« Nous n’avons plus besoin de canalisations (de gaz) dans les aires résidentielles »

Le choix de la simplicité : une municipalité suisse tourne le dos au gaz naturel


Tourner la page du gaz naturel est d’abord une question d’ambition. Les habitants de Winterthur, une ville des alentours de Zurich, en Suisse, ont voté en faveur d’un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2040.

« La décarbonation des infrastructures de chauffage est relativement simple d’un point de vue technique. Nous disposons déjà de solutions de remplacement techniquement matures, telles que les pompes à chaleur. La décarbonation de l’aérien, par exemple, est un enjeu bien plus complexe », explique Stefan Fritschi, responsable des opérations techniques de la municipalité. « Environ un tiers des émissions de CO2 sont dues aux infrastructures de chauffage. Atteindre un objectif de zéro émission nette est irréalisable si nous continuons à utiliser autant de combustibles fossiles. »

« Le biogaz, le méthane de synthèse, mais aussi l’hydrogène font partie des sources d’énergie de demain. Mais elles ne serviront plus au chauffage domestique, elles sont bien trop précieuses pour ça. »

-Stefan Fritschi, responsable des opérations techniques de la municipalité de Winterthur, Suisse.

Pour sortir du trou, vous devez arrêter de creuser. Cela signifie cesser d’investir dans le gaz de ville tout en préparant le futur des infrastructures de chauffage.

« Nous prenons des dispositions depuis des années afin que cette transformation coûte le moins cher possible. Par exemple, nous ne réalisons plus de nouveaux raccordements au réseau de gaz depuis plusieurs années. De même, nous n’injectons plus d’argent dans le gaz de ville, sauf en cas de nécessité, pour des raisons de sécurité. Nous dépensions auparavant plus de trois millions par an dans le réseau gazier. Aujourd’hui, nous sommes descendus à moins d’un million. Parallèlement, nous comptons investir massivement dans de nouvelles infrastructures de chauffage à l’échelle urbaine au cours des prochaines années. »

Ne serait-il pas plus simple de généraliser le recours au biogaz ou à l’hydrogène ?

« Le biogaz, le méthane de synthèse, mais aussi l’hydrogène font partie des sources d’énergie de demain. Mais elles ne serviront plus au chauffage domestique, elles sont bien trop précieuses pour ça. L’industrie nécessitera très probablement de grandes quantités d’hydrogène, mais ces nouvelles utilisations ne requerront plus le maintien d’un réseau de canalisations de gaz dans les aires résidentielles. »

La transition des chaudières au gaz naturel vers un réseau de chauffage à l’échelle urbaine se fera-t-elle d’un seul coup ou graduellement ?

« L’objectif est de désaffecter environ la moitié du réseau de canalisations d’ici 2033, puis 30 % supplémentaires d’ici 2040. En d’autres termes, en 2040, le réseau ne représentera plus que 20 % de sa longueur actuelle.

Les canalisations restantes serviront uniquement au transport de gaz renouvelables. Cela devrait représenter environ 150 gigawatts-heures. Ces gaz renouvelables seront utilisés là où ils seront le plus nécessaires, par exemple pour la production industrielle ou pour répondre aux pics de consommation en matière de chauffage. »

« Commencez le plus tôt possible. Plus vous aurez de temps, plus la transition sera simple et moins elle vous coûtera cher. »

-Stefan Fritschi

Par comparaison, où en êtes-vous aujourd’hui ?

« Nous disposons d’un réseau d’environ 220 km de canalisations. Le gaz naturel est à l’heure actuelle la principale source d’énergie de Winterthur en matière de chauffage. Avec une demande annuelle d’environ 450 gigawatts-heures, il représente bien 40 % de la consommation. »

Les particuliers propriétaires de leur logement s’inquiètent-ils de ce changement ou des coûts irrécupérables liés à leur chaudière ?

« Nous annonçons la désaffectation du réseau de gaz naturel avec 10 ans d’avance. Cela laisse le temps à la vaste majorité des consommateurs de mettre en place une nouvelle solution. La durée de vie moyenne des systèmes de chauffage étant estimée à 20 ans, près de la moitié d’entre eux devront de toute façon être remplacés au cours de ces 10 ans. Les propriétaires seront sinon dédommagés à hauteur de la valeur résiduelle de leur chaudière au moment de la mise hors service des canalisations. »

Un dernier conseil pour les autres villes ?

« Commencez le plus tôt possible. Plus vous aurez de temps, plus la transition sera simple et moins elle vous coûtera cher. Si vous ne disposez que de cinq ans pour désaffecter votre réseau de gaz, ce ne sont pas la moitié mais les trois quarts des systèmes de chauffage qui devront être remplacés prématurément. »