Agir face à la crise climatique à l’heure du Brexit

Que deviennent les membres britanniques d'Energy Cities ?


À propos

Date de publication

16 février 2021

En 2020, la crise sanitaire a représenté de nombreux défis pour les collectivités locales du Royaume-Uni, défis que le Brexit n’a fait que complexifier encore. Cependant, de nombreuses villes britannique sont convaincues que l’action en matière de climat tient une place centrale dans la résolution des multiples crises auxquelles elles sont confrontées.

D’après Alison Leslie, chargée de développement durable d’Aberdeen, membre d’Energy Cities, « l’action locale en matière de climat et d’énergie continue de progresser. En 2020, le conseil municipal d’Aberdeen a approuvé la « Vision zéro émission » de la ville dans l’optique d’une transition énergétique, ainsi que la création d’un Conseil pour la feuille de route de l’énergie et du climat pour sa mise en œuvre. » L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre a été renforcé en 2019, avec zéro émission nette d’ici 2045 au plus tard et plusieurs objectifs intermédiaires. En décembre 2020, la ville a publié une mise à jour du plan de lutte contre les changements climatiques afin d’intégrer ces objectifs, accompagnée d’un ensemble de nouvelles actions et politiques dans divers secteurs.

Milton Keynes, autre membre d’Energy Cities, ne renonce pas à ses engagements en matière de climat. En mai dernier, la ville britannique a dévoilé son plan de lutte contre les changements climatiques, avec l’objectif de neutralité carbone d’ici 2030 et d’émissions négatives d’ici 2050. En octobre, elle a publié le nouveau plan de rénovation urbaine, axé, entre autres, sur la pauvreté énergétique, la sécurité et la développement durable afin de construire des communautés plus fortes et plus saines.

J’ai posé quelques questions sur les conséquences du Brexit concernant les engagements des gouvernements locaux en matière de climat au Conseiller Kye Dudd, conseiller municipal chargé des transports, de l’énergie et du nouveau pacte vert de notre membre Bristol.

Ces derniers temps, le Brexit (ainsi que la crise sanitaire) a monopolisé toute l’attention politique. Pensez-vous que cela détourne les décideurs politiques des changements climatiques ? En quel cas, qu’est-ce qui a été fait au niveau local pour garder ce sujet au centre de l’action ? Les villes britanniques sont-elles prêtes à agir ?

Bristol est, depuis de nombreuses années, en tête de pont face à la crise climatique, aussi bien aux niveaux local et national qu’international. Aujourd’hui plus que jamais, alors que nous nous efforçons d’assurer un renouveau écologique et solidaire face à la pandémie, l’action face à l’urgence climatique doit rester une priorité absolue pour Bristol, pour toutes les villes britanniques, et pour le monde entier. Quitter l’UE ne nous a pas détournés de cet objectif.

Bristol a déclaré l’urgence à la fois écologique et climatique. Ainsi, à travers notre One City Climate Strategy, nous avons défini un objectif avec des partenaires dans toute la ville pour la neutralité carbone et la résilience climatique d’ici 2030.

Si l’attention immédiate se concentre sur la Covid-19, sur la relation et les interactions futures entre l’UE et le Royaume-Uni, et sur les urgences en matière de pauvreté, d’éducation et de santé que connaissent nos villes, nous comprenons très bien, au niveau municipal, que l’urgence climatique est intrinsèquement liée à d’autres priorités locales : résoudre les inégalités, soutenir l’accès à des soins de qualité, ou encore offrir une instruction à tous les citoyens. C’est pourquoi notre One City Plan, notre stratégie climat et notre stratégie pour la reprise et le renouveau économiques ont été pensés en relation aux objectifs de développement durable, pour montrer comment Bristol peut contribuer à l’effort mondial pour atteindre ces objectifs de développement durable d’ici 2030.

Les ressources dédiées à l’action en matière de climat et d’énergie disponibles pour les collectivités locales sont-elles affectées par le Brexit ?

Ces dernières années, Bristol a développé un vaste programme d’investissements pour l’énergie, en partie soutenu par le Mécanisme européen d’assistance technique pour les projets d’efficacité énergétique locaux (ELENA) par le biais de la Banque européenne d’investissement et de la Commission européenne. Ce programme a permis de financer une série de projets de développement durable pour la ville en 2014, avant qu’elle ne devienne capitale verte de l’Europe, puis une nouvelle vague de projets d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables, de transports durables et de réseaux de chaleur dans tout le Sud-ouest.

Si les collectivités locales britanniques ne pourront malheureusement plus profiter de ce programme après le Brexit, nous nous réjouissons de pouvoir participer à Horizon Europe, après que le gouvernement britannique a accepté de s’y associer dans le cadre de l’accord de commerce et de coopération avec l’UE.

Nous continuerons de rechercher toutes les occasions de soutenir l’action locale en matière de climat et d’énergie avec les partenaires européens à travers le programme-cadre de recherche et d’innovation de l’UE.

Quitter l’UE constitue par ailleurs l’occasion de se concentrer sur le développement durable et l’impact du financement du développement économique local à travers le Fonds de prospérité partagée du Royaume-Uni, qui prend le relai des Fonds structurels européens.

Plus généralement, le coût de la pandémie sur le niveau de financements publics disponibles dans les années à venir risque de freiner nos demandes auprès du gouvernement central d’engager des investissements pour des infrastructures vertes dans le cadre de la reprise des villes. Les collectivités locales sont aux prises avec la sortie du Royaume-Uni de l’UE et les conséquences du coronavirus, et elles le seront encore longtemps. Nous devons impérativement continuer de défendre des financements à long terme, durables, qui nous permettront d’orienter au mieux les ressources vers des secteurs tels que l’action en matière de climat et d’énergie.

Pensez-vous que le Brexit va compliquer la collaboration entre les villes britanniques et européennes sur les projets en matière de climat et d’énergie ?      

Bristol est un membre actif de plusieurs réseaux internationaux et européens et elle entretiendra ces relations, ainsi que des partenariats directement de ville à ville, qui profiteront à Bristol et au reste du monde.

Les liens de Bristol avec d’autres villes d’Europe et d’ailleurs sont plus que jamais essentiels. Nous devons travailler main dans la main face aux défis mondiaux les plus urgents qui touchent nos communautés en partageant des approches innovantes et en traduisant les politiques en actions concrètes. 

Bristol fait également partie d’un mouvement mondial qui appelle les villes, et les citoyens, à se faire entendre aux niveaux national et international, afin d’être mieux représentées dans les prises de décision mondiales qui affectent notre avenir, à l’instar des négociations sur les changements climatiques de la COP26 qui se tiendront à Glasgow en novembre.

Récemment, les « Youth Mayors » ou maires de la jeunesse de Bristol, Alice Towle et John Wayman, ont créé une association internationale des maires de la jeunesse afin de s’assurer que les jeunes aient leur mot à dire dans les prises de décision.

Après le Brexit, faire partie d’Energy Cities et d’autres réseaux européens a-t-il encore son importance ? Quels changements Energy Cities peut-elle apporter pour s’assurer que nous continuions à nous entraider dans le processus de transition énergétique ?

Les villes d’Europe et du monde entier doivent collaborer et apprendre les unes des autres pour réduire les émissions de CO2 et répondre à l’urgence climatique que connaît la planète. Il est dès lors vital que la collaboration en Europe se poursuive après le Brexit pour s’assurer que les villes européennes et britanniques apprennent les unes des autres et partagent leur expérience en matière de solutions politiques et techniques pour des réductions plus importantes d’émissions.

Les politiques et les projets de réduction des émissions de CO2 gagnent en visibilité maintenant que les politiques, les entreprises et le grand public prennent l’urgence climatique au sérieux. Alors que le Royaume-Uni et l’UE augmentent tous deux leurs financements de la recherche en matière de lutte contre les changements climatiques, les villes vont se retrouver face à une myriade d’outils de politique et de planification concurrents, développés par le secteur privé (et le secteur public), sans les connaissances ni le temps nécessaires pour les explorer en profondeur et identifier les outils les plus opportuns pour chaque ville.

Energy Cities, en tant qu’organisme, pourrait alors devenir une organisation indépendante d’aiguillage, aidant les villes à choisir les outils appropriés en fonction de leur situation individuelle et de leur progression vers la neutralité carbone.