« Derrière les mots », épisode 1 : Le Pacte climat

Edito politique par Claire Roumet


À propos

Date de publication

05 décembre 2019

Pas un discours qui ne fasse référence à la transition écologique. Les éléments de langage sur le climat virevoltent, avec parfois tout et son contraire dans une même expression. Comme dans l’amendement adopté au Parlement européen dans sa résolution sur la COP 25, insérant le nucléaire dans la liste des « énergies propres ».  Ce même jour, le jeudi 28 novembre, le Parlement européen a déclaré l’urgence climatique à une écrasante majorité. Votée la veille du controversé Black Friday -nous vivons des temps de contradiction !

Dans de nombreux conseils municipaux en Belgique, en France, Suède, Pays-Bas ou Espagne, cette déclaration a été approuvée à l’unanimité. En Allemagne, l’expression « Klimanotstand » désigne plus encore : il s’agit d’un « état d’urgence climatique », comme lors d’une agression, une guerre. L’urgence, au niveau local, est tangible. En tant qu’élu·e local·e, il n’est plus possible de l’oublier. Ce sont toutes les actions publiques du territoire qui doivent prendre en compte cette urgence, y répondre, changer la trajectoire. Tout doit être réorienté, ré-ancré. Il nous faut une nouvelle boussole.

Il est notable que cela fasse consensus au niveau local. Ce n’est certes pas le cas dans toutes les communes d’Europe, mais les engagements des maires ne faiblissent pas. Au contraire, ils et elles sont chaque jour plus nombreu·x·ses à inscrire leur stratégie dans les objectifs européens 2030 et à signer la Convention des Maires. Et c’est la raison pour laquelle, le futur « Pacte climat », une des promesses de la nouvelle Commission européenne, doit se fonder sur les territoires. La « culture climat » y préexiste, elle ne demande qu’à grandir, à croître.

Mais c’est quoi un « Pacte climat » ?

Un Pacte, c’est en premier lieu un accord de non-agression entre les politiques européennes, qui devraient être toutes en cohérence avec l’enjeu de l’urgence climatique. Mais c’est aussi un accord entre les politiques européennes et les politiques locales qui doivent gagner en flexibilité, en agilité et en innovation pour répondre aux défis.

Un Pacte, c’est aussi un accord de partenariat entre les différentes parties : les stratégies 2030 dont se dotent les villes, comme à Louvain ou Lyon, se déclinent en plans d’actions portés par des coalitions d’acteurs·rices, à chaque fois différent·e·s selon l’action. Et elles engagent toutes ces parties prenantes les unes envers les autres.

Enfin, un Pacte, par définition, est inclusif. Il n’y a pas de pacte possible sans équité.

Nous voulons donc un «Pacte de cohérence » entre tous les niveaux de gouvernement [i], mais aussi instituer l’urgence climatique comme objectif transversal de toutes les politiques européennes. Ce n’est qu’une traduction des objectifs de l’Union européenne dans le langage d’aujourd’hui. Un haut Comité pour le Climat [ii], qui produirait un rapport indépendant tous les ans, ferait une évaluation précise de la situation : Est-on sur la bonne trajectoire ? Les politiques mises en place garantissent-elles l’équité ? Des recommandations s’en suivraient.

Enfin et surtout, un pacte se scelle autour d’une vision partagée. Ce sont les multiples pactes, sur chaque territoire, qui dessinent les futurs possibles, qui pourront trancher entre objectifs contradictoires. Et pour cela, la Convention des Maires pourra montrer la grande diversité des chemins choisis au niveau local, tout en s’inscrivant dans un objectif commun européen. Les 3×20 ont montré leur puissance pour embarquer la société européenne, ses entreprises, ses universités, sa société civile.

Sur ce sol riche, on peut planter nos graines de neutralité climatique. Le Pacte climat, c’est la Convention des Maires 2.0 ; une Convention qui s’élargit à une stratégie partagée par toutes les parties prenantes des territoires. Un Pacte enraciné dans la réalité, un pacte local ET européen. Ce n’est pas seulement un changement de sémantique, mais bien un changement d’approche.

« Derrière les mots », la suite au prochain épisode…

Au prochain épisode, il faudra peut-être revenir sur l’expression « transition énergétique ». Encore aujourd’hui, c’est le cœur de mission d’Energy Cities. Est-ce toutefois la bonne formule pour signifier qu’il ne s’agit pas uniquement de ‘bidouiller’ un système énergétique obsolète, mais d’ancrer à nouveau la société dans son écosystème et ses limites ?

Peut-être … « métamorphoses » ?


[i] Première étape : application réelle de la gouvernance multi-niveaux via l’art. 11 du règlement sur la gouvernance de l’union énergie et de l’action climat.

[ii] Un tel comité existe déjà dans de nombreux Etats membres, et les plans climat des métropoles sont parfois accompagnés également par un regard scientifique extérieur.