Un peu d’espace pour réfléchir

Edito politique par Claire Roumet


À propos

Date de publication

13 février 2020

Cette semaine, mes collègues direct·eurs·rices de réseaux (ICLEI Europe, Climate Alliance, CEMR, Eurocities, Fedarene) et moi avons rencontré les cabinets des nouv·eaux·elles commissaires européen·ne·s. Je partage avec vous quelques impressions, sans aucune prétention d’impartialité, pour vous livrer un sentiment diffus qui fera peut-être écho aux rencontres que vous avez pu faire ces derniers mois, avec des leaders du niveau national ou européen.

Il y a d’abord une grande ambition, celle de faire de l’Europe le premier continent à atteindre la neutralité climatique en 2050 au plus tard. Cet objectif doit se traduire dans quelques semaines par une proposition de loi rendant cet objectif contraignant juridiquement. Une des pierres à cet édifice est déjà sur la table des négociations : le Fonds pour la transition juste (Just Transition Fund) et son mécanisme associé, qui doivent allouer des subventions, faciliter l’accès au crédit et aux investissements des régions les plus dépendantes des énergies fossiles. L’approche proposée, territoriale et partenariale, est un grand pas en avant.  C’est l’une des premières propositions de l’agenda législatif qui s’étaleront jusqu’à mi 2021 (Green Deal) et qui ont déjà commencé au pas de course… Mais l’exécutif a-t-il l’endurance nécessaire pour en tenir le rythme ?

Il y a longtemps que nous attendions une vraie reconnaissance des contradictions internes entre les politiques économiques du « toujours plus » et celles qui visent une réduction de nos consommations ; entre une programmation nationale des politiques énergie-climat et une approche qui partirait des ressources locales. Mais entre les ambitions affichées et les propositions qui seront faites, il faut le temps de la réflexion ; il y a tant à changer !

Oui il y a urgence d’agir mais aussi urgence de prendre le temps de penser La volonté d’imprimer l’agenda dans les 100 premiers jours, fait courir un sprint à tous les services de la Commission européenne : montrer que l’on est dans l’action et le « story telling », raconter une histoire qui parle directement aux citoyen·ne·s. Sans laisser d’espace à la consultation, co-production, à la réflexion ! Il faut avoir un minimum de neurones libres de penser, pour imaginer des solutions nouvelles. C’est une course de fond en équipe, il faut bien réfléchir aux étapes, aux ravitaillements, aux co-équipier·e·s. Isabelle Delannoy, dans son ouvrage « l’économie symbiotique », propose un futur possible basé sur nos ressources renouvelables et détaille bien que la construction de ces nouveaux modèles doit faire une place à de nouvelles formes de gouvernance partagée.

La Commission lancera sa consultation pour un « Pacte européen pour le Climat » début mars, pour quelques mois. Pourquoi ne pas proposer une période plus longue et favoriser une vraie implication de tou·te·s dans les propositions ? Comme le montre l’exemple de la Convention citoyenne sur le climat mise en place en France, cela demande du temps, de la méthode et des moyens aussi. Il ne s’agit pas de réécrire des directives existantes, il s’agit de vraiment changer nos politiques, alors, prenons le temps de le faire, tout autre objectif serait insuffisant. C’est aussi le sentiment qui m’est resté après ces rencontres, celui d’un effort bien loin des enjeux, et qui laisse finalement chacun·e de nous impuissant·e, alors même que tout est possible.