets ont par nature des coûts initiaux élevés, représentent un plus grand risque et exigent de nombreuses ressources en matière de planification et de gestion par les villes. Cependant, les effets en sont particulièrement bénéfiques : une résilience et une fiabilité accrue, une réduction des émissions et la création de nombreux emplois. 

Un risque persiste toutefois, celui de voir ces plans de chaleur et de froid au niveau local, pour certaines villes qui ne disposeraient pas des ressources nécessaires, ne pas être suivis d’effet, de voir ces plans rédigés en bonne et due forme par des consultants puis rangés sur des étagères numériques où ils prendront la poussière. L’UE doit donc élaborer des plans de chaleur et de froid pour des projets rentables et réalistes au niveau local en créant une « EU Heating and Cooling Facility » sur le modèle de l’initiative EU City Facility.

Par ailleurs, les États membres doivent absolument soutenir leurs villes dans l’élaboration et la mise en œuvre de ces plans. Il s’agira d’une part d’adapter la taxation de l’énergie pour favoriser la décarbonation du chauffage, et de transposer dans les plus brefs délais la directive relative à l’efficacité énergétique. En l’état, le processus de transposition est trop lent, comme en témoigne le baromètre de la transposition d’Energy Cities. Il est particulièrement inquiétant que pas un seul pays de l’UE ne dispose d’un cadre légal pour le froid. Or, le froid représentera un poids terrible sur notre système énergétique et la qualité de vie de millions d’Européens.

Depuis quelques semaines, le monde semble moins sûr qu’auparavant. Et cela ne devrait pas aller en s’améliorant.

L’énergie représente un enjeu central de la sécurité européenne. La dépendance au gaz est une de ses plus grandes faiblesses sur le plan stratégique. Nous avons cru que le GNL étasunien permettrait d’atténuer cette faiblesse, mais ce n’est plus le cas.

Aujourd’hui, il est devenu urgent d’atteindre une véritable sécurité énergétique en misant sur l’énergie européenne pour les familles et les entreprises européennes.

Heureusement, les villes innovantes et ambitieuses du réseau Energy Cities ont déjà fait de grands pas vers le système énergétique rentable, bas carbone, rentable et résilient dont nous avons besoin.