Energy Cities tire la sonnette d’alarme : Les États membres sont en retard sur la planification de la chaleur et du froid au niveau local

Pour fêter le premier anniversaire de la publication de la direction relative à l’efficacité énergétique, Energy Cities dresse le bilan de la transposition de la planification de la chaleur et du froid au niveau local.


La nouvelle directive relative à l’efficacité énergétique exige des États membres qu’ils veillent à ce que les villes de plus de 45 000 habitants élaborent des plans pour la chaleur et le froid au niveau local. Cette proposition peut CHANGER LA DONNE en matière de décarbonation du secteur, et fournir aux citoyens des conditions de vie plus saines, dans un environnement plus résilient.

D’après les dernières analyses d’Energy Cities, les États membres ne sont pas en mesure d’atteindre les objectifs de la directive, tardant à transposer l’article 25.6 sur les plans de chaleur et de froid au niveau local. 

  • 4 États membres se sont dotés d’un cadre législatif conforme à l’article 25.6 de la directive : les Pays-Bas, l’Allemagne, le Danemark et la Lituanie.
  • 1 seul État membre a officiellement transposé l’article 25.6 : l’Allemagne.
  • 13 États membres sont particulièrement à la traîne en matière de législation.
  • 2 États membres (Pays-Bas et Danemark) ont mis en place les soutiens financiers, techniques et humains adéquats.

Les États membres doivent accélérer et mettre en place un soutien nécessaire pour les villes, tandis que les institutions européennes, elles, doivent renforcer leurs efforts en la matière. Dans une lettre ouverte adressée au nouveau commissaire chargé de l’énergie (Dan Jørgensen), Mohamed Ridouani, maire de Louvain et président d’Energy Cities, a écrit : 

« Il est crucial que l’UE soutienne les villes dans leur transition énergétique. La Convention des Maires est un exemple réussi de partenariat entre les villes et les institutions européennes. Il reste fort à faire pour mobiliser les villes à travers toute l’UE et inclure toutes les communautés dans la transition. Augmenter massivement la production d’énergies renouvelables au niveau local est un premier pas important mais, pour atteindre nos objectifs, il est primordial de renforcer les capacités de décarbonation de  la chaleur et du froid au niveau local. » 

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Le meilleur et le pire

Energy Cities a analysé les cadres législatifs et les mécanismes de soutien à la disposition des autorités locales pour la planification de la décarbonation de la chaleur et du froid à travers les 27 pays de l’UE. Force est de constater des lacunes généralisées en la matière. Dans la plupart des pays, les autorités locales sont désemparées, à cause d’une assistance technique trop faible ou de soutiens financiers insuffisants. En Autriche, le soutien technique et organisationnel pour la planification de l’énergie au niveau local reste inégal, aussi bien en matière de contenus que dans sa répartition géographique, trop souvent fondé sur une approche par projet. La France, elle, a mis en place une structure innovante pour aider les projets de chauffage à travers un « Fonds Chaleur ». Toutefois, il n’existe aucune aide dédiée pour financer les ressources humaines des autorités locales pour la planification de la chaleur ou de l’énergie.

Cependant, Energy Cities a également identifié de bonnes pratiques que les États membres devraient adopter pour légiférer en faveur de la planification de la  décarbonation de la chaleur et du froid au niveau local, surtout dans le contexte de transposition de l’article 25.6 de la directive relative à l’efficacité énergétique.

Bonnes pratiques : les exemples allemand et néerlandais.

L’Allemagne est le premier État membre à avoir transposé la directive. Cette transposition implique des éléments clés tels qu’un calendrier modulable en fonction de la taille de la population (au-dessus ou en dessous de 100 000 habitants), et une approche en trois étapes pour l’élaboration de plans de chaleur et de froid au niveau local (analyse après inventaire, cartographie du potentiel renouvelable, et scénarios pour de futurs projets en matière de chaleur). Malgré un cadre législatif amélioré, de nombreux défis perdurent, dont un manque d’experts qualifiés, en particulier pour la planification, et des ressources financières limitées pour les villes de moindre dimension. L’Allemagne doit améliorer son système de soutien pour aider les villes à atteindre leurs objectifs. De façon générale, le soutien technique et financier est essentiel à la mise en œuvre réussie de la directive, un défi de taille pour la plupart des États membres.

Pour plus d’informations, consultez notre article.

Les Pays-Bas ont mis en place une structure de gouvernance multiniveaux efficace. un dialogue multiniveaux et des groupes de travail nombreux et variés ont permis une coordination forte entre les stratégies de décarbonation aux niveaux local, régional et national. D’après l’accord néerlandais sur le climat, les actions des villes en faveur de la transition de la chaleur devront être conformes à la stratégie régionale de l’énergie. Par ailleurs, les villes engagées dans le programme « Fini le gaz » reçoivent des fonds nationaux pour financer des postes liés à la planification de la chaleur. 

Pour plus d’informations, consultez notre article.

Certains pays du Sud sont à la traîne, mais d’autres montrent la voie

L’Italie a soumis un PNEC révisé, avec des ambitions à la baisse pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. L’Italie n’atteindra pas ses objectifs en matière de chaleur et de froid renouvelables sans un cadre législatif pertinent. Le pays devra fournir de nombreux efforts pour garantir aux autorités locales un accès à des ressources suffisamment précises et complètes pour l’élaboration de missions et de plans relatifs à la chaleur et au froid. La qualité et le type de données auxquelles ont accès les villes varient d’une région à l’autre. Les données sur la fourniture d’énergie sont souvent disponibles puisque les fournisseurs ont l’obligation de partager ces données. Cependant, elles sont rarement transmises dans un format harmonisé, si bien que leur exploitation entraîne des coûts supplémentaires.

L’Espagne n’est pas prête à mettre en œuvre l’article 25.6 de la directive. Cela nécessitera des changements de réglementation, une coordination améliorée et un renforcement des mécanismes de soutien. Soumise en 2023, la version temporaire actualisée du PNEC  comporte une mesure (2.10) sur la planification de la chaleur et du froid au niveau local pour être en conformité avec les nouvelles exigences de la directive en matière de planification (article 25). Cependant, elle ne définit ni échéance ni portée. La version finale du PNEC n’a pas été soumise à temps.

La France a publié  son PNEC actualisé en juillet 2024. Celui-ci couvre l’élaboration de plans pour la chaleur et le froid au niveau local. Toutefois, il n’aborde pas la question du degré de soutien apporté aux villes.  Les autorités locales françaises bénéficient d’un accès facilité aux données sur l’énergie, en particulier pour l’électricité, le gaz, la chaleur et le froid, et la consommation de carburant. Malgré un système de soutien relativement favorable aux politiques locales pour l’énergie et le climat, il n’existe aucun programme national dédié pour l’abandon des énergies fossiles dans le secteur de la chaleur et pour une planification de la chaleur et du froid stratégique et cohérente au niveau local. 

Recommandations

Les États membres ont encore un an pour transposer la directive relative à l’efficacité énergétique. Pour garantir une approche suffisamment ambitieuse, qui repose sur de bonnes pratiques, Energy Cities recommande les 8 éléments suivants :

  1. Définir des seuils – Développer un plan local est obligatoire pour les villes de plus de 45 000 habitants. Toutefois, il est recommandé d’adopter un seuil plus bas (par exemple, pour les villes de plus de 20 000 habitants) afin de doter une plus grande partie du territoire national de plans locaux. Par ailleurs, nous conseillons de veiller au soutien pour les villes engagées volontairement dans la planification de la chaleur et du froid et de fournir des ressources ad hoc selon les capacités des petites, moyennes et grandes villes. Le seuil devrait être adapté selon les contextes régionaux et nationaux.
  2. Annoncer un calendrier – La directive ne précise pas de calendrier pour l’adoption de plans locaux. Cependant, ces derniers doivent permettre d’atteindre les objectifs d’ici 2030, 2040 et 2050. Ainsi, il convient de les adopter bien avant 2030. La transposition nationale doit inclure un calendrier précis pour l’adoption de plans locaux. Il est possible d’ajuster ce calendrier en fonction de différents critères : taille de la ville, obligations existantes, etc.
  3. Synergie avec les plans existants – Afin d’éviter des lourdeurs administratives supplémentaires pour les villes, il est vivement recommandé de relier ces plans aux obligations existantes en matière de planification (plans pour l’énergie et le climat, plans urbains locaux, etc.) tout en revoyant dans le même temps ses ambitions à la hausse et aborder la question de l’utilisation de la chaleur et du froid (production, consommation, transport et distribution). Cela doit se traduire par un seuil de contrainte en fonction de la population des villes et un calendrier de mise en œuvre aligné sur les plans existants.
  4. Collecte et centralisation des données – La transposition de la directive doit faciliter la collecte et la mise à disposition des données sur l’énergie pour les autorités locales. La disponibilité des données est essentielle pour établir des diagnostics et mettre en place des scénarios de décarbonation des utilisations de la chaleur et du froid. Par exemple, on peut envisager de créer une plateforme centralisée collective, qui fournisse des ensembles de données (consommation d’énergie, parc immobilier, infrastructures, potentiel de production d’énergie renouvelable, etc.).
  5. Méthodologie structurée – L’article 25.6 établit les conditions de base pour le développement de plans locaux. Toutefois, la directive ne fournit pas une méthodologie complète ni de modèle. Pour garantir la qualité des plans, l’harmonisation des données et une gestion efficace, il faut que les villes suivent une méthodologie commune. Cela peut prendre la forme d’une approche à plusieurs étapes avec différents critères de sélection : définir ses ambitions et mobiliser les parties prenantes, analyser la situation actuelle, évaluer le potentiel de décarbonation, imaginer des scénarios, leur adoption, leur mise en œuvre et leur évaluation. La méthodologie pourrait également encourager une planification au niveau des quartiers. Cette méthodologie devrait notamment couvrir l’engagement des parties prenantes.
  6. Planification stratégique et spatiale – La transposition de l’article 25.6 devrait permettre aux autorités locales de développer des plans de décarbonation stratégique et spatiale pour différentes utilisations de la chaleur et du froid, qui prennent en compte les spécificités des territoires, le parc immobilier, et l’ensemble des vecteurs énergétiques (électricité, chaleur, froid, gaz). La transposition ne devrait pas se limiter à la planification centrée autour d’une ou plusieurs technologies (chauffage par quartier, énergie géothermique, etc.).
  7. Co-construction avec les parties prenantes – L’adoption et la mise en place de plans locaux nécessitent l’engagement de nombreux acteurs pour atteindre la neutralité climatique. Au-delà de simples consultations, la transposition doit permettre la co-construction de plans locaux pour l’énergie locale et régionale, le logement, la planification urbaine, l’industrie, et les acteurs du secteur tertiaire, ainsi que les citoyens et les consommateurs. Ainsi, on peut imaginer d’impliquer des habitants dans des projets d’énergie en développant un cadre législatif favorable à la création de communautés de l’énergie pour un chauffage renouvelable ou aligner la planification de la chaleur et du froid au niveau local avec la planification d’opérateurs d’énergie.
  8. Soutien technique et financier – La directive stipule que les États membres doivent soutenir les autorités locales et régionales dans la planification et la décarbonation de la chaleur et du froid. Sans ce soutien, il y a fort à parier que cette nouvelle obligation pour les autorités locales se limitera à un exercice administratif sans véritable impact sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les États membres doivent créer des centres de compétences nationaux pour accompagner les autorités locales et mettre en place des mécanismes financiers pour soutenir la planification et la mise en place d’actions dans le cadre des plans locaux.

En plus de la transposition de l’article 25.6, il convient de prendre des mesures nationales pour promouvoir les énergies renouvelables et abandonner les énergies fossiles. Cela peut passer par l’interdiction de l’installation et l’utilisation éventuelle d’équipements de chauffage à base d’essence, de gaz naturel ou de charbon. De plus, il est essentiel de planifier l’abandon progressif du gaz naturel et de garantir la réussite du déploiement des énergies renouvelables.

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