Quelle recette magique pour proposer des services publics sobres et de qualité ?

Des représentant·es locaux partagent leurs réfléxions sur la sobriété des bâtiments publics


À propos

Date de publication

08 novembre 2022

Lors d’un événement organisé par Energy Cities et Grenoble Alpes Métropole le 18 octobre, dans le cadre des programmes de nos hubs Villes zéro carbone et Économies justes, des représentant·es à l’échelle locale ont partagé leur point de vue sur la réduction de la demande énergétique et ce que cela représente pour le plan du réseau.

Le concept de sobriété remet en question la façon dont les municipalités conçoivent et proposent les services publics à leurs habitant·es. La sobriété peut être définie comme un ensemble de mesures et de politiques ayant pour but de réduire structurellement et ainsi d’éviter la demande énergétique, matérielle, des sols et d’eau, tout en contribuant au bien-être de tout un chacun dans les limites de la planète.

Repenser la manière dont nous utilisons les bâtiments : la clé pour réduire notre consommation énergétique

Il est temps de poser les bonnes questions et de se pencher sur les besoins essentiels pour réduire la consommation énergétique dans les bâtiments, surtout dans les bâtiments municipaux. C’est ce que la ville de Lyon a décidé de faire en définissant une température de référence de 18 °C pour tous les bâtiments possédés par la ville, y compris ceux gérés par des tiers, comme les cinémas. Sylvain Godinot, adjoint au maire de Lyon responsable de la transition écologique et du patrimoine, souligne qu’il est essentiel de montrer que tout le monde doit fournir les mêmes efforts. Définir la température de référence à un degré de moins que les 19 °C demandés par la loi française permettra de ne pas fermer les services publics, tout en atténuant l’impact sur le budget municipal des prix très élevés de l’énergie. La ville de Lyon prévoit cependant quelques exceptions : dans les crèches et les bibliothèques notamment, il sera possible d’adapter la température pour le bien-être des enfants et étudiant·es qui les fréquentent et n’ont pas forcément les moyens de chauffer leur domicile.

Xavier Figari travaille à l’Agence locale de l’énergie et du climat de la grande région grenobloise pour aider les municipalités à développer leur plan de sobriété. Il affirme que les autorités publiques devraient se concentrer sur la température ressentie par les utilisateurs et utilisatrices, et la baisser autant que possible sans impacter leur confort. Cela implique de sensibiliser les citoyen·nes et le personnel municipal à la nécessité d’adapter leurs habitudes vestimentaires selon leurs activités lorsqu’ils se rendent dans des bâtiments publics. Il conseille également de regrouper toutes les activités des associations locales les mêmes jours, afin de ne pas devoir chauffer les bâtiments tous les jours.

La ville de Lyon a poussé la réflexion sur ses besoins énergétiques au point de remettre en question les conditions de conservation des œuvres dans ses musées : toutes les œuvres d’art ont-elles besoin d’avoir toute l’année une température de 19 °C et un niveau d’hygrométrie de 55 % constants pour assurer leur préservation ? Des gains énergétiques importants pourraient être réalisés grâce à la différenciation des conditions de préservation.

La métamorphose nécessaire des collectivités : une collaboration interservices pour un meilleur suivi de la consommation

En réaction à la crise énergétique qui pèse sur les budgets municipaux, plusieurs villes européennes, Lyon par exemple, ont mis en place une nouvelle dynamique de travail transversale au sein de la collectivité pour s’atteler à la réduction de la consommation énergétique.

En effet, les services responsables des politiques sectorielles, comme le sport et la culture, ne gèrent en général pas le paiement de leurs factures énergétiques. C’est la responsabilité du service du patrimoine municipale. Cette situation empêche les gestionnaires de chaque service de connaître le coût énergétique exact de leurs activités. Pour faire face à la crise énergétique, des groupes de travail transversaux sont mis en place pour discuter conjointement de la modification des habitudes et de la réduction de la consommation énergétique. Cela pourrait conduire au transfert pérenne de la gestion des bâtiments publics à chaque service les utilisant et au décloisonnement administratif des politiques énergétiques.

Changement du paradigme : investir dans les ressources humaines pour mettre en œuvre des mesures de sobriété locales

D’après Sylvain Godinot, il serait faux d’affirmer que la sobriété n’a aucun coût sous prétexte qu’elle ne nécessite pas d’investissement. Elle a un impact sur le budget d’exploitation, car elle nécessite un investissement dans les ressources humaines.

En effet, adapter l’utilisation de bâtiments, optimiser les systèmes techniques (le changement de paramétrage des températures par exemple), informer les utilisateurs et utilisatrices sur les comportements appropriés à adopter, et permettre une gestion des locaux plus souple et en temps réel nécessite plus de personnel. De plus, l’optimisation des infrastructures techniques telles que les systèmes de chauffage peut permettre de détecter d’autres défauts dans l’isolation des bâtiments : fuites, fenêtres défectueuses, etc. De ce fait, cela accélère le besoin de rénover le patrimoine municipale et d’embaucher du personnel pour mener à bien ce processus, comme démontré dans les études chiffrées réalisées par Energy Cities en Europe et I4CE en France. 

Cependant, le coût de ces mesures de sobriété représente un investissement, et cela paie. Un retour sur investissement de 10 à 15 % peut être attendu sur les recrutements pour une meilleure gestion de bâtiments publics. Les municipalités sont accablées par les mesures d’austérité des gouvernements nationaux et, de ce fait, parfois réticentes à embaucher du personnel. À long terme, continuer dans cette voie pourrait représenter un vrai fléau pour les finances publiques. C’est pourquoi un changement de paradigme dans notre façon de considérer les finances publiques et les investissements « immatériels » est plus que nécessaire.