L’ABC de la sobriété : le nouveau superpouvoir des villes ?

#DécoderLaSobriété


À propos

Date de publication

10 mars 2023

La sobriété est un mot à la mode en Europe depuis la crise de l’énergie. Pourtant, « la sobriété ce n’est pas juste l’énergie, ce n’est pas juste cet hiver ; c’est le fait de consommer moins pour permettre à d’autres de consommer correctement, dans le respect des limites planétaires » comme le dit si justement Anne Bringault, coordinatrice du Réseau Action Climat France. 

La sobriété est souvent confondue avec d’autres concepts (efficacité énergétique ou frugalité) et peut se cacher derrière d’autres formulations telles que « éviter la consommation » ou « réduire la demande ».  Cet article ainsi que le tout nouveau glossaire d’Energy Cities décryptent donc pour vous la notion de suffisance et montrent comment elle est mise en pratique dans les villes. 

La sobriété, ce n’est pas sorcier 

Selon le rapport du GIEC de 2022, « les politiques de sobriété sont un ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en assurant le bien-être humain pour tous dans les limites de la planète ». La sobriété s’applique à tous les aspects de la société, mais c’est dans les secteurs du bâtiment et des transports qu’elle a le plus grand potentiel de réduction de notre consommation de ressources.  

Pour Energy Cities, la sobriété consiste à repenser nos besoins. Exemple : Je n’ai pas besoin d’une voiture, j’ai besoin d’aller à un endroit. 

Notre définition de la sobriété implique des changements structurels et une dimension collective. Il y a beaucoup à faire au niveau européen, national mais aussi local pour créer les conditions qui permettent aux personnes et aux entreprises de faire des choix de sobriété. Par exemple, il est essentiel de fournir des infrastructures cyclables sûres pour encourager les gens à faire du vélo. 

Cela nous amène à notre dernier point : une transition juste est la condition d’une société sobre. Cela garantirait que tout le monde ait « assez » et que personne n’ait « trop » de ressources, pour rester dans les limites planétaires. L’effort que chacun devra fournir ne sera donc pas le même selon que son mode de vie dépasse déjà les limites planétaires ou non. La théorie du donut développée par Kate Raworth et mise en œuvre dans certaines villes comme Amsterdam en est une bonne illustration. 

Sobriété et efficacité 

L’efficacité est une question d’optimisation : être efficace signifie utiliser le moins de ressources possible pour produire le même bien. Elle diffère de la sobriété car l’efficacité ne cherche pas à éviter l’utilisation de ressources et ne remet pas en question la nécessité d’un service ou d’un bien (par exemple, j’utilise un lave-linge et un sèche-linge A+++ (efficacité), mais je ne pense pas que je peux laver à froid et utiliser un étendage à la place (sobriété)). Néanmoins, les deux concepts sont complémentaires et peuvent conduire à une consommation globale de ressources moins précieuses. 

La sobriété contre l’austérité 

On parle d’austérité lorsqu’un gouvernement prend un ensemble de mesures pour diminuer les dépenses publiques en vue de réduire le déficit budgétaire. Contrairement à la sobriété, l’austérité n’est ni choisie ni juste. Réduire la température de chauffage à 19°C dans tous les bâtiments sans tenir compte de l’impact que cette mesure peut avoir sur les populations les moins outillées ou les plus vulnérables, c’est de l’austérité. Prendre une mesure similaire en veillant à accompagner les publics les plus vulnérables (rénovation thermique, adaptation de la température en fonction de l’usage, etc.), c’est de la sobriété. Partie Prenante illustre bien la différence dans son article de décembre 2022.  

Sobriété vs frugalité

Contrairement à la sobriété, la frugalité s’applique aux individus. L’objectif est de vivre une vie plus centrée sur des valeurs « essentielles » avec un rejet total de la société d’abondance. C’est un cousin du concept de sobriété. 

Mais n’est-ce pas déjà le cas dans ma ville ? 

Même si elles ne l’appellent pas toujours ainsi, de nombreuses villes ont déjà pris des mesures de sobriété, notamment en matière de logement, de mobilité, de consommation alimentaire et de politiques d’aménagement du territoire. Si vous voulez voir si votre ville en fait partie et découvrir les 50 mesures de sobriété répertoriées dans ce rapport ici (projet FULFILL). D’autres mesures sont listées ici par le projet Energy Suffizienz ENSU. 

Depuis 2014, Grenoble a banni la publicité de 90 % de l’espace urbain et réglementé les 10 % restants. La ville française a ainsi réduit la consommation de ressources (matériaux, énergie) pour le fonctionnement des panneaux publicitaires, tandis que ses habitants sont beaucoup moins encouragés à (sur)consommer.  

D’autres villes ont développé une vision plus structurelle de la sobriété, comme c’est le cas à Zurich. La capitale suisse vise à atteindre une consommation d’énergie primaire de 2000 watts par habitant et par an d’ici 2050.  Genève ou Amsterdam sont d’autres exemples intéressants qui sont présentés dans cette publication d’Energy Cities et de l’ADEME.  

Conclusion

La sobriété peut être une boussole qui aide les collectivités locales à orienter leurs politiques vers une économie juste, respectant les limites de la planète et assurant les besoins fondamentaux de chacun. C’est un outil puissant que les élu.e.s peuvent utiliser pour donner un cadre et un sens à toutes leurs actions en faveur du climat et de l’énergie. 

Lisez le glossaire pour consulter les définitions et les exemples d’autres concepts connexes tels que la circularité, la décroissance, l’utilisation rationnelle des ressources… !   (bientôt disponible en français)

Cet article est le premier d’une série d’articles « Décoder la sobriété » dont la traduction est financée par l’ADEME. Abonnez-vous à la lettre d’information du hub « Sobriété et Justice sociale au cœur de l’économie locale » pour lire les prochains articles.