Un pacte pour le climat qui nous réconcilie avec la technologie

“Jim, ton micro est éteint.”

“On peut te voir, Jim, mais on ne t’entend pas.”

“ Je vais lui écrire qu’il n’a pas allumé son micro.”

“ Veuillez m’excuser. Apparemment, j’étais en silencieux. Un vrai luddite ! Comme je vous le disais…  ….”

Si la langue anglaise contemporaine désigne avec le terme « luddite » une personne fâchée avec la technologie, nous sommes bien loin du mouvement populaire violent apparu au XIXème siècle en Angleterre en réaction à la révolution industrielle.

Mais pourquoi parler de la révolution industrielle dans un article sur le pacte européen pour le climat ?

Au début de l’année, Frans Timmermans avait comparé « l’imminente transformation (du pacte vert pour l’Europe) aux effets néfastes de la révolution industrielle », aussi il est nécessaire d’étudier ces effets afin de comprendre ce que doit être le pacte pour le climat et les actions à mettre en œuvre pour le mener à bien.

Les luddites étaient une organisation secrète qui, pour protester, détruisait les machines textiles, et en venait ponctuellement au meurtre. N’allez pas croire qu’ils ne comprenaient pas la technologie. Bien au contraire, ils savaient pertinemment que la technologie textile représentait une menace directe pour leur gagne-pain et le bien-être de leurs familles.

Le mouvement luddite et l’importante contestation sociale constituaient une réponse aux changements d’une seule industrie : le textile. Le Pacte vert pour l’Europe, lui, affecte simultanément d’innombrables industries et aspects de notre vie. Personne n’y échappera. La plupart des changements seront accueillis à bras ouverts. Mais il y aura très certainement une frange de la société qui aura une réaction semblable (toute proportion gardée) à celles des luddites face au pacte vert, car la vie et celle des familles en pâtiront à court terme.

Demain, tous luddites ?

Ainsi, la première leçon à tirer du XIXème siècle pour le pacte pour le climat est d’écouter, de comprendre et d’expliquer ces changements, en restant prêt à les modifier, pour s’assurer que personne ne sera laissé pour compte.

Mener des actions au niveau local

Le seul moyen de garantir la compréhension nécessaire et de mener des changements avec la sensibilité adéquate consiste à concevoir le pacte vert et le pacte pour le climat de bas en haut à partir d’actions locales par les collectivités.

Nous devons rassembler les plus de 10 000 membres de la Convention des Maires et leur permettre de travailler avec tous les acteurs de leurs communautés pour construire la confiance et la compréhension nécessaires au changement.

Réponse coordonnée de la part des instances locales, régionales et nationales

Alors qu’une réaction locale aurait fini par calmer les luddites, la réponse en force au niveau national, avec des procès pour l’exemple et d’exécutions, aurait pu attiser les tensions. En définitive, Lord Byron compta parmi les quelques parlementaires qui votèrent contre la sanction du « bris de machine » par la peine capitale.

Une nouvelle gouvernance pour la Convention des Maires doit aller de pair avec un engagement analogue de la part des autorités provinciales et nationales. En alignant les actions, les ressources et les institutions à nos différents niveaux de gouvernance, nous préparons un meilleur terrain pour le changement. Pour parfaire le tout, une ligne budgétaire de l’UE devrait être spécifiquement dédiée au soutien d’un modèle de gouvernance autour de l’action pour le climat, en fournissant aux collectivités locales et régionales les ressources adéquates pour coordonner ce processus.

Voir au-delà de l’immédiat (emploi ou énergie)

La révolution industrielle a balayé les contrats sociaux existants. Il ne s’agissait pas simplement de perte d’emploi, cela remettait en question le bien être des familles et des générations futures. (Vous trouverez ici un article remarquable sur le dilemme auquel font aujourd’hui face les mineurs de charbon roumains :  https://www.politico.eu/article/coal-miners-wary-of-a-greener-future/)

Les collectivités locales et leurs communautés vont devoir adopter de vastes pactes pour la résilience locale. Ces pactes seront renforcés par de nouveaux modèles socio-économiques fondés sur des processus circulaires plus participatifs, des chaînes d’approvisionnement en circuit court et des liens repensés entre les citoyens et leur environnement local.

En ancrant le pacte vert pour l’Europe au niveau des communautés, avec des citoyens, des entreprises et des écoles plus déterminés à mener, plutôt que de subir, le changement, nous pouvons aller plus vite et plus loin que nous ne l’imaginions jusqu’à présent.

Notre avis détaille la manière dont le pacte pour le climat doit évoluer afin d’exploiter le potentiel de notre société et de cette transition. Il paraît évident que tous les acteurs de la société et toutes les technologies devront être mis à contribution pour que la transition se fasse de la manière la plus rapide et positive possible.

Heureusement, nous disposons des enseignements tirés des luddites et d’un avantage incroyable aujourd’hui grâce aux technologies numériques. Des technologies développées grâce au travail d’Ada Lovelace, fille de Lord Byron et première programmeuse de l’Histoire.