La réhabilitation du parc de logements sera publique/privée ou ne sera pas

Article par Jordi Salvador Culí, Auditeur municipal de la Mairie d’Olot


À propos

Auteur

Jordi Salvador Culí

Date de publication

08 juillet 2021

Force est de constater que le parc immobilier, notamment les logements, nécessite des changements structurels en termes d’accessibilité, de sécurité et d’éco-efficacité. En Europe, beaucoup de ces bâtiments datent d’avant 1980. Ils ne répondent pas aux conditions d’habitabilité appropriées, fondées sur les normes et les besoins de la vie moderne.

La santé, la qualité de vie et la nécessité de préserver les conditions de la planète, c’est-à-dire son habitat, exigent des actions rapides, intelligentes et réalisables. Ces actions doivent également avoir un caractère universel. Or, c’est là que réside l’un des inconvénients de cette approche, à savoir la vulnérabilité économique de nombreuses familles. La réhabilitation ne peut être dissociée du reste. Les programmes doivent être entrepris au niveau des quartiers ou des zones urbaines spécifiques.

Le concept de subventions et d’aides n’est plus pertinent. Les ressources publiques ne doivent pas et ne peuvent pas supporter le coût des actions à mener. Plus que jamais, la collaboration public-privé est essentielle. Une collaboration largement débattue dans le passé, mais qui ne s’est pas encore concrétisée. Le secteur public se méfie des intérêts économiques du secteur privé ; et réciproquement, le secteur privé se méfie de l’inefficacité souvent évoquée du secteur public. Ces réticences doivent être surmontées au plus vite, en assumant le rôle qui correspond à chaque acteur impliqué. Il s’agit également de changer les règles qui permettent et légitiment cette collaboration si nécessaire et si propice à la réalisation de l’objectif.

Les propositions d’aide européenne ne permettent pas, en raison de leur faible montant, des interventions de réhabilitation de grande ampleur. La proposition de réhabilitation en Espagne doit passer de 25K € par an à 150K €, sur la base de réformes efficaces. Cette augmentation ne peut être réalisée avec une approche de type « business as usual », c’est-à-dire en suivant les canaux habituels. Un changement de paradigme est essentiel.

Certes, les pays européens, et notamment ceux du sud, recevront à plus ou moins brève échéance les fonds européens tant attendus pour la relance économique post-pandémique (Next Generation). Il n’en reste pas moins vrai pour autant que ces ressources ont un caractère temporaire alors que le besoin auquel nous sommes confrontés est structurel, conceptuel et culturel. Il convient de conserver ces ressources à long terme si l’on veut parvenir à une réhabilitation vaste, sûre, universelle et durable dans le temps. Qui plus est, on ignore comment ces fonds publics seront attribués, qui les distribuera et à quelles fins ils seront utilisés.

Des expériences initiées dans différents territoires en Espagne, dont certaines sont soutenues par la Commission européenne, méritent d’être mentionnées : EuroPace/« HolaDomus » dans la ville d’Olot (Catalogne), « Open Gela » en Euskadi, « Regenerate » à Menorca (Baléares) et « PACE » à Madrid, entre autres. Ces programmes visent à promouvoir la réhabilitation éco-efficace par le biais d’une collaboration public-privé, avec un financement abordable et en tenant compte des circonstances sociales (vulnérabilité économique). La situation réglementaire actuelle ne favorise pas son développement.

Le « superbonus » italien illustre parfaitement la situation en matière de fiscalité et de cession de crédits à des tiers.

Les administrations publiques, surtout locales, doivent être garantes des procédures. Elles doivent prioriser les actions inscrites dans leur tissu urbain, peuvent accompagner les actions à développer et doivent faciliter les procédures bureaucratiques (licences, permis…). En aucun cas, elles ne peuvent assumer la responsabilité juridique, économique et financière des programmes, et encore moins les développer de manière intégrale, sans oublier, logiquement, que la responsabilité de la planification urbaine et de son développement est publique. L’Administration locale a la possibilité de chercher à collaborer avec d’autres acteurs incontournables : Registres fonciers, notaires, Chambres de propriété urbaine… Ils peuvent également, en fonction de leurs possibilités budgétaires, ouvrir des voies d’aide pour les appels d’offres, notamment pour les situations de vulnérabilité économique, établir des abattements fiscaux dans leurs impôts, adaptés à la législation en vigueur, et même participer à des fonds de garantie sociale qui facilitent l’accès des bénéficiaires à des financements privés.

Des occasions d’adaptation législative ont été manquées, comme, tout récemment, celle de la rédaction de la loi 7/2021, du 20 mai, sur le changement climatique et la transition énergétique (LCCTE). L’article 8 de la loi sur l’efficacité énergétique et la réhabilitation des bâtiments aurait pu proposer un texte plus audacieux, plus propice et plus avant-gardiste. En fait, un amendement porté par les programmes « PACE » et « EuroPACE » a été débattu. Il proposait d’importantes modifications réglementaires pour parvenir à une position plus active et plus garante des organismes publics locaux : ledit amendement PACE (considération des contributions financières privées des programmes comme des avantages publics non fiscaux) et donc avec la prise en compte des recettes publiques avec toutes les prérogatives que cela implique. Cet amendement proposait également des modifications de l’article 78 de la loi fiscale générale (constitution de l’hypothèque légale tacite) et de l’article 74.5 du texte consolidé de la loi régissant les finances locales (extension du remboursement jusqu’à 50 % du montant total de l’impôt foncier pour la mise en œuvre de mesures éco-efficaces dans les propriétés).

Les techniciens et les universitaires de différents horizons qui ont travaillé et continuent de le faire dans ce domaine poursuivront leurs efforts pour faire avancer et légitimer l’amendement proposé. En effet, l’article 8.4 de la loi sur le changement climatique et la transition énergétique (Ley de Cambio Climático y Transición Energética, LCCTE) établit un délai de moins de 6 mois pour que le gouvernement élabore un Plan de réhabilitation de l’habitat et de renouvellement urbain, ce qui pourrait être l’occasion d’introduire les concepts envisagés dans l’amendement.

Le débat sur les changements réglementaires pourrait être étendu à la loi horizontale sur la propriété (communautés de propriétaires), à la loi générale sur les hypothèques (prérogative d’enregistrement des quotas « PACE »), à la loi sur la TVA (taux réduits dans les actions de réhabilitation éco-efficaces), à la loi sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques et sur l’impôt sur les sociétés (déductions fiscales), entre autres.

Les communautés énergétiques qui se forment pourraient aussi jouer leur rôle.

De nombreux facteurs convergent pour que nous ne manquions pas l’occasion de légitimer définitivement la collaboration public-privé et de faciliter le financement de la réhabilitation du parc immobilier selon des critères d’éco-efficacité et d’universalité, avec une attention particulière aux situations de vulnérabilité économique.