Les villes ont besoin de plus de ressources en personnel pour réussir leur décarbonisation

Nos recommandations pour que les villes puissent mettre en oeuvre leur planification thermique et des projets de décarbonisation


Les employés municipaux sont les chevilles ouvrières de la transition énergétique locale. Or le manque de ressources humaines est actuellement l’un des principaux obstacles à la décarbonisation des bâtiments, au même titre que le manque de financements, de capacité technique, de sensibilisation, d’engagement des parties prenantes et de disponibilité des données.

Dans la plupart des États membres de l’UE, les collectivités locales ont en charge de réaliser une programmation énergétique globale, notamment en matière de chauffage. Cela les aide à définir leurs besoins, la disponibilité en ressources renouvelables et à bâtir une politique de décarbonisation de leur parc immobilier sur la base de différents scénarios. Une fois ce plan complet et holistique établi, les villes peuvent mettre en œuvre des projets de décarbonisation des bâtiments en fonction des besoins et des ressources des différents quartiers.

La programmation énergétique est un processus de longue haleine. L’élaboration d’un plan chauffage peut en effet prendre de 6 à 12 mois en fonction de la taille de la ville et du niveau de détail du plan, tandis que la mise en œuvre des projets peut prendre de 5 à 10 ans. Cela signifie que les villes doivent pouvoir disposer de personnels qualifiés sur le long terme.

 Une étude commandée par le Conseil de l’administration publique néerlandaise en 2020 peut servir de référence pour quantifier ces besoins. Cette étude vise en effet à évaluer le coût de la mise en œuvre pour les collectivités locales, entre 2022 et 2030, de l’Accord néerlandais sur le climat voté en 2019. Cette loi stipule que, dans le secteur des bâtiments, « les municipalités doivent prendre la tête d’une approche locale participative pour aboutir à des logements zéro émissions, quartier par quartier ».  Les principaux résultats de l’étude sont présentés dans le tableau ci-dessous :

Tableau des équivalents temps plein nécessaires pour mettre en œuvre la loi sur la décarbonisation des bâtiments dans les villes néerlandaises
Données issues de l’étude Andersson Elffers Felix (2020)

Une ville comme Rotterdam, par exemple, aura besoin, en 2022, de 31,8 à 47,7 équivalents temps plein pour réaliser les différentes actions identifiées, et de plus que doubler ses ressources en personnel d’ici 2030. Parallèlement, une ville moyenne, comme Delft, aura besoin de 5,9 à 7,3 équivalents temps plein en 2022 et de tripler ses ressources en personnel d’ici 2030.

Cette étude a établi une liste des différentes tâches incombant aux collectivités locales à l’échelle des quartiers et du territoire municipal dans son ensemble. Celles-ci comprennent, entre autres, l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan énergie, des actions de communication, la mobilisation des parties prenantes, des activités de suivi, etc. Les tâches les plus consommatrices de personnel sont également parmi les plus importantes et concernent :

  • l’élaboration de plans de mise en œuvre par quartier
  • l’application de ces plans et l’accompagnement des résidents
  • des actions de communication à l’échelle de la commune (y compris la mise en place d’un guichet unique sur l’énergie)

Cette étude unique nous donne un aperçu des besoins immenses des villes. Elle doit bien sûr être adaptée aux contextes nationaux, aux capacités et à l’ambition des villes, ainsi qu’aux méthodes et aux tâches incombant aux collectivités locales

Pour faire face à ces besoins en ressources humaines, les villes peuvent soit employer directement du personnel ayant les compétences techniques nécessaires, soit déléguer le travail à des consultants externes. Dans les deux cas, cela a un coût, bien souvent hors de portée des capacités financières des petites et moyennes villes.

Les villes ont besoin de solutions pour réaliser leurs plans en matière de chauffage et mettre en œuvre des projets de décarbonisation. Nous avons identifié cinq recommandations clés : 

  • Encourager les villes à unir leurs efforts au sein de communautés de communes ou en créant des partenariats ruraux afin de mettre en commun leurs ressources financières et énergétiques.
  • Financer directement les villes via différents programmes nationaux ou européens, tels que le programme européen LIFE (pour en savoir plus, consultez notre article sur la manière dont le programme LIFE peut contribuer à faire de l’UE la première économie climatiquement neutre au monde).
  • Renforcer leurs compétences pour qu’elles puissent trouver elles-mêmes des financements privés et/ou publics, comme le permet le projet EUCF à l’échelle européenne. Energy Cities souhaiterait que ce projet soit développé massivement et adapté à l’échelle nationale ou régionale, comme expliqué dans cet article.
  • Permettre aux collectivités locales de participer à la gouvernance des différents programmes de financement européens et nationaux dédiés aux niveaux régional et local, afin qu’elles puissent exprimer leurs besoins et leurs opinions sur les priorités.
  • Favoriser le renforcement des capacités, les retours d’expérience, les formations entre pairs et la capitalisation des outils existants. Si cette action ne permet pas d’augmenter le nombre du personnel, elle permet au moins de favoriser la réplication des bonnes pratiques, y compris en termes d’efficacité dans l’utilisation des ressources. C’est ce que vise par exemple Decarb City Pipes 2050 au travers de l’élaboration de feuilles de route vers des systèmes de chauffage et de refroidissement décarbonés d’ici 2050 dans sept villes européennes.

Les solutions peuvent être multiples et combinables entre elles, et elles ne seront peut-être pas toutes mises en place en même temps. Mais si les villes veulent réussir leur décarbonisation, elles ont besoin de tout le soutien nécessaire, tant humain que matériel, pour y parvenir !