Les leçons de Louvain : de grands espoirs, de grands risques et une cité médiévale comme chantier moderne.

Michèle Jacobs, chargée des relations avec les acteurs de Leuven 2030

Michèle Jacobs

À propos

Nom

Michèle Jacobs

Fonction

Responsables des acteurs de Louvain 2030

Lieu

Louvain, Belgique

Site internet

www.leuven2030.be

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« Je le fais pour mes enfants ;  je veux être capable de les regarder dans les yeux et leur dire que j’ai essayé de faire quelque chose et que notre famille aussi ».

Nous sommes à la moitié de notre entretien avec Michèle Jacobs lorsqu’elle lâche ces quelques mots. Prononcés sur le ton de la conversation, ils me laissent sans voix. Ce n’est pas une déclaration, ni un cri de ralliement – juste une vérité inexorable aux multiples implications. Mais ils sont également révélateurs de ce que cette femme essaie de faire : transformer Louvain en une vitrine de la transition énergétique partagée.

Michèle Jacobs, chargée des relations avec les parties prenantes de Leuven 2030

Louvain est une cité médiévale de 100 000 habitants, à 20 minutes à peine de Bruxelles. C’est une ville ancienne dont l’université a été fondée en 1425 et qui accueille aujourd’hui – et ce n’est peut-être pas un hasard – l’une des plus grandes brasseries au monde. Mais c’est également la ville où est né Leuven 2030, une ONG qui vise à inciter la société civile, les entreprises, la collectivité locale et les institutions du savoir à s’approprier l’action climatique dans leur secteur et transformer ainsi Louvain en une ville neutre du point du vue du climat. Un programme ambitieux dont la réalisation incombe à  une équipe d’une vingtaine de personnes dont Michèle Jacobs fait partie, en tant que chargée des relations avec les parties prenantes.

A Louvain, cela signifie engager les citoyens dans une approche participative (bottom-up) mais également savoir quand changer de braquet et passer à une approche plus directive (top-down) pour gagner en rapidité. Mme Jacobs est également en charge de s’assurer que les PME locales, les grandes entreprises, l’université, le personnel municipal, les écoles et toute personne concernée puissent avoir voix au chapitre et s’engagent à changer.

« La résistance au changement s’observe chez toutes les parties prenantes. Car cela revient à changer nos habitudes, notre façon de vivre, ce que nous considérons comme normal. Les personnes peuvent parfois se sentir attaquées et c’est toujours « l’autre » qui a besoin de changer » explique Mme Jacobs. « Ce qu’il faut, c’est un changement plus systémique ».

Cette spécialiste en sciences politiques a travaillé dans le domaine du développement social local à Bruxelles pendant 8 ans afin de rejoindre Leuven 2030.

« La sagesse des foules m’a toujours intéressée, ainsi que tout ce qui peut émerger de la base » affirme Mme Jacobs. « Mais nous avons réellement touché les limites du bottom-up en jouant notre rôle en tant qu’association. Ce rôle a évolué au fil des ans. Ce qui a commencé comme un mouvement issu de la base est devenu plus vertical à mesure que nous avons demandé à des experts de participer au processus d’élaboration de la feuille de route. Maintenant que nous approchons de la phase de mise en œuvre, nous souhaitons élargir de nouveau le processus. Notre équipe est restreinte et nous devons rester un accélérateur, plutôt qu’un inhibiteur. »

Et lorsqu’elle décrit comment Leuven 2030 entend être un accélérateur cela fait rêver.

« D’ici 2050, nous voulons plus de vélos et de tramways, des maisons et des bâtiments climatiquement neutres, plus de verdure dans l’espace public, avec des jardins potagers sur les toits et à tous les coins de rue, des panneaux photovoltaïques en toiture et des rues plus vivantes avec des cafés/ateliers de réparation et d’autres initiatives de la sorte, d’autres réponses technologiques dont nous n’avons pas connaissance aujourd’hui ».

Le chemin pour y parvenir, cependant, comporte à la fois des risques et des opportunités.

Mais ce n’est pas sur les changements immédiatement visibles sur lesquels elle souhaite s’attarder.

« Les changements systémiques dont nous avons besoin dans différents domaines (transfert modal, déchets, consumérisme et égalité sociale) sont plus difficiles à percevoir. Mais nous ne pourrons y arriver que lorsque nous aurons atteint une réelle égalité sociale – à tous les niveaux. Faute de quoi nous ne ferons que polariser la société. Il faut pouvoir embarquer tout le monde avec nous. Et ce n’est pas seulement Louvain, mais toutes les villes, qui doivent s’y mettre ».

Louvain contribue à cet effort collectif en aidant d’autres villes en tant que « ville phare » du projet Tomorrow, un projet qui vise à partager les bonnes pratiques de villes pionnières dans toute l’Europe.

Je lui fais remarquer que l’ampleur des changements peut sembler incroyablement intimidante.

« C’est vrai, mais je ne pouvais m’imaginer faire autre chose, et je n’apprécie rien tant que d’être à la manœuvre pour faire avancer ce projet. J’apprends constamment. »

L’une des plus grandes leçons a été de tenir les habitants informés et mobilisés, sans pour autant les épuiser tout au long de cette entreprise homérique.

« Toutes les parties prenantes n’ont pas besoin d’être impliquées dès le départ. Notre approche consiste à faire participer les gens par l’action. C’est notre vision. Nous ne voulons pas nous contenter d’informer et de sensibiliser, nous voulons y associer pratique et action.”

Et c’est bien l’action qui fait défaut dans le monde actuellement.