Voyage au pays du donut

Partons à la rencontre de la municipalité d’Amsterdam et de ses acteurs locaux


Grâce à l’économiste anglaise Kate Raworth, cette pâtisserie américaine est devenue le symbole d’une économie qui promeut la prospérité dans les limites planétaires. La ville d’Amsterdam a été la première à s’emparer du concept, dès 2020, afin de renouveler sa stratégie de ville 100% circulaire en 2050, dans une approche de plus en plus intégrée.

Sylvie et Blandine d’Energy Cities, avec une délégation de 20 personnes représentant 10 collectivités locales françaises et une suisse, sont parties à la rencontre de la municipalité d’Amsterdam et de ses acteurs locaux.

Terre de collaboration et de compromis

En arrivant, nous comprenons vite que la capitale des Pays-Bas (873 000 habitants – 1 700 000 dans l’agglomération), comme le pays tout entier, a su inventer et préserver son territoire en le gagnant sur la mer grâce à un ingénieux système de digues et de pompage. Si le pays est particulièrement vulnérable au réchauffement climatique, la culture du compromis et de la négociation ont ponctué son histoire. Et ceci n’est pas une anecdote, mais structure la manière dont la négociation s’établit entre les parties prenantes. Et en matière de Donut c’est très important !

En avril 2020, en pleine crise sanitaire, le conseil de la ville d’Amsterdam déclare vouloir baser sa stratégie sur ce modèle économique pour « rendre l’économie de la ville totalement circulaire d’ici 2050 en commençant par réduire de moitié l’utilisation des matières premières en 10 ans ».

Pour cela, la ville a élaboré son portrait « Donut », déclinaison locale du modèle économique de Kate Raworth. La principale difficulté fut de définir les indicateurs sociaux, souvent très complexes à appréhender.

La ville a également consulté les citoyens et peut s’appuyer sur la « Coalition du Donut d’Amsterdam », un réseau de « change makers » qui regroupe une vingtaine d’associations de quartier, d’ONG, de PME ou d’universités, qui se sont également emparés du concept pour agir.

Le Donut sert ainsi de stimulus à la collaboration intersectorielle, au sein des services municipaux et avec tous les acteurs du territoire.

3 secteurs ou chaines de valeur sont concernés :

  • l’alimentation, avec la chasse au gaspillage
  • les biens de consommations
  • le secteur de la construction

Pour ce dernier, la ville promeut l’utilisation de matériaux plus durables, tels que le bois, et a introduit des« passeports matériaux » qui identifient chaque élément du bâtiment pour faciliter sa réutilisation ou son recyclage ultérieur.  

Nous avons visité le premier bâtiment municipal circulaire d’Amsterdam – le restaurant « De Vondeltuin » – situé dans un magnifique parc au cœur de la ville. La toiture est par exemple recouverte de bois provenant de vieux arbres d’Amsterdam et les murs en pierre naturelle sont constitués d’anciennes bordures de trottoirs. Les encadrements de fenêtre et les toilettes proviennent de la démolition d’un autre bâtiment… Et le béton employé sur le site est recyclé à 50%.

Certes, quelques règles ont dû être enfreintes pour mettre en place ces principes d’action de manière volontaire, mais « si on a peur de tout, on ne fait rien » résume Arno de Wijn, responsable du projet.

Le Donut en action à Gaasperdam

Plus tard, dans le quartier populaire de Gaasperdam, au sud-ouest de la ville (33 00 habitants dont 54% vivent en dessous du seuil de pauvreté), nous découvrons une application très concrète de la théorie du Donut. Nous sommes accueillis au Green Hub, où Anne Stijkel et ses collègues de la fondation COCRATOS nous expliquent avec enthousiasme comment ils se sont emparés du Donut pour en faire un outil social, au profit des habitants du quartier… Ainsi est né le concept des donut deals : il s’agit d’un ensemble d’accords de coopération entre deux ou plusieurs organisations qui abordent ensemble au moins 1 thème de « l’extérieur » du Donut (le plafond écologique) et au moins 3 thèmes de « l’intérieur » (la base sociale). C’est ainsi que des organisations, entreprises et citoyens coopèrent pour mener localement des actions pour le bien de la communauté et en cohérence avec les limites planétaires.

Parmi les 8 donut deals réalisés à ce jour, nous avons pu visiter un mini-digesteur pour la production locale de biogaz. L’installation méthanise les déchets alimentaires du principal restaurant du quartier, et l’a rendu autonome en énergie grâce au biogaz produit. Bénéfice secondaire : faute de déchets alimentaires dans les poubelles, les rats disparaissent du quartier !

Faire la ville ensemble

Notre dernière matinée a été consacrée à la visite du centre de création et d’innovation social Pakhuis De Zwijger, situé dans une friche réhabilitée de l’ancien port d’Amsterdam.

Le directeur et fondateur de ce lieu si inspirant, Egbert Fransen, nous expose sa vision et sa philosophie de travail : le Pakhuis est une ONG, véritable vivier créatif sur toutes les questions urbaines, de démocratie locale et de durabilité. Son but est d’aiguiser l’esprit critique par le dialogue avec tous. Toute l’année, cinq soirs par semaine, des évènements et rencontres sont proposés gratuitement à tous les habitants d’Amsterdam. La journée, les espaces sont loués pour des colloques et autres événements privés, garantissant ainsi à l’association son indépendance financière (sur un budget de 2 millions d’euros, seuls 500 000 euros de subvention proviennent de la municipalité). Plusieurs personnes de l’équipe font partie de la coalition du Donut et l’ONG a deux antennes situées dans les 2 quartiers les plus défavorisés de la ville pour une participation du public plus inclusive.

« Merci pour ce voyage d’étude proposé et judicieusement préparé par Energy Cities. Cela permet de prendre du recul, de partager et de s’enrichir d’approches inspirantes, de faire réseau…pour revenir adapter les solutions et les projets aux réalités de nos territoires. Le partage fait grandir, et avancer nos politiques ! »

Elizabeth Debeunne

Vice-présidente Grenoble Alpes Métropole
Economie sociale et solidaire, économie circulaire

« Ce voyage nous a permis à la fois de toucher du doigt le début de la mise en œuvre concrète de la théorie du donut et d’échanger dans le groupe sur nos expériences autour de l’économie circulaire, cela nous ouvre des perspectives pour la transformation indispensable de nos collectivités. » 

Jean-François Rochedreux

Vice-président délégué à la Collecte et au traitement des déchets, au Plan climat territorial et à l’Économie circulaire
Conseil communautaire du Grand Albigeois

Ce voyage a été possible grâce au soutien de l’ADEME.

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