WHAT’S EUp : La grande bataille du budget pluriannuel de l’UE pour les collectivités locales

Décryptage de la proposition de la Commission européenne


À propos

Date de publication

18/09/2025

Domaine législatif lié

Budget de l'UE

Position d'Energy Cities sur le Prochain Budget Européen - Septembre 2025 (en anglais)

Energy Cities position MFF September 2025

En juillet, la Commission européenne a présenté sa proposition pour le prochain budget pluriannuel de l’UE (2028–2034) : un montant total de 2 000 milliards d’euros, dont 168 milliards réservés au remboursement du plan de relance post-COVID. Energy Cities décrypte la proposition, partage une première analyse et expose ses deux principales demandes pour le prochain budget européen : investir dans les capacités institutionnelles locales comme garantie de la démocratie, et investir dans une vie abordable grâce à la transformation stratégique des territoires.

Qu’est-ce que le CFP ? Pourquoi est-il important pour les villes ?

Au-delà des priorités de financement de l’UE, le Cadre Financier Pluriannuel (CFP) est un projet politique : il a financé la Politique agricole commune et investi dans les régions les moins développées depuis plus de trois décennies, afin de renforcer la cohésion régionale. Les villes et régions bénéficient des fonds européens pour les infrastructures, l’innovation, l’emploi, les services publics, la culture et l’éducation, soit directement via des projets européens (ex. LIFE, INTERREG, Horizon), soit indirectement via les programmes régionaux (ex. FEDER).

Comment cela fonctionne-t-il ? Quelles nouveautés ?

La Commission propose de passer de 7 rubriques à 4 et de réduire le nombre de programmes de 52 à 16, avec la structure suivante :

Répartition du budget proposé du prochain CFP selon le rapport sur l’état de l’Union (septembre 2025)

Deux des quatre rubriques concernent directement les collectivités locales :

  1. Cohésion économique, sociale et territoriale ; prospérité agricole, rurale et maritime ; et sécurité — 865 milliards €.
    • Les fonds seront déployés via 27 Plans nationaux et régionaux de partenariat (NRP), détaillant investissements et réformes, selon la même logique que les Plans de relance et de résilience.
    • Les Plans NRP reposeront sur le principe de partenariat et la gestion partagée. Ils ne prévoient pas de fléchage spécifique pour les villes (comme c’est le cas actuellement avec le FEDER) ni pour les programmes régionaux, mais seulement l’option d’intégrer des chapitres régionaux et territoriaux « lorsque pertinent ».
    • Les actions environnementales (partie du programme LIFE), l’agriculture et les dépenses sociales y seront incluses.
  2. Compétitivité, prospérité et sécurité — 410 milliards €.
    • Cette rubrique comprend un nouveau Fonds européen pour la compétitivité, fusionnant plusieurs programmes, dont LIFE (en tant que programme autonome), Horizon Europe (avec un budget renforcé) et le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (principalement pour les investissements transfrontaliers en énergie, mobilité et défense).
    • Elle inclura aussi Erasmus+ (41 milliards €) et AgoraEU (9 milliards €). Ces programmes soutiendront respectivement la mobilité éducative, la société civile, la défense des droits fondamentaux et, pour la première fois, l’indépendance des médias.

La Commission propose de nouvelles « ressources propres » (au-delà des contributions des États membres) pour financer le prochain CFP : le système d’échange de quotas d’émission de l’UE, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, une taxe européenne sur le tabac, une redevance sur les déchets électroniques non collectés, et un prélèvement sur les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 100 millions €.

Un nouveau mécanisme de performance suivra l’efficacité du budget de l’UE, à travers une liste d’indicateurs standardisés de résultats (plus de 70 pages), regroupés par domaine politique et pondérés (0 %, 40 % ou 100 %) selon leur contribution aux objectifs sociaux et climatiques de l’UE.

Enfin, la Commission fixe un objectif de 35 % de dépenses pour le climat et l’environnement et 14 % pour le social sur l’ensemble du budget. Le principe « Ne pas nuire de manière significative » (DNSH) serait étendu à l’ensemble du budget.

L’avis d’Energy Cities

La structure proposée du CFP risque d’enfermer l’Europe dans une double centralisation des financements :

  • au niveau européen, via les fonds de compétitivité et programmes top-down,
  • au niveau national, via les Plans nationaux et régionaux de partenariat.

C’est une recette pour l’échec, car elle écarte les réalités locales. Nous risquons de voir émerger 27 agendas concurrents à travers l’UE, déconnectés des besoins locaux, avec des dispositions de partenariat et de gouvernance symboliques mais faibles, et des fonds inefficaces, comme l’a déjà montré l’exemple fragmenté de la Facilité pour la reprise et la résilience, utilisée comme modèle.

Les réformes liées à ces plans pourraient être une opportunité de :

  • former le personnel municipal à la transition écologique,
  • adapter les règles fiscales et budgétaires pour des investissements verts de long terme,
  • renforcer les services publics soutenant à la fois le bien-être et la transition.

Mais l’agenda des réformes demandées en contrepartie des Plans NRP, ainsi que leur gouvernance, restent à ce jour flous.

Les indicateurs de performance doivent aller plus loin, pour mesurer l’impact local et le bien-être d’aujourd’hui et de demain. La démocratie et l’État de droit doivent être placés au cœur du budget, afin de garantir à toutes les collectivités locales l’accès aux fonds européens, même en cas d’instrumentalisation politique par les autorités nationales ou régionales.

Nos revendications

1. Investir dans les capacités institutionnelles locales pour garantir la démocratie et résilience

  • Promouvoir une planification d’investissement de long terme pour chaque territoire et relier les Plans nationaux et régionaux de partenariat à des réformes adaptant les règles budgétaires publiques aux enjeux de résilience et renforçant les capacités institutionnelles locales.
  • Mettre en place des indicateurs de performance pour encourager l’investissement local favorisant l’autonomie et évitant l’épuisement futur des ressources et des finances publiques.
  • Garantir l’accès direct aux fonds européens pour les collectivités locales en cas d’instrumentalisation politique par leurs gouvernements nationaux ou régionaux.

2. Investir dans une vie abordable et de qualité à travers la transformation stratégique des territoires

  • Rendre obligatoire l’intégration d’un chapitre territorial dans les Plans nationaux et régionaux de partenariat, avec un fléchage minimal pour les investissements territoriaux intégrés (p. ex. via un Fonds d’expérimentation territoriale).
  • Créer un comité de suivi des dépenses du budget européen aux niveaux national et régional, réunissant autorités locales et régionales ainsi que divers acteurs, pour discuter de l’utilisation des fonds européens.
  • Donner la priorité à la coopération infra-territoriale plutôt qu’à la concurrence dans le Fonds de compétitivité, afin d’investir dans les écosystèmes locaux.

Lisez notre analyse complète et nos propositions (en anglais) ici.

Et après ?

Les négociations débutent maintenant au Conseil européen et au Parlement et dureront jusqu’en 2027. Energy Cities, en tant que membre de l’alliance locale, fera entendre la voix des collectivités. Si vous souhaitez vous impliquer au niveau national ou européen, contactez-nous.

Pour en savoir plus, consultez notre Question & Réponses sur le prochain CFP ( à venir) et restez à l’écoute du prochain article de la série What’sEUp, qui décryptera encore davantage le prochain budget européen pour les villes.


Nous remercions l’ADEME pour son soutien financier, qui nous a permis de rédiger cet article.