Stratégies des villes pour faire (re)vivre les espaces urbains

Nos villes sous nos pieds regorgent de temps et d’espace


Un quart des terrains « consommés » pour le logement en France sont en fait utilisés dans des communes qui perdent des habitants. C’est ce qu’affirme l’urbaniste français Sylvain Grisot dans son manifeste « Manifeste pour un Urbanisme Circulaire » (2020).

Il convient désormais de développer un modèle alternatif radical pour la planification et le développement de nos villes. Comment ? En nous concentrant sur l’intensification des usages, la transformation des bâtiments existants et le recyclage des espaces déjà urbanisés. 

« Nos villes doivent prendre en compte nos ressources afin de permettre le bon fonctionnement de nos sociétés dans les limites de la planète », déclarait Barbara Nicoloso de Virage Énergies. Elle était l’une des experts participant en octobre dernier, à l’événement TANDEM à Strasbourg, lequel réunissait des municipalités françaises et allemandes. Comme l’explique Daniel Fuhrhop, économiste allemand, dans le manifeste « Il faut interdire la construction » (Verbietet das Bauen), l’Allemagne possède déjà suffisamment de logements pour couvrir ses besoins pour les 10 prochaines années. En France, la surface des villes augmente trois fois plus vite que la population urbaine (Sylvain Grisot, 2020). 

L’étalement urbain génère ses propres espaces vacants

Le gouvernement français fixe l’objectif d’une artificialisation nette nulle d’ici 2050 (c’est-à-dire que l’objectif est de suspendre toute augmentation nette de la quantité totale de surfaces artificielles). Cependant, en raison d’un manque de coordination entre les différents niveaux de gouvernance, les différentes parties prenantes (collectivités et entreprises locales, État) ont une interprétation différente de ce concept. Personne ne sait très précisément ce qu’est l’artificialisation, ni comment la mesurer. (Pour en savoir plus, consultez cet article). L’artificialisation des terres pour l’urbanisation rapporte beaucoup plus à l’État que la réutilisation des espaces vacants, notamment grâce aux taxes, cet objectif permettra à long terme de redonner de la valeur aux friches industrielles.

Dans une économie libéralisée, qui recherche (encore) la croissance économique avant tout, l’action locale ne fait pas tout. En effet, une multitude d’éléments restent hors de portée des autorités locales. Pourtant, de nombreuses autorités locales en Europe inventent de nouvelles façons de faire et expérimentent de nouvelles manières de penser la ville. Par exemple, en vue d’exploiter des logements vacants, les autorités locales ne sont pas tant confrontées à un problème physique (il y a suffisamment d’espaces vacants pour répondre aux besoins de logement dans les villes) qu’à des obstacles juridiques. En Allemagne, la ville de Karlsruhe a lancé en 2005 un programme d’acquisition de logements pour réutiliser les logements privés vacants en les proposant à des ménages modestes ou à des personnes dans le besoin. La municipalité subventionne la rénovation des logements vacants et signe, en échange , un accord avec les propriétaires pour fixer le loyer et inclure une garantie municipale en cas de loyer impayé. Depuis le lancement du programme, la ville a ainsi remis en circulation 1 253 logements pour un total de 2 750 habitants. Coût total de l’opération : 5 millions d’euros. À titre de comparaison, la construction de 1 000 nouveaux logements aurait coûté, selon une estimation de la municipalité, 300 millions d’euros.

Révéler le potentiel des espaces vacants

Connaître le parc foncier existant est déjà une étape importante. Aussi l’Agence d’urbanisme de la Métropole européenne de Lille a mené une mission visant à évaluer le potentiel de l’ensemble des espaces vacants. Son analyse montre une forte artificialisation (augmentation globale de 30 % des surfaces urbanisées entre 1983 et 2015) mais aussi un doublement des espaces vacants (principalement dans les banlieues économiques liées à l’obsolescence très rapide des développements économiques récents).

Connaître le parc foncier existant est déjà une étape importante. Aussi l’Agence d’urbanisme de la Métropole européenne de Lille a mené une mission visant à évaluer le potentiel de l’ensemble des espaces vacants. Son analyse montre une forte artificialisation (augmentation globale de 30 % des surfaces urbanisées entre 1983 et 2015) mais aussi un doublement des espaces vacants (principalement dans les banlieues économiques liées à l’obsolescence très rapide des développements économiques récents).

Pour limiter l’étalement urbain et gérer la question de la vacance, les collectivités locales doivent utiliser leur droit de préemption. De plus, elles disposent d’un outil essentiel : le levier fiscal. En France, une taxe sur les logements vacants existe au niveau local. Toutefois, le montant collecté revient à une agence nationale. Les résultats de cette taxe devraient plutôt être redirigés vers les communes afin qu’elles puissent mener des projets de revitalisation et de rénovation des logements vacants.

D’une utilisation temporaire à un urbanisme transitoire

Au cours de son existence, un bâtiment connaît parfois des périodes creuses. On le construit, on l’occupe, puis on le vide, dans l’attente d’un nouveau propriétaire, de travaux de réhabilitation ou de déconstruction. Dès lors, comment gérer les différents temps d’un bâtiment et mieux exploiter les 10 % de sa vie pendant lesquels un bâtiment est en moyenne inutilisé ? L’urbanisme transitoire s’intéresse aux interstices de nos villes dans le but de déployer de nouveaux usages, qu’il s’agisse de friches industrielles, d’équipements publics, de bureaux vides, de centres commerciaux, de copropriétés ou encore de maisons individuelles. La région de Bruxelles est un exemple à suivre en matière de réactivation d’espaces vacants, à l’image de Citydev.brussels et de Comuna présentés dans cet article. Le positionnement de l’organisation bruxelloise répond à un besoin social, par opposition au service offert par d’autres acteurs du marché, des acteurs motivés par des visées strictement commerciales. L’urbanisme transitoire permet de loger, de créer, de fabriquer en développant et en organisant ces espaces vides, qui ne servent plus à rien et peuvent donc servir à tout.

Envie d’en savoir plus ? Lisez l’article et visionner le webinaire sur ce sujet