Crise sanitaire et crise climatique : les réponses des villes confrontées à ce double combat

L’action locale au secours d’un avenir plus vert !


Après presque 3 mois, la plupart des villes européennes sortent lentement du confinement et essaient de réintroduire un peu de « normalité » dans la vie de leurs habitants. A Energy Cities, nous avons eu la chance de pouvoir maintenir un contact régulier avec ces collectivités territoriales, villes et régions, qui ont été en première ligne de la lutte contre le coronavirus, nous permettant de nous tenir informés des défis auxquels elles ont été confrontées et des solutions apportées.

Alors qu’elles devaient faire face à la pandémie, de nombreuses collectivités ont en effet commencé à réfléchir à leur avenir et à la manière de sortir, encore plus fortes, de la crise actuelle.

Les habitants réinventent leur ville

Certaines villes ont sollicité l’aide de leurs habitants. Ces derniers ont fait preuve d’une formidable ingéniosité et ont montré qu’ils étaient prêts à s’engager !

En Allemagne, les archives municipales de la Ville de Chemnitz ont lancé initiative « Chemnitz résiste – mon rêve pour demain »  et demandé aux habitants de partager leurs réflexions et impressions sur le temps présent afin de laisser une trace de leur expérience pour les générations futures.

La Ville de Krizevci, en Croatie, a lancé le défi « Demain commence aujourd’hui : changer le système pour relancer Križevci Version 20.30 ». Toute la population a été invitée à participer à un  hackathon de 24 heures afin d‘imaginer la ville verte du futur. L’expérience a remporté un vif succès et les participants ont proposé de nombreuses idées, dont un kiosque médical mobile alimenté par des panneaux solaires destiné à collecter les échantillons de sang afin de soulager les équipes médicales tout en facilitant l’accès aux tests pour les habitants.

La Ville de Nice (France) a lancé une plateforme numérique intitulée « Redéfinissons Nice demain ».  Les habitants sont invités à partager leurs idées et à dire comment ils souhaiteraient voir leur ville évoluer une fois la crise passée.

Adopter de nouveaux modèles économiques

D’autres villes ont commencé à repenser leur modèle économique.  « Nous ne voulons pas revenir au modèle d’avant » a prévenu Stefan Brandligt, maire de Delft, lors de l’une de nos discussions hebdomadaires avec nos membres. « Mais nous ne voulons pas non plus d’une autocratie, il faut une coopération à plusieurs niveaux… C’est la seule façon de préserver l’unité de l’Union européenne. Les modalités d’octroi des aides européennes devront intégrer une réflexion sur l’avenir ».

Nous ne voulons pas revenir au modèle d’avant 

Stefan Brandligt, maire de Delft

Bien sûr, plus les villes ont une dimension internationale, plus elles subissent de plein fouet la crise. A titre d’exemple, la Ville de Heidelberg, en Allemagne, accueille 12 millions de touristes par an et son économie dépend en grande partie de ce secteur d’activité. « Nous cherchons déjà des moyens de promouvoir un tourisme local plus durable » affirme son maire, Eckart Würzner. « Nous adoptons des mesures durables et espérons être soutenus dans cette démarche au niveau national et européen ».

Nous adoptons des mesures durables et espérons être soutenus dans cette démarche au niveau national et européen

Eckart Würzner , maire d’Heidelberg

Ces cas ne sont pas isolés. Au cours des dernière semaines, des villes ont uni leurs voix et plaidé pour une relance verte –  voir notre lettre à la Présidente de la Commission européenne ainsi que la lettre ouverte du Conseil politique de la Convention européenne des Maires.  

La Ville d’Amsterdam est même allée plus loin en adoptant le célèbre modèle économique du « Doughnut » afin de s’assurer un avenir prospère qui respecte les plafonds écologiques de la planète. Ce modèle, développé par Kate Raworth de l’Environmental Change Institute de l’Université d’Oxford en 2017, s’intéresse à la manière de satisfaire les besoins des populations tout en respectant les limites planétaires. L’économiste a elle-même adapté sa méthode à la ville afin de les aider à identifier les besoins non satisfaits. 

Soutenir les entreprises locales et les circuits courts

De nombreuses villes se sont intéressées de plus près à leur système de production. En France, la crise a perturbé les circuits de distribution, incitant les consommateurs à se tourner vers les producteurs locaux. Afin de soutenir ce phénomène, la Région Bretagne a créé une plateforme en ligne afin de relier producteurs locaux et consommateurs. Lancée au début du mois d’avril, la plateforme comptait déjà 44 000 clients et 1 205 producteurs 10 jours plus tard ! Brest Métropole a pris une initiative similaire et créé une cartographie interactive des producteurs locaux, permettant ainsi aux habitants de trouver facilement les offres qui leur conviennent le mieux près de chez eux et de prendre contact avec le producteur de leur choix.

A Louvain (Belgique), la plateforme de distribution alimentaire locale Kort’om a lancé un concept de distributeur automatique afin de permettre aux clients d’acheter et récupérer en toute sécurité des produits alimentaires, dont des légumes et produits laitiers, produits localement. Installé dans le centre-ville, ce distributeur est destiné à disparaître une fois les mesures liées au coronavirus  abrogées.

Une des communes de la Région bruxelloise a, quant à elle, lancé une plateforme de e-commerce dédiée aux commerces locaux et appelée « MaZone » (un clin d’œil au bien connu géant du e-commerce). Une fois la commande passée par le client, chaque magasin dépose le ou les produits commandés dans un entrepôt commun où ils sont regroupés avant d’être livrés au client à bicyclette.

Accélérer les mesures de mobilité durable

Ces derniers mois ont fait la part belle au vélo. Les règles de distanciation sociale ayant lourdement impacté les transports en commun dans la plupart des villes, de nombreuses municipalités, parmi lesquelles Milan, Paris, Bruxelles et Valence, en ont conclu que promouvoir la mobilité douce était la solution la plus sûre et la moins onéreuse pour éviter une recrudescence des cas d’infection… et de la pollution. « Nous avions déjà planifié certaines de ces mesures avant la crise, mais la situation en a accéléré la mise en œuvre » précise un employé municipal de la Ville de Valence, en Espagne. Selon Stefan Brandligt, maire de la Ville de Delft, aux Pays-Bas : «  Investir des moyens supplémentaires [dans des pistes cyclables ou des zones piétonnes] était ce qu’il y avait de mieux à faire, même pour des villes comme Delft où 40 % des déplacements se font déjà à vélo ».

Tous ces développements positifs en temps de crise  (sans oublier tous ceux que nous n’avons pu citer !) nous redonnent espoir. Mais l’avenir durable des villes est toujours sur la sellette : les collectivités locales pourront-elles maintenir, voire renforcer, les mesures vertes prises ces derniers mois ? Pourront-elles concilier approche économique locale et ouverture au monde ? Et plus important encore peut-être : serons-nous capable de transformer ce sentiment d’urgence et l’engagement collectif qu’il a suscité en actions en faveur du climat et de la transition énergétique ?