5 leçons à retenir de la nouvelle politique de prêt de la BEI dans le secteur de l’énergie

Ce que la nouvelle politique de financement de la Banque européenne d'investissement devra apporter à la transition énergétique des collectivités


À propos

Auteur

David Donnerer

Date de publication

25 novembre 2019

Nous avons gagné ! Après des mois de lobbying de la part d’Energy Cities et de la campagne « Fossil Free EIB », la banque publique européenne a adopté une nouvelle politique de prêt. Et c’est une bonne nouvelle ! Mais quelles en sont les implications pour la transition énergétique des villes ?

Le 14 novembre dernier, après de longues et difficiles négociations avec les Etats membres et la Commission européenne, la Banque européenne d’investissement (BEI) a finalement publié sa nouvelle politique de prêt dans le secteur de l’énergie. Energy Cities en a analysé les principaux points et identifier les implications pour la transition énergétique locale.

Des financements plus importants pour la rénovation des bâtiments au travers d’une nouvelle  initiative

Afin de relancer les rénovations de bâtiments en Europe, dont le rythme stagne, la BEI a annoncé une nouvelle « Initiative européenne en faveur de la rénovation des bâtiments ». Dans le cadre de cette initiative, la banque prévoit de financer jusqu’à 75 % des dépenses éligibles d’investissement dans les projets de rénovation de bâtiments. Par ailleurs, le nouveau dispositif prévoit également un plus fort soutien de la banque à l’agrégation de projets de rénovation, la possibilité de lier les produits financiers développés notamment grâce à l’assistance technique du programme ELENA  et le « déblocage de nouveaux marchés dans le financement de l’efficacité énergétique par prêt hypothécaire ou titrisation ».

Les communautés énergétiques deviennent une nouvelle priorité de financement  

Outre l’augmentation du financement de l’efficacité énergétique, la BEI va également faire des communautés énergétiques une priorité de ses prêts pour des projets d’approvisionnement d‘énergie. Désormais, la banque « soutiendra le développement des communautés énergétiques et des micro-réseaux, en leur permettant d’investir dans de nouveaux types d’infrastructures énergétiques, dont les petits réseaux isolés ». Les dispositions de la Directive européenne sur les énergies renouvelables relatives aux communautés énergétiques sont par ailleurs explicitement mentionnées comme une priorité stratégique de la nouvelle politique de prêt de la Banque. 

Le plus important bailleur de fonds public au monde ne financera plus les énergies fossiles

A compter de janvier 2022, la BEI cessera de soutenir financièrement le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Initialement, la BEI devait cesser de financer les énergies fossiles dès janvier 2021,  comme indiqué dans sa première proposition, mais suite aux pressions exercées par la Direction Générale de l’Energie de la Commission européenne, très favorable au gaz, et de l’Allemagne en particulier, la banque a dû retarder d’un an l’application de cette décision.
Si la Commission européenne a fait pression pour obtenir un délai, c’est pour forcer la BEI à continuer de financer les projets européens d’intérêt commun jusqu’à la fin 2021, des projets essentiellement gaziers. De son côté, l’Allemagne, qui a prévu de sortir du charbon dans les décennies à venir, compte utiliser le gaz comme « combustible de transition ».  Il convient également de noter qu’outre l’Allemagne, d’autres Etats membres (Pologne, Roumanie, Hongrie, Estonie, Lituanie, Malte et Chypre) ont également fait pression sur la BEI pour qu’elle continue à soutenir les infrastructures gazières. Il faut donc s’attendre à ce que ces pays inondent la BEI de demandes de financement pour des projets gaziers jusqu’à la fin 2021.   

Cette stratégie de désinvestissement de la BEI comporte néanmoins quelques exemptions : dans le cadre de sa nouvelle politique de prêt, la BEI pourra continuer à financer « les chaudières au gaz à économie d’énergie dans le cadre de programmes plus vastes d’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments », les centrales électriques au gaz dont les émissions de GES ne dépassent pas 250 g [N2] de CO2 par kWh d’électricité produit, ainsi que les projets de réseaux de gaz destinés à transporter des gaz à faible teneur en carbone, comme l’hydrogène.
Mais, même en tenant compte de ces exemptions, il est peu probable que la BEI  puisse maintenir un niveau élevé de financement des combustibles fossiles au cours de la prochaine décennie. Sur la période 2013-2018, la banque publique avait investi plus de 13 milliards d’euros dans les énergies fossiles, soit 6,2 millions par jour !  Avec la nouvelle politique en place, ce sont au moins 2 milliards d’euros par an de financement de la BEI qui n’iront plus à l’industrie gazière.
Cette nouvelle approche de la BEI doit être vue globalement comme un signe positif pour l’environnement,  comme en témoigne le mouvement de panique qui a saisi l’industrie du gaz naturel à l’annonce de la nouvelle politique de prêt de la BEI dans le secteur de l’énergie.    

Un nouveau paquet d’investissement en faveur de la Transition Juste

Un nombre limité d’Etats membres, de même que leurs villes et régions, bénéficieront également de financements supplémentaires dans le cadre du nouveau « Paquet pour la transition énergétique »  proposé par la BEI. Ce paquet d’investissement vise à soutenir la Transition Juste en accordant un soutien renforcé aux Etats membres et territoires « dont la transition représente un défi plus important », selon l’expression de la BEI dans sa nouvelle politique. Grâce à ce Paquet pour la transition énergétique, la BEI pourra financer 75 % du coût admissible des projets et soutiendra également la création de stratégies de développement territorial intégrées. Les pays et régions concernés par ce paquet sont les 10 Etats membres à plus faibles revenus de l’UE (Pologne, République Tchèque, Roumanie, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Lituanie et Lettonie), ainsi que les îles grecques qui veulent décarboner leur mix énergétique. La BEI s’est par ailleurs engagée à soutenir  le Fonds pour une transition juste de la Commission européenne en apportant des financements supplémentaires et une assistance technique.

Un signal fort pour la prochaine Commission européenne

L’adoption de la nouvelle politique de prêt de la BEI dans le secteur de l’énergie présente trois avantages pour la nouvelle Commission européenne présidée par Ursula von der Leyen. Tout d’abord, la nouvelle politique de la BEI la place en bonne voie pour devenir la première banque du climat de l’UE, comme l’a précédemment appelé de ses vœux Mme von der Leyen, à condition que les exemptions au principe de désinvestissement mentionnées ci-dessus ne viennent, in fine, dévoyer l’orientation affichée.

Ensuite, la priorité donnée par la BEI à la transition juste pourrait permettre à la Commission de proposer, en décembre, de doter le Fonds pour une transition Juste d’une enveloppe budgétaire beaucoup plus conséquente.

Enfin, la BEI a promis une aide supplémentaire, au travers de son Paquet pour la transition énergétique, aux pays qui justement sont les plus opposés à l’adoption de l’ambitieux objectif européen de zéro émission nette de GES à l’horizon 2050 (à savoir la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque), un engagement qui pourrait les inciter à mettre fin à leur opposition.