Sécurité énergétique et climat : les villes au secours de l’Europe 

Les alertes estivales menacent les objectifs climatiques européens


À propos

Auteur

Fausto Zaccaro

Date de publication

28 juillet 2022

L’été est là et tandis que les vacancier·ères préparent leurs bagages pour rejoindre leur destination, la saison des vacances fait naître chez les Européen·nes un sentiment de sécurité trompeur. La vérité, c’est qu’une guerre fait rage en Ukraine et que l’approvisionnement énergétique est menacé en Europe. Les Ukrainien·nes continuent d’être brutalement bombardé·es chaque jour et les dirigeant·es européen·nes se démènent pour savoir comment iels vont fournir de l’énergie aux populations et au secteur économique lorsque les mois d’hiver seront à notre porte.

Les prix de l’énergie ne cessent de grimper tandis que l’approvisionnement en gaz naturel se raréfie au fil des semaines. Les États membres européens ne reçoivent en effet plus que 40 à 60 % du flux qu’ils recevaient de Russie l’an passé. Et pendant que Gazprom refuse d’honorer ses obligations contractuelles, les installations européennes de stockage de gaz peinent à se remplir.

Hier, la Commission européenne a publié le paquet Des économies de gaz pour un hiver sûr, une stratégie qui vise à encourager les États membres à réduire leur consommation de gaz de 15 % entre août et mars, afin d’anticiper d’éventuelles nouvelles ruptures d’approvisionnement en provenance de Russie. Si le plan prévoit d’exploiter les potentiels d’économie de gaz dans les bâtiments, les centrales électriques et les industries, il encourage également les États membres à accroître les activités d’extraction au niveau national et à procéder à des changements de combustible en faveur d’énergies plus polluantes, ce qui est une terrible nouvelle pour les objectifs climatiques et les ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les alertes estivales menacent les objectifs climatiques européens 

Les Pays-Bas se préparent à augmenter la production du gisement de Groningue, la plus grande réserve de gaz naturel d’Europe continentale. Bien qu’elle ait été qualifiée de mesure de dernier recours, cette décision pourrait remettre en cause la stratégie de sortie progressive d’ici 2028, et replonger les communautés voisines dans la crainte de tremblements de terre d’origine anthropique provoqués par les activités d’extraction. 

Nous assistons bel et bien à une « renaissance du charbon » : des centrales thermiques au charbon qui avaient cessé leurs activités ou étaient sur le point de le faire sont remises en service à plein régime afin d’équilibrer les réseaux électriques. 

L’Allemagne et l’Italie illustrent parfaitement ce retour en arrière : les projets d’élimination progressive du charbon sont abandonnés afin d’économiser le plus de gaz possible et accélérer le remplissage des réservoirs de stockage. Berlin a ainsi remis en exploitation 16 centrales qui avaient été mises en sommeil, tout en prolongeant la durée de vie de 11 autres déjà en fonctionnement. Rome se prépare quant à elle à augmenter la capacité de production de 6 centrales.  

En Autriche, le Ministère de l’action climatique et de l’énergie apporte un soutien financier aux industries et aux installations à forte consommation d’énergie pour qu’elles passent temporairement du gaz au pétrole, et une centrale thermique en Styrie a été réalimentée en charbon, alors le pays avait réussi à éliminer cette source d’énergie en 2020. 

Ce sont de terribles nouvelles pour les objectifs climatiques de l’Union européenne, car ces initiatives nationales prises pour équilibrer un paysage énergétique instable renvoient le continent dix ans en arrière, lorsque la réduction de 55 % des émissions d’ici à 2030 et la neutralité climatique d’ici à 2050 n’étaient même pas concevables. À l’approche de l’hiver, ce sont plus de 100 milliards de mètres cubes de gaz naturel russe qui manquent à l’appel et le Kremlin est bien décidé à tirer profit de cette situation alarmante en représailles aux sanctions européennes. Face à cette menace, la diversification de nos approvisionnements et la substitution des combustibles ne nous mèneront pas bien loin.

La seule solution viable dont dispose l’Europe pour se préparer à l’hiver est d’éviter de consommer de l’énergie en premier lieu

Les villes deviennent des piliers de la sécurité énergétique en Europe

La réduction de la consommation d’énergie peut offrir des alternatives concrètes à la récente réouverture en urgence des centrales au charbon décidée par les gouvernements nationaux. Depuis l’agression de l’Ukraine par la Russie, les villes européennes ont adopté une position ferme contre Poutine et son chantage à l’énergie, en se protégeant elles-mêmes contre la hausse vertigineuse des prix de l’énergie et en se rangeant aux côtés du peuple ukrainien. De nombreux·ses maires européen·nes ont ainsi choisi de ne pas financer la machine de guerre du Kremlin et refusé de se soumettre à une coûteuse dépendance aux combustibles fossiles russes en diminuant leur consommation d’énergie, tout en garantissant les services à leurs citoyen·nes et en préservant leurs ambitions climatiques.

Rappelant les mesures d’économie d’énergie prises en réaction à la crise pétrolière de 1973, les municipalités se sont serré la ceinture pour réduire leurs dépenses énergétiques, tout en maintenant des niveaux de confort compatibles avec le mode de vie de leurs habitant·es. Les collectivités locales ont déjà pu jouer un rôle proactif dans de nombreux domaines : 

  • Le CHAUFFAGE représente une part énorme de la consommation de gaz en milieu urbain et abaisser le thermostat de quelques degrés pourrait permettre de réaliser des économies substantielles. La capitale néerlandaise Amsterdam a ainsi baissé la température de son réseau de chauffage urbain de 21°C à 18°C, diminuant ainsi de 15 % la consommation municipale de gaz naturel. 
  • L’ÉCLAIRAGE DES VOIES PUBLIQUES est également un secteur qui peut participer à réduire considérablement la pression sur les réseaux électriques. La municipalité bulgare de Sredets, par exemple, a réduit la durée de l’éclairage public de 40 minutes la nuit, tout en diminuant l’intensité des ampoules.
  • LA MOBILITÉ est fortement impactée par les marchés pétroliers, mais peu de réglementations urbaines peuvent alléger la pression des prix des carburants. La ville française de Lyon a limité la vitesse à 30 km/h sur 84 % de son réseau routier, permettant ainsi aux conducteur·rices de moins consommer de carburant tout en encourageant l’utilisation des transports publics pour se déplacer plus rapidement. 

Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent que les collectivités locales sont les mieux placées pour réduire la demande d’énergie face à d’éventuelles pénuries hivernales. Solidement ancrées dans leurs territoires, les municipalités peuvent exploiter un énorme potentiel d’économies d’énergie dont les gouvernements nationaux ont désespérément besoin. Un potentiel qui ne demande qu’à être activé par les populations désireuses de réduire leur consommation d’énergie, mais dont la réalisation nécessite de mener des campagnes locales et d’entretenir un lien de confiance avec les autorités locales.

A quoi faut-il attendre cet hiver ?

L’Europe est à la croisée des chemins. Une moindre disponibilité de l’énergie oblige les gouvernements nationaux à faire des choix qui compromettent les ambitions climatiques et nos aspirations à un avenir durable. Le charbon est un monstre du passé auquel nous devons définitivement tourner le dos ; et si nous nous tournons actuellement vers le gaz et le pétrole pour alimenter nos économies, accroître l’utilisation des combustibles fossiles disponibles pour combler les lacunes de notre approvisionnement énergétique est un choix terrible pour notre planète. Éviter de consommer l’énergie est la seule option durable qui permette à l’Europe de tenir une position ferme face à l’agresseur russe, d’accroître notre indépendance énergétique et de maintenir nos ambitions climatiques. 

Les villes s’imposent de plus en plus comme les gardiennes de la sécurité énergétique en Europe, en prenant des engagements sans précédent dans un domaine qui était historiquement une prérogative exclusive des gouvernements nationaux. En réduisant leur consommation d’énergie, les collectivités locales contribuent à protéger les ambitions climatiques de l’UE et à empêcher une planification énergétique nationale irréfléchie. 

Le Cities’ Energy Saving Sprint est un outil puissant pour encourager les collectivités locales à prendre des mesures d’économie d’énergie. Lancée par la Convention des Maires – Europe, en collaboration avec la Commission européenne et le Comité européen des régions, cette campagne vise à sensibiliser les collectivités locales aux options dont elles disposent pour protéger les citoyen·nes contre la hausse des prix de l’énergie et les risques de coupure. 

Inscrivez votre ville au Sprint et contribuez à l’indépendance énergétique de l’Europe !