Depuis le rapport de Donella et Dennis Meadows en 1972, nous savons que la croissance a des limites, et qu’une croissance infinie dans un monde fini est impossible. Pourtant, la croissance économique continue d’obséder nos sociétés. Nous sommes prisonniers d’un mode de pensée qui scande « plus il y en a, mieux c’est » et prône la « croissance écolo », avec pour seul choix l’augmentation du PIB.
À l’instar du pacte vert européen, les politiques de haut niveau encouragent ce mode de pensée, n’apportant aucun changement à la manière dont s’organise l’économie de l’UE. La croissance économique est intrinsèquement liée à la hausse de la production, de la consommation et de l’utilisation des ressources. Or, notre modèle économique actuel affecte l’environnement à tous les niveaux et nous dépassons une à une toutes les limites de notre planète.
Aujourd’hui, les villes couvrent 2 % de la surface terrestre. Pourtant, elles consomment 75 % de tous les matériaux utilisés dans notre économie. De nombreuses villes ont pris conscience de leur impact négatif et se sont fixé des objectifs ambitieux pour réduire cet impact (réduction des émissions de CO2, développement des énergies renouvelables, diminution de la production de déchets et de la consommation d’énergie, etc.)
“« Par ailleurs, l’urbanisme est pensé pour la croissance et les villes sont des espaces de croissance. Croissance des terres, de la production, du nombre d’habitants et de la taille des logements. » (Planning degrowth, Laurens van der Wal, mars 2020). Les zones urbaines rivalisent pour attirer un capital humain hautement qualifié, des emplois et des activités économiques, dans le but d’apparaître sur la liste des villes les plus attrayantes d’Europe ou pour avoir la meilleure université.
Selon Tristan Riom, conseiller municipal et métropolitain à Nantes, « la plupart des villes n’acceptent pas leurs limites écologiques car celles-ci risquent de freiner leur développement. De toute évidence, les villes doivent à la fois se restreindre et ralentir leur métabolisme si elles entendent respecter leurs limites écologiques. L’attractivité peut être contreproductive et n’apporte pas nécessairement la prospérité recherchée au territoire et à ses habitants ». Le rapport 2022 du GIEC, et en particulier le chapitre 5 « Demande, services et aspects sociaux de l’atténuation », est une ode à la décroissance et à la suffisance, appelant à une réduction radicale de la demande. La décroissance consiste à réduire la production et la consommation, à accroître le bien-être humain et à améliorer les conditions écologiques et l’équité. Selon Tristan Riom, la décroissance nous incite à « repenser ce que nous considérons comme acquis ainsi que le rôle de l’économie ». Au niveau local, il faut que le débat sur ce qui doit croître et ce qui doit décroître soit mené sur tous les territoires.
Il faut un programme urbain de décroissance qui permette de rendre les villes plus autonomes, en s’éloignant d’un modèle unique. Chaque territoire devrait suivre sa propre voie. Il s’agit de mettre l’accent sur les besoins, les ressources et la solidarité au niveau local. Les villes doivent organiser des débats avec les citoyens, les entreprises et toutes les parties prenantes au niveau local, dans le but de redéfinir leur modèle de développement, à l’intérieur des territoires et dans leur relation aux autres territoires. Ainsi, tous pourront reconnaître collectivement leurs limites écologiques, telles que définies dans le modèle économique du donut, et délibérer de manière concertée sur le type d’activités qui devraient croître ou décroître.
Une ressource non réglementée en tant que bien commun le sera par le prix. Cela s’applique en particulier au logement. La financiarisation du marché du logement et la spéculation immobilière ont conduit à des prix élevés, inabordables pour la majorité de la population urbaine. Un logement sans but lucratif, abordable, devrait être la nouvelle norme. Mais les autorités auront bien du mal à reprendre le contrôle du marché du logement sans l’intervention des gouvernements nationaux. Toutefois, elles peuvent d’ores et déjà reconnaître le problème et tester de nouveaux modèles à reproduire à plus grande échelle.
Pour en savoir plus sur le concept de la décroissance, consultez ces ressources suivantes :
Cette publication fait partie de la série d’articles « Décoder la suffisance ». Abonnez-vous à la lettre d’information « Sobriété et justice sociale au cœur de l’économie locale » pour lire nos prochains articles.