Manque d’élan national pour la planification local du chauffage et du refroidissement

Le temps presse pour les États membres, qui doivent transposer les obligations de planification locale du chauffage, mais les progrès restent lents. Notre outil EU Tracker révèle que, tandis que les pays tardent à agir, des villes pionnières avancent déjà.


En octobre 2023, la nouvelle version de la directive sur l’efficacité énergétique (DEE) a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne. Depuis, les États membres ont été chargés de transposer ses dispositions dans leur droit national – et le délai est déjà dépassé.

Selon le calendrier fixé par la directive, l’article 25.6 sur la planification locale du chauffage et du refroidissement doit être transposé dans les législations nationales d’ici le 11 octobre 2025. Concrètement, tous les États membres doivent mettre en place un cadre juridique obligeant les municipalités de plus de 45 000 habitants à planifier la décarbonation de leurs systèmes de chauffage et de refroidissement.

Deux ans après la publication de la directive, Energy Cities a mis à jour son outil de suivi EU Tracker, qui évalue la préparation des États membres à appliquer l’article 25.6. Cette année, le suivi s’est concentré sur la transposition juridique, tout en gardant un œil sur les mesures qui peuvent transformer les obligations de planification en véritables actions locales.

Les résultats sont mitigés :

  • 8 États membres ont transposé l’article 25.6 ou disposent déjà d’un cadre juridique adapté (France, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Croatie, Hongrie, Estonie, Finlande)
  • 9 États membres présentent encore de sérieuses lacunes (Portugal, Espagne, Italie, Bulgarie, Roumanie, Pologne, Slovaquie, Lituanie)
  • et 19 États membres ont manqué le délai de transposition.

La célébration attendra encore un peu.

Les États membres ne prennent pas le défi au sérieux

Certains pays, comme les Pays-Bas et le Danemark, ont montré une certaine avance, et l’Allemagne a été la première à transposer officiellement la directive. Energy Cities avait salué cette avancée en 2024. Mais l’arrivée d’un nouveau gouvernement fédéral a vite refroidi l’enthousiasme : la loi sur le chauffage, récemment adoptée, a été la cible de désinformation et les débats politiques ont remis en question son ambition. Une situation qui se répète ailleurs en Europe.

En Autriche, le gouvernement fédéral travaille avec les Länder sur une stratégie nationale de chauffage et de refroidissement visant la décarbonation totale d’ici 2040. Le programme de financement fédéral, qui couvrait jusqu’à 75 % du coût de remplacement des systèmes de chauffage, a pris fin en 2024 et est en cours de révision. Quelques programmes régionaux, comme celui de Vienne, restent cependant actifs.

En Suède, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction pour des lacunes dans la mise en œuvre de la directive. Les critiques portent sur le manque de mesures suffisantes pour assurer un suivi régulier de la planification énergétique locale. L’article 25.6 n’a pas encore été transposé. Les municipalités ont exprimé leurs inquiétudes face au manque de soutien et de ressources pour répondre à ces nouvelles exigences. Beaucoup se sentent dépassées par la charge administrative et financière qu’implique la planification locale du chauffage.

Lors de la transposition de l’article 25.6, la plupart des États membres ont opté pour un niveau d’ambition minimal :

  • En France, une partie de l’article a été transposée via la loi DDADUE, qui impose l’obligation uniquement aux intercommunalités (EPCI) comprenant au moins une commune de plus de 45 000 habitants — un seuil moins ambitieux que celui prévu par la directive. Aucun calendrier ni exigence concrète de mise en œuvre n’a encore été défini. Un décret et un guide d’application sont attendus prochainement.
  • En Croatie, la directive a été transposée avec des dispositions générales. La dernière mise à jour de la loi sur le marché de la chaleur (avril 2025) impose aux collectivités de plus de 35 000 habitants d’élaborer des plans de chauffage et de refroidissement. Ce seuil est plus ambitieux que celui exigé par la directive, mais il manque un cadre de soutien adapté.
  • En Espagne, la transposition a fait l’objet d’une large consultation, avec la participation de la société civile. Un nouveau guide sur le chauffage a été publié et servira de base au gouvernement national, mais le cadre de soutien reste inchangé.
  • En Hongrie, la transposition partielle de la directive confie la majorité des responsabilités aux municipalités, sans leur fournir les ressources nécessaires. La loi sur les services de chauffage urbain confie cette mission aux conseils municipaux des villes de plus de 45 000 habitants.
  • En Flandre (Belgique), un premier projet de transposition a été adopté, avec une adoption finale prévue autour de novembre. Le texte reprend le seuil de 45 000 habitants. Le gouvernement flamand a toutefois décidé de mettre fin au Pacte local pour l’énergie et le climat, qui offrait un soutien précieux aux communes.

Des informations détaillées sur chaque État membre sont disponibles dans les fiches pays de l’EU Tracker. Vous pouvez également découvrir comment les villes mettent ces politiques en pratique à travers les histoires inspirantes publiées par Energy Cities sur la décarbonation.

Et ensuite ?

La Commission européenne va commencer à surveiller la transposition de l’article 25.6 et à encourager les États membres à se mettre en conformité. Ceux qui ne l’auront pas fait s’exposeront à une procédure d’infraction.

Parallèlement, la Commission prépare une nouvelle stratégie européenne pour le chauffage et le refroidissement. Initialement attendue fin 2025, sa publication est désormais prévue début 2026. L’objectif : en faire un véritable outil pour aider les États membres et les municipalités à planifier et mettre en œuvre la transition. Une consultation publique est en cours jusqu’au 20 novembre. Pour Energy Cities, cette stratégie doit définir des trajectoires claires de décarbonation pour la chaleur industrielle et urbaine, accélérer les procédures et stimuler l’investissement dans les technologies propres.

Enfin, Energy Cities suit également les discussions sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP). La proposition de la Commission pour 2028-2034, présentée le 16 juillet, introduit de nouveaux « plans de partenariat nationaux et régionaux » censés simplifier le financement européen. Energy Cities et la Local Alliance estiment toutefois que cette approche risque de centraliser le budget de l’UE, d’affaiblir la politique de cohésion et de marginaliser les autorités locales et régionales. Le futur cadre financier pourrait pourtant être un levier essentiel pour soutenir les projets de chauffage et de refroidissement durables. La création d’un Fonds pour la chaleur propre permettrait d’aider les collectivités à passer de la planification à la mise en œuvre de projets concrets.

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