Découvrez Euphémia, la ville où les histoires s’échangent pour nourrir l’avenir

Euphémia, la ville invisible imaginée par Calvino, recèle un marché unique. Outre les biens et les services, il s’y échange aussi des histoires.

On ne vient pas à Euphemia seulement pour acheter et vendre, mais aussi parce que la nuit, près des feux tout autour du marché, assis sur des sacs ou des tonneaux, ou étendus sur des piles de tapis, à chaque mot que prononce un homme – comme « loup », « sœur », « trésor caché », « bataille », « gale », « amants » – les autres racontent, chacun, leur histoire de loups, de sœurs, de trésors, de gale, d’amants, de batailles. (…) ici, la mémoire s’échange à chaque solstice et à chaque équinoxe (Les villes invisibles, Italo Calvino).

L’identité et l’évolution des villes sont influencées par des histoires qui se propagent comme des feux de forêt. Le 18 octobre à Modène, dans le cadre de la journée d’inspiration de notre forum annuel, nous avons convié nos partenaires et membres à un voyage à la découverte de différentes stratégies alimentaires. Leur mise en œuvre peut en effet contribuer à la transformation durable des villes et à écrire une nouvelle histoire.

Regardons de plus près les sessions inspirantes organisées par le HUB systèmes alimentaires !

La table est mise : comment relier transformation individuelle et collective ?

Ville la plus touristique de Roumanie, Brașov vise à devenir une destination verte. Le développement de stratégies alimentaires fait partie de son cheminement vers la durabilité. Bien que la municipalité ne dispose pas encore d’un service dédié à l’alimentation, elle a pu mettre en œuvre quelques actions qui visent à améliorer le bien-être des habitant·es. Entre autres projets, les cantines des écoles publiques ne proposent désormais que des aliments sains. Mais il reste encore beaucoup à faire pour développer une véritable culture de l’alimentation. En effet, l’éducation est la clé pour obtenir l’adhésion de la population et des individus en bonne santé.

La législation locale a également été récemment modifiée afin d’aider les agriculteurs à gérer les aspects logistiques. L’objectif est en effet d’éliminer les intermédiaires et d’inciter les producteurs à vendre non plus pour l’exportation mais directement sur le marché local. Un plus grand nombre de consommateurs ont donc désormais accès à des produits locaux.

Rennes Métropole est un autre exemple inspirant. En 2023, un plan alimentaire durable a été adopté. Ce plan vise à promouvoir un système agricole respectueux de l’environnement et à fournir une alimentation saine et abordable à tous et toutes. Le plan fixe des objectifs ambitieux à atteindre d’ici 2030. Parmi ces objectifs, citons la réduction de 15 % des émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur agricole, l’abandon des pesticides chimiques et au moins 45 % des terres consacrées à l’agriculture biologique.

Comment  construire une strategie alimentaire urbaine ?

Co-organisée par la Ville de Parme, cette session participative a mis en lumière l’expérience des villes de Milan, en Italie, et de Mérida, au Mexique, en matière de conception de politiques alimentaires efficaces.

Depuis 2015, Milan encourage les cantines scolaires à remplacer la viande par des légumes frais. Le résultat est une baisse de 43 % de la viande consommée par les élèves et les étudiants. Des fruits sont servis en collation le matin et pour limiter le gaspillage alimentaire, les enfants peuvent rapporter à la maison le pain et les fruits qu’ils n’ont pas mangés. En outre, la municipalité promeut les circuits courts en soutenant les productions locales (territoires agricoles).

L’initiative « Zero Food Waste Hub » de Milan s’efforce de lutter à la fois contre le gaspillage et la précarité alimentaire. Elle permet d’éviter de jeter 120 tonnes d’aliments par an et par hub. Les acteurs impliqués dans le projet collectent les surplus des supermarchés et les distribuent aux familles les plus pauvres. En 2021, ce projet a été récompensé par le prix Earthshot.

Observer ce qui se passe au-delà des frontières de l’Europe peut être un bon exercice pour apprendre d’autres cultures. Avec le projet « Circulo 47 », la Ville de Mérida, au Mexique, s’efforce de faire se rencontrer la demande pour des aliments sains et locaux et l’offre des agriculteurs locaux. Un marché exclusivement réservé aux produits locaux a ainsi été créé le week-end dans le cadre du projet. Cette initiative a permis de renforcer l’économie locale, de promouvoir une utilisation plus durable des terres, de proposer des alternatives alimentaires saines et de rendre la communauté rurale plus autonome. Globalement, la souveraineté alimentaire s’en est trouvée renforcée.

Enfin, ACR+ – le réseau international de villes et de régions partageant le but de promouvoir une gestion durable des ressources et l’économie circulaire – a souligné à quel point l’efficacité des politiques alimentaires repose sur un dialogue constructif entre le niveau régional et le niveau national. L’économie circulaire, l’énergie et l’alimentation sont liées. C’est pourquoi nous devons éduquer la population à adopter des modes de vie plus durables et les collectivités territoriales à mettre en œuvre une véritable économie circulaire.

Transformer le métabolisme alimentaire urbain au niveau local

Comment impliquer activement les citoyen·nes dans la mise en œuvre de politiques alimentaires efficaces ? Co-organisé par Slow Food, l’atelier a invité les villes à réfléchir à la transformation des systèmes alimentaires urbains.

Les participant·es ont notamment réfléchi à la manière de réduire la production et la consommation de viande industrielle et de produits d’origine animale. Tout le monde s’est accordé à dire que la culture alimentaire est essentielle pour changer les mentalités, mais quelles actions peuvent être mises en œuvre ? Du recensement des producteurs agroécologiques locaux au développement de formations à l’intention des cantines publiques, en passant par l’élaboration de campagnes locales, la promotion d’une offre de dégustations et de cours de cuisine à base de légumineuses, ou encore la mise en place de dialogues politiques ou la stimulation de la production locale, les possibilités sont nombreuses !

Les leçons d’Euphémia

Le temps passé à Euphémia nous a appris que la mise en œuvre de stratégies alimentaires efficaces nécessite un changement à 360°. Cela implique de lutter contre la précarité alimentaire, de fournir aux citoyen·nes des aliments de qualité, de promouvoir les traditions et la culture alimentaire, et de stimuler l’économie locale.

La nourriture est bien plus qu’une simple denrée. Elle dit beaucoup de l’histoire d’un lieu, elle représente sa culture. La nourriture ne nourrit pas seulement notre corps, mais aussi notre relation à la ville. C’est également la raison pour laquelle les fermes et les marchés urbains sont des lieux de transformation où de nouvelles histoires sont continuellement créées.

Toutes les villes peuvent devenir une Euphémia durable.