À l’heure de la « distanciation sociale », les discussions sur la manière d’adapter et d’améliorer les approches locales en matière d’urbanisme sont plus pertinentes que jamais. Le projet EUKI Living Streets permettra à un groupe de villes de Croatie, de Grèce et du Portugal de redéfinir la dimension socio-économique et esthétique de leurs rues dans le cadre du développement urbain
Le lancement du projet a eu lieu les 26 et 27 février. Et quel meilleur endroit pour cet événement que Gand, la ville belge où tout a commencé ! Dries Gysels et Pieter Deschamps, membres de l’association néerlandaise Meneer De Leeuw, étaient là pour nous parler de cette expérience. Nous les avons rencontrés au SANTO, une ancienne caserne de pompier temporairement transformée en un lieu de rencontre ouvert aux skateurs, artistes et à toute personne souhaitant échanger sur le développement durable.
En 2012, un groupe de citoyens, d’entrepreneurs et de fonctionnaires de la ville de Gand se réunissait pour imaginer ensemble un avenir durable pour leur ville : un réseau de rues piétonnes construit autour de places, avec des voies dédiées pour les vélos et les transports en commun et des voisins discutant dans la rue. Rapidement regroupés au sein d’une ONG temporaire appelée « Trojan Lab », ces acteurs ont mis en pratique leurs idées en créant des espaces d’expérimentation appelés Living Streets, ou rues vivantes.
Nous nous sommes posé la question suivante : comment aider les habitants à adopter une mobilité plus durable à l’avenir ?
The Trojan Lab
Au départ, l’idée était de permettre à la Ville de Gand de faire de nouveaux choix, plus durables, en matière d’urbanisme et de mobilité, avec le soutien des acteurs locaux. Le groupe a d’abord réfléchi au meilleur moyen de trouver, collectivement, de nouvelles solutions aux défis que rencontrent les quartiers. « Nous avons expérimenté le pouvoir de la question «Et si… ? ». Cette formulation permet d‘interagir les uns avec les autres, de lancer des discussions et d’explorer de nouvelles idées » affirme Pieter.
Et si notre rue était recouverte d’herbe verte ? Et si le bruit des voitures était remplacé par le rire des enfants jouant dans la rue ?
Pieter Deschamps, Meneer de Leeuw
Les participants, représentant diverses organisations croates, portugaises et grecques, ont eu tout loisir d’en apprendre davantage sur l’initiative. A Gand, chaque expérimentation de « rue vivante » a duré entre 2 et 4 mois. Au-delà, il est trop difficile de maintenir le projet en place. Par ailleurs, bien que de nombreuses personnes aient souhaité pérenniser cette expérience, les règlements d’urbanisme et les réaménagements prévus en matière de voirie ne le permettaient pas. A Gand, seule une « rue vivante » est devenue permanente.
Pour financer de tels projets, Dries et Pieter recommandent de ne faire appel qu’à des sponsors et au financement participatif dans un premier temps, afin de démontrer la faisabilité du projet : « l’intérêt de ces moyens de financement est qu’ils permettent de faire comprendre aux collectivités locales à quel point les habitants sont demandeurs et prêts à s’engager dans de tels projets, que ces idées sont pertinentes et emportent l’adhésion ». En 2017, année où le Trojan Lab a mis fin à ses activités, pas moins de 50 rues vivantes avaient déjà été créées !
L’expérience pilote des rues vivantes de Gand est devenu un projet officiel chapeauté par la municipalité. Un budget est alloué aux rues participantes et des données concernant la sécurité routière sont collectées afin de servir aux éditions suivantes.
Grâce au projet européen « Living Streets » coordonné par Energy Cities entre 2016 et 2018, d’autres villes européennes ont suivi l’exemple de Gand. Vlatka Berlan a présenté les activités qu’elle a aidé à mettre place dans le cadre du projet Living Streets de la ville d’Ivanić-Grad en Croatie. Un centre-ville piétonnier a ainsi été créé et des actions ont été menées pour soutenir l’économie locale et l’environnement urbain, en collaborant avec les boulangeries et producteurs de vins locaux, par exemple, et en mettant temporairement à la disposition des habitants des terrains municipaux ainsi que des kits de jardinage. L’expérience d’Ivanić-Grad montre que ce type d’approche ascendante basée sur la participation citoyenne donne d’excellents résultats : les effets de ces rues vivantes sont en effet encore visibles aujourd’hui.
Il n’y a pas de changement sans rebelles. J’ai porté ce projet en tant que citoyenne, pas en tant que fonctionnaire
Vlatka Berlan, Ivanić-Grad
Cette visite à Gand a été une source d’inspiration pour les participants au projet EUKI Living Streets. Ils ont également pu en tirer un enseignement en matière de méthodologie quant aux processus de transition durable : c’est grâce à des initiatives comme les Living Streets que les villes peuvent accéder au niveau de transition nécessaire pour faire face aux enjeux du monde d’aujourd’hui.
Les partenaires du projet EUKI Living Streets sont désormais prêts à créer leurs propres Living Streets. La crise actuelle exigera de nouvelles solutions et un certain degré d’adaptabilité, afin de permettre des interactions sociales significatives. Nul doute que les balades dans les rues piétonnes de Gand, la dégustation de délicieux plats locaux et les échanges d’idées les ont grandement motivés !