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Date de publication

14 octobre 2022

Inspiré par Bruno Latour

En train de préparer mon édito sur l’agenda mouvant des politiques énergétiques européennes, une des dernières analyses du philosophe Bruno Latour, qui vient de nous quitter, résonnait sans cesse : « L’accumulation des crises actuelles permettent-elles à l’Europe de trouver enfin le sol qui correspond à cette formidable invention institutionnelle que l’on continue à présenter comme suspendue hors sol et sans peuple qui lui correspondrait ? » [1]. Sincèrement impossible à paraphraser, encore moins à synthétiser.

Pour Bruno Latour, l’Europe tient une opportunité unique de synchroniser son modèle, son mode de vie avec ses ressources propres.

En soit, ce n’est pas révolutionnaire, mais la traduction politique de cet objectif d’adéquation ressources / besoins (d’une Europe « doughnut » [2] qui resterait dans les limites de ses ressources) est révolutionnaire : c’est l’Europe en tant que Peuple, Nation et en tant que territoire, qui peut et doit surgir.

Aujourd’hui, nos dépendances sont en effet terriblement, douloureusement visibles.

C’est sur un territoire bien réel que notre quotidien est ancré. Et cette crise de l’énergie impacte chacune de nos actions quotidiennes. Comme l’écrit Geneviève Pruvost : « Sans politique du quotidien, sans reconstruction collective et radicale de notre subsistance, il n’y aura pas de société égalitaire ni écologique. » [3]

Semaine après semaine, on annonce des « Conseils européens de l’énergie d’urgence ».

Encore un cette semaine, un autre le 25 octobre, puis un nouveau en novembre… C’est totalement inédit. C’est toute la machine institutionnelle que cette crise transforme.  Aucun des mécanismes de négociations classiques ne peut être opérant dans cette configuration inédite. Cela pose plusieurs questions : Est-ce que cette nouvelle donne permet aux politiques énergétiques d’être « ancrées » ? Y a-t-il une place pour les territoires ? Quelle place pour la politique du quotidien ? Comment donner du pouvoir d’agir à chacun pour rester maitre de notre destin d’européen·ne ?

Malheureusement, si les agendas semblent bouleversés par l’urgence, les politiques peinent encore à se saisir des questions pertinentes.


[1] https://geopolitique.eu/articles/le-sol-europeen-est-il-en-train-de-changer-sous-nos-pieds/

[2] https://doughnuteconomics.org/

[3] https://journals.openedition.org/lectures/51439