Les politiques visant à promouvoir la rénovation des logements se sont souvent heurtées au même écueil par le passé en faisant l’erreur de se focaliser sur la cible la plus évidente : les logements. Nous devons au contraire reconnaître que tout logement fait partie d’un écosystème, composé de bâtiments divers et variés, d’entreprises, d’énergie et d’individus. Et c’est en intégrant tous ces éléments dans un plan à l’échelle du quartier que nous pourrons commencer à nous rapprocher de l’objectif de 3 % de rénovation par an et lancer la vague de rénovation que demande le Pacte vert pour l’Europe.
Une planification à l’échelle du quartier permet en effet d’évaluer les atouts et besoins à un niveau plus large et d’utiliser ces informations de la manière la plus efficace possible. Divers outils sont également nécessaires pour mobiliser et imposer un changement auprès des propriétaires et occupants de bâtiments très différents. Mais ces informations et outils ne sont utiles qu’entre les mains de collectivités locales qui savent s’en servir. C’est pourquoi il est essentiel que la « vague de rénovation » de l’UE intègre un important volet consacré au développement des capacités et connaissances des collectivités européennes.
Un outil permettant de cartographier et planifier les besoins en chauffage et en refroidissement à l’échelle locale, régionale et nationale a été mis au point dans le cadre du projet Hotmaps financé par le programme Horizon 2020. Concrètement, ce projet permet de définir que dans une zone concentrant un grand nombre d’établissements industriels générant une grande quantité de chaleur fatale par exemple, il est préférable d’investir dans la construction d’un réseau de chaleur urbain pour alimenter les habitations alentours plutôt que de promouvoir le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur.
Les plans de rénovation à l’échelle d’un quartier permettent également d’identifier les projets les plus rapides à mettre en œuvre afin d’accélérer la vague de rénovation et faire passer la transition énergétique à la vitesse supérieure. Les logements sociaux, les écoles et les divers bâtiments municipaux constituent d’excellents points de départ car ils ont un propriétaire unique, ils peuvent bénéficier d’une aide administrative et sont souvent des édifices imposants, construits de manière standardisée. Leur rénovation est donc relativement simple et offre aux entreprises locales du secteur du bâtiment une opportunité de développer leurs compétences en la matière.
Une fois rénovés, ces bâtiments peuvent servir d’épicentres à des projets d’énergie citoyenne. A Mouscron, en Belgique, les panneaux solaires photovoltaïques montés sur le toit d’une école alimentent en électricité verte 200 logements des environs qui ne peuvent en être équipés. Mais même si cela avait été le cas, il est toujours plus efficace de produire de l’électricité avec une seule grande installation plutôt que des dizaines de petites unités.
Les bâtiments à usage commercial ou tertiaire constituent une autre catégorie de bâtiments qui peuvent être rapidement rénovés à l’échelle d’un quartier et ce à moindre coût, à condition de disposer du bon cadre de financement. L’instauration d’objectifs de performance énergétique contraignants assortis d’un calendrier de réalisation peut également contribuer à réduire fortement les émissions. L’avantage de ce dispositif pour les propriétaires est d’accroître la valeur de leur bien sans craindre de subir la concurrence de bâtiments loués moins cher parce qu’ils n’auraient pas été rénovés. Les modalités et calendriers exacts doivent être définis localement, mais il serait possible de fixer un objectif de performance énergétique à long terme (par exemple atteindre la classe A d’ici 2030) avec des étapes intermédiaires, comme atteindre au moins la classe C d’ici 2023, la classe B d’ici 2026 et la classe A au plus tard en 2030.
Les choses sont plus compliquées avec les maisons individuelles et les copropriétés associant à la fois propriétaires et locataires. Le coût des opérations, l’éparpillement et la diversité des bâtiments et autorités de planification font qu’il faudra plus de temps pour lancer le mouvement. Sachant que 43 % des européens vivent en appartement, il est essentiel de s’attaquer à ce secteur. Des projets comme INNOVATE, du programme Horizon 2020, ou encore le projet INTERREG Nord-Ouest Europe ACE-Retrofitting montrent que des mesures concrètes, comme l’établissement de guichets uniques, peuvent être prises pour faciliter les démarches de rénovation.
Comme indiqué ci-dessus, l’intérêt de ces rénovations planifiées à l’échelle d’un quartier est de faire baisser les émissions et la consommation d’énergie, année après année. Il faut le voir comme une série de vagues successives. Tout d’abord, ce sont les logements sociaux, les écoles et les bâtiments industriels et commerciaux qui voient leur confort amélioré et réduisent leurs émissions. Puis vient le tour des maisons et immeubles de logement de bénéficier de systèmes de chauffage à faibles émissions de carbone et d’un approvisionnement en électricité verte produite localement et, dans un troisième temps, de travaux de rénovation qui viendront encore réduire les émissions et la consommation.
Bien sûr, un plan de rénovation à l’échelle d’un quartier ne peut fonctionner que dans des collectivités fortes qui disposent des compétences nécessaires pour planifier et coordonner ces opérations. C’est pourquoi la Commission européenne doit faire du développement des capacités des collectivités locales une priorité de sa vague de rénovation. Les projets comme par exemple la EU City Facility constituent une bonne première étape, mais bien plus doit être fait. En accroissant leurs connaissances et niveau de compétence, nous serons enfin en mesure garantir à chacun un droit universel – celui d’être bien logé.