Grenoble – Le service public à l’heure de la sobriété

Comment une ville prend en compte la rareté des ressources pour penser l’avenir de ses services public


À propos

Auteur

Selma Guyon

Date de publication

18 décembre 2023

Cet article est issu d’un entretien avec Vincent Fristot, Adjoint Finances et Comptabilité écologique, transition énergétique à Grenoble en septembre 2023.

Il a été rendu possible grâce au soutien financier de l’ADEME.


De la sobriété sectorielle à la sobriété généralisée

Partout en Europe, la crise énergétique a mis la sobriété au goût du jour. A Grenoble, ville qui incarne l’écologie citoyenne depuis 2014, la crise a été l’occasion de passer d’une sobriété sectorielle à une sobriété généralisée.

« La crise [énergétique] a déclenché une sobriété généralisée » – Vincent Fristot

Jusque-là, les mesures de sobriété concernaient principalement l’énergie, et notamment l’éclairage public. Les diverses mesures mises en place par la municipalité (baisse de la température intérieure, climatisation à la demande…) ont permis d’économiser 1 million d’euros. Vincent Fristot souligne que la mise en place de ces mesures n’a demandé que peu d’investissements financiers.

Mais la contrainte économique n’a pas été la seule motivation. En effet, la crise énergétique s’est révélée être une véritable opportunité pour déployer de nouvelles politiques de sobriété structurelles. L’évidence de la rareté de certaines ressources (eau, énergie…) ont favorisé l’acceptation et l’engagement de tous les acteurs, dont les citoyens.


Gouverner la sobriété

La mise à l’agenda de la sobriété a modifié la manière dont la ville de Grenoble travaille en interne. La transversalité est devenue le maitre mot. La ville a créé de nouveaux postes transversaux pour la mise en place et l’évaluation des politiques de sobriété, pour favoriser l’innovation dans ce domaine et pour accompagner les associations. Les agents municipaux ont aussi été fortement impliqués. Une commission « Coordination, Anticipation et Réponse à la crise Energétique » (CARE), a été mise en place avec le directeur général des services et les adjoints rattachés aux ressources humaines et aux finances. Le suivi et l’évaluation des politiques de sobriété se fait donc au plus haut niveau de la commune. 


« Grenoble 2040 » une démarche de redirection écologique

La ville de Grenoble a souhaité tirer les leçons des crises passées (COVID-19, crise énergétique…) pour anticiper les crises futures et renforcer sa résilience. Depuis 2021 la ville a entamé une démarche nommée « Grenoble 2040 » pour définir ce à quoi pourrait ressembler une ville de demain, désirable et sobre. Cette démarche collaborative amène la ville à discuter avec les citoyens des changements à mener dans les services publics. Elle s’appuie notamment sur le modèle du donut, théorisé par Kate Raworth, qui amène à définir un espace sûr et juste pour l’humanité respectant un plafond environnemental, les limites planétaires, et un plancher social. Dans l’optique de redéfinir les trajectoires à emprunter, la ville a mis en place des « ateliers de redirection écologique » en collaboration avec des citoyens tiré.es au sort. Le résultat de ces ateliers est une feuille de route qui définit pour chaque domaine (transports, espaces verts, consommation…) ce qu’il faut abandonner, ce qu’il faut garder et ce qu’il faut modifier ou commencer. Cette feuille de route sert aujourd’hui de cap pour la redirection écologique à la ville de Grenoble.

« Il faut développer des services publics résilients avec des ressources en réduction, cela impose de faire des choix et peut-être de renoncer à certaines choses. Le renoncement c’est redéfinir ensemble les missions prioritaires avec parfois d’autres façons de faire. » – Vincent Fristot


Inventer des services publics sobres

Concrètement qu’est-ce que cela change pour la ville de Grenoble ?

Cette redirection écologique amène Grenoble à modifier ses arbitrages. La municipalité a décidé de fusionner deux projets voisins : celui d’une nouvelle école et d’une maison de quartier. La ville a construit l’école Simone Lagrange en prévoyant des salles et espaces dédiés aux activités de la maison de quartier. Cet exemple de sobriété foncière a été systématisé par la ville. La commission qui s’occupe de l’affectation des locaux aux associations doit aujourd’hui toujours chercher à maximiser les usages.

Un deuxième exemple, celui des piscines, illustre comment la redirection écologique rime aussi avec planification et anticipation de la raréfaction des ressources. En effet, la ville réfléchit à l’avenir de ses piscines municipales, des infrastructures qui consomment beaucoup d’eau et d’énergie mais qui jouent un rôle crucial en permettant à chaque citoyen d’apprendre à nager. En suivant la feuille de route des ateliers de redirection, Grenoble cherche désormais des solutions pour faciliter l’accès à un lieu de baignade avec un projet de lac ou sur les rivières du territoire.

L’exemple de Grenoble montre comment une ville peut mettre la sobriété tout en haut de son agenda politique. Loin de défendre un retour en arrière, la redirection écologique vers une ville sobre implique de collaborer étroitement avec tous les acteurs, des agents municipaux aux citoyens et de redéfinir les priorités. 



Vous voulez mieux comprendre la sobriété, ce qui la distingue de l’efficacité et découvrir le modèle du Donut ? Lisez notre glossaire « Décoder la sobriété »

Vous voulez en savoir plus sur ce que les villes européennes mettent en place en termes de sobriété et comment l’Union Européenne peut les soutenir ? Lisez notre dernier papier « Sobriété : le pilier manquant pour une Europe économe en ressources ».