Le plus grand brainstorming de notre temps

Le président d’Energy Cities appelle à une renaissance sociétale et écologique


À propos

Auteur

Dr Eckart Würzner, Maire de Heidelberg

Date de publication

17 septembre 2021

Septembre est normalement la période de l’année où l’on renoue avec la routine habituelle après avoir profité des vacances pour se relaxer. Mais dans mon pays, l’Allemagne , le mois de juillet a été marqué par des pluies diluviennes, les pires de notre histoire. Une fois de plus, des inondations meurtrières ont battu tous les records, nous rappelant que des événements météorologiques extrêmes pourraient devenir la nouvelle norme partout dans le monde. Or le GIEC nous a clairement mis en garde dans son dernier rapport : la fenêtre pour agir est en train de se refermer irrévocablement.

En tant que président d’Energy Cities, un réseau de plus de 1000 villes européennes qui mènent leur propre transition, je constate cependant une « renaissance » de la société partout en Europe. Je dis « renaissance » et non « résilience », car je pense qu’il est grand temps de se débarrasser de notre vocabulaire de l’ancien monde et d’oser tout remettre à plat. Je ne pense plus en effet que nous devions être « résilients » si cela se réduit à une adaptation temporaire aux crises pour revenir au monde d’avant. Les scientifiques nous disent que notre modèle de développement socio-économique actuel n’est plus viable. On nous dit que nous sommes engagés dans une course contre la montre pour inverser les effets les plus dévastateurs du changement climatique, mais paradoxalement, pour y parvenir, nous devons d’abord apprendre à ralentir. C’est ce que font nos villes membres en prenant le temps de convier l’ensemble des acteurs à la plus grande session de brainstorming de notre époque. Parce que l’avenir ne sera pas fondé sur la compétition mais sur la coopération. Parce que nous devons non seulement rétablir l’équilibre de notre écosystème naturel, mais également celui de notre écosystème sociétal, qui ne pourra jamais se maintenir s’il est bâti sur un déséquilibre social.

La transition juste est un objectif sur lequel nos membres ont commencé à travailler bien avant qu’il ne soit conceptualisé par les institutions européennes. Dans le domaine de l’énergie, nous organisons des « laboratoires de coopération » entre les collectivités locales et les communautés de citoyens afin d’apprendre comment des projets communs peuvent permettre d’économiser l’énergie tout en produisant de la chaleur et de l’électricité issues de sources renouvelables avec les meilleurs rendements, tant économiques que sociaux. À Porto, la première communauté énergétique citoyenne a été mise en place dans un quartier de logements sociaux et concernera quelque 180 logements et une école primaire. Elle s’inscrit également dans un programme plus vaste d’économie circulaire, puisque le projet comprendra des centres de réparation pour équipements électronique .

C’est ainsi que nous révolutionnerons notre système énergétique, comme nous le faisons pour notre alimentation : en produisant et en consommant localement. A Heidelberg, nous venons de créer un consortium et une campagne de promotion des produits régionaux. Plutôt que de procéder au coup par coup de manière discontinue, c’est l’ensemble de notre modèle économique que nous devons réformer, ainsi que toute l’architecture administrative et organisationnelle qui l’accompagne. Nous sommes habitués à ce que les administrations travaillent en silos, avec leurs propres budgets, leur vocabulaire et leurs priorités, mais nous avons besoin de plus de perméabilité. Brest Métropole et le pays de Brest en France, qui font partie du projet européen Tomorrow, ont initié une vaste stratégie de partenariat avec tous les acteurs socio-économiques du territoire dans le cadre de leur feuille de route pour 2050, et une équipe locale de transition a été créée, ainsi que 8 groupes de travail dédiés. Les exemples de telles démarches de co-construction locale se multiplient si rapidement que nous nous en avons  publié un premier recueil, non exhaustif.

Au niveau européen, j’espère que le nouveau Bauhaus européen, dont Energy Cities est un partenaire officiel, nous aidera à jeter des ponts pour que nous parlions tous le même nouveau langage. En tant qu’organisation, nous nous réinventons également, en fondant désormais notre vision sur une nouvelle chartre qui reconnaît toutes les interdépendances entre les différents systèmes : énergétique, alimentaire, foncier et matériel.

Pendant des siècles, notre modèle techno-industriel centralisé nous a rendus aveugles au potentiel de nos territoires. Mais c’était avant le mouvement Fridays for Future. Les consommateurs passifs redeviennent des citoyens actifs, les PME dynamiques sont prêtes à s’associer aux collectivités locales pour récolter les fruits de notre richesse commune. Et nous, élus locaux, n’allons pas les laisser tomber.

Lisez l’article sur le magazine portugais pais positivo !